L'ensemble des intervenants s'est opposé à l'idée même du dialogue. Les représentants des 31 communes affiliées à la coordination intercommunale de Béjaïa se sont rencontrés, ce week-end, pour un conclave ordinaire à l'issue duquel le rejet de l'offre du dialogue a été retenu. Les travaux de ce conclave, dédié à la mémoire du jeune Redouane Salhi, tué le 27 juin 98 au lendemain de l'assassinat du chantre de la chanson kabyle Lounès Matoub, ont été dominés par un débat portant sur le dialogue rarement soulevé jusque-là. En effet, l'ensemble des intervenants au cours du premier point de l'ordre du jour relatif à l'information, s'est opposé à l'idée même du dialogue. De leurs propos ressortait un manque de confiance flagrant entre les deux protagonistes à savoir les ârchs et le pouvoir. La reconduction de M.Zerhouni au poste de ministre de l'Intérieur a été, à ce titre, la raison principale évoquée par les délégués communaux pour expliquer leur «méfiance», mais aussi pour justifier leurs positions concernant le rejet du dialogue. Cette reconduction est, en effet, perçue comme «une volonté du pouvoir de maintenir le statu quo dans sa gestion de la crise en Kabylie». L'option du dialogue des délégués détenus, rendue publique par un membre du collectif des avocats, a fait également l'objet d'un démenti tout comme celle concernant les tentatives de prise de langue entre les représentants de la CICB et le Chef du gouvernement. Des représentants communaux ont affirmé que «les délégués des détenus à la maison d'arrêt de Béjaïa ne sont pas concernés par les informations colportées à ce sujet». Dans une déclaration sanctionnant les travaux de ce conclave, les délégués de la CICB notent que «le pouvoir maffieux et assassin persiste dans la manoeuvre et la manipulation» allusion aux informations faisant état d'un nouveau processus de dialogue, distillée, selon les rédacteurs par «les relais du pouvoir». «Le maintien de détenus du mouvement citoyen en prison et la poursuite des arrestations arbitraires relèvent, ajoute les conclavistes, de la duplicité de ce pouvoir rompu à la ruse». Par la même occasion, la CICB réfute «l'existence de tout contact avec le pouvoir» et réaffirme son exigence «de la satisfaction pleine et entière de la plate-forme d'El-Kseur explicitée à Larbaâ Nath-Irathen». Par le décret présidentiel du 7 avril 2002, portant indemnisations des parents de martyrs et des blessés, le pouvoir «use d'un subterfuge visant à diviser le mouvement, à charcuter la plate-forme d'El-Kseur et son dédouanement de tous les crimes», écrivent encore les rédacteurs. Une réunion regroupant les parents des martyrs et des blessés de la wilaya de Béjaïa est, en ce sens, prévue pour jeudi prochain dans la commune de Tifra. Elle coïncide avec le premier anniversaire de l'assassinat du jeune Fouad Adara. La CICB dénonce, par ailleurs, «l'embargo décrété par le wali de Béjaïa», consistant «en l'absence d'approvisionnement en essence des pompes de la ville d'El-Kseur» et les contrôles systématiques d'identité opérés par les forces de l'ordre au niveau des barrages fixes aux portes de la ville de Béjaïa. Les représentants de commune appellent la population à organiser dans la dignité des journées commémoratives à la mémoire du chantre Lounès Matoub. Deux principales actions ont été, en outre, retenues dans le cadre de la pression en vue de la satisfaction de la plate-forme d'El-Kseur et la libération des détenus. Il s'agit d'un sit-in populaire devant le tribunal de Béjaïa le 26 du mois en cours et d'une action d'envergure nationale pour le 5 Juillet prochain. La nature de cette action sera définie lors du prochain conclave de l'interwilayas à Tigzirt (Tizi Ouzou). Au-delà de tous les faits ayant trait à l'option des délégués détenus et le démenti qui s'en est suivi au cours de la semaine écoulée, c'est tout le processus du règlement de la crise qui est posé. La persistance des attitudes des uns et des autres caractérisées depuis toujours par un manque de courage et de volonté, a créé un climat de méfiance. La libération des détenus et l'arrêt des poursuites judiciaires sont, de l'avis général, les seules mesures à même de rétablir une relation de confiance et par là même aboutir vers une solution à la crise. Les déclarations d'intention ne suffisent plus.