Pour ceux qui connaissent les aléas de l'édition, le parcours des éditions Le Savoir de Tizi Ouzou peut s'apparenter à un véritable exploit. Cette jeune maison d'édition a été créée dans le cadre de l'Ansej. Son initiateur, Hamid Mezaoui avait, auparavant, publié deux livres en tamazight dont l'un sur le poète Cheikh Mohand Oulhocine. Le fait d'être auteur a facilité les choses. Hamid Mezaoui était motivé, d'autant plus qu'il venait juste d'obtenir un prix suite à un concours littéraire en France. Mezaoui qui est aussi poète a remarqué que dans sa région, le nombre de maisons d'édition était très faible. C'est ainsi que l'idée de se frayer un chemin dans ce domaine est née. Une idée qu'il n'a pas été facile de concrétiser. Il a fallu du temps et surtout d'énormes efforts. Mais aussi l'aide de plusieurs amis dont la plus précieuse est sans nul doute celle de Mohand Boukhtouche, un grand amoureux du livre qui a dans le sang la passion de lire. D'ailleurs, c'est Mohand Boukhtouche qui est le premier lecteur de tous les livres, tous genres et langues confondus. Une fois lu, Boukhtouche peut décider si le livre est publiable ou non. La maison d'édition Le Savoir offre deux options à ses auteurs: la première est l'édition avec une prise en charge totale des frais. La seconde est l'édition à compte d'auteur. Pourquoi passer par un éditeur si l'auteur doit payer? Hamid Mezaoui répond: «Pour plusieurs raisons». La principale est le fait que le livre proposé par l'écrivain est soumis à une correction rigoureuse. La commission de lecture peut même aller jusqu'à suggérer la réécriture de certains passages considérés comme étant ratés. Elle peut également proposer la suppression d'autres passages redondants. Sans compter la conception de la couverture et le travail extrêmement difficile de la diffusion. Les éditions Le Savoir partagent ainsi la poire en deux, car prendre en charge entièrement l'édition de tous les livres est une mission impossible à cause des problèmes de mévente. L'aventure avec l'Ansej est intéressante, selon Hamid Mezaoui, qui dit avoir bénéficié de plusieurs avantages dont un local, à loyer modéré, au siège de l'ex-Monoprix de Tizi Ouzou, d'un véhicule et d'un matériel informatique adéquat. «Nous avons édité trente livres depuis le début de notre activité à la fin 2006. La majorité de nos livres sont écrits en tamazight ou bien, ils ont trait à la région de Kabylie. Ceci s'explique par le fait que nous activons à Tizi Ouzou. Mais nos ouvrages sont distribués à l'échelle nationale. Nous collaborons avec les autres diffuseurs, comme Aït Mouloud, Talantikit et Khennache afin de pouvoir toucher le maximum de régions», explique Hamid Mezaoui. Ce dernier déplore l'absence d'achats conséquents par les bibliothèques étatiques. Le responsable des éditions Le Savoir se demande pourquoi le projet lancé par le ministère de la Culture, consistant à créer une bibliothèque dans chaque commune, n'arrive pas à se matérialiser. Il permettra sans doute de sauver les maisons d'édition, car il y a 1500 communes à l'échelle nationale, explique-t-il. La diffusion dans les librairies, à elle seule, est insuffisante. A titre d'exemple, dans toute la wilaya de Tizi Ouzou, indique-t-il, il y a à peine cinq librairies spécialisées uniquement dans le livre. Dans le cadre de la manifestation «Alger, capitale de la culture arabe 2007» sa maison d'édition n'a bénéficié que d'un seul titre. Parmi les ouvrages publiés par les éditions Le Savoir et qui ont eu un écho favorable de la part des lecteurs, on peut citer le roman Les montagnes de la douleur, La conquête française du Djurdjura, un livre sur le poète Mohamed Belhanafi, un autre sur Mohand Arezki Ouhaouache en plus de deux livres sur Si Mohand Ou M'hand. Contrairement à ce qui se colporte, le livre en tamazight se vend bien, rectifie Hamid Mezaoui, qui est bien placé pour le savoir. C'est sans doute pourquoi le prochain livre qui sera publié par sa maison d'édition est un lexique de tamazight réalisé par M.Naït Abdellah.