Sabrina Azzi a publié un livre qui raconte le parcours de son grand-père dans les rangs de l'ALN, pendant la guerre de Libération nationale. Ath Douala, le rendez-vous manqué, tout en étant la biographie d'un ancien maquisard tombé au champ d'honneur à l'âge de 23 ans, représente aussi la chronique d'une région qui a payé un lourd tribut pendant la guerre d'Algérie. L'Expression: Comment a été accueilli votre premier livre? Sabrina Azzi: Pour être franche, je n'ai jamais attendu une telle réaction. Surtout, s'agissant d'une débutante. Le livre a suscité un bon écho. Les gens ont apprécié le travail accompli et surtout les moudjahiddine des deux régions concernées. Cela me stimule à poursuivre l'écriture. Ce qui m'a plu, c'est la joie des habitants du village natal de mon grand- père qui ont été vraiment émus de voir l'histoire de leur village relatée et écrite dans un livre! Même si en même temps j'ai subi des critiques vraiment sévères. J'ai toujours été férue de la révolution algérienne ainsi que des braves hommes qui l'ont faite et je me sens très fière d'avoir entamé mon chemin dans l'écriture en parlant de leur courage, leur bravoure et surtout de leur patriotisme. Comment est née l'idée d'écrire ce livre? Depuis que j'étais toute gamine, je rêvais d'écrire un jour un livre qui sera consacré à mon grand-père. J'étais tant impressionnée par sa personnalité, son courage et sa bravoure que je voyais ce livre comme étant un hommage qui devait lui être rendu. D'autre part, j'ai voulu mieux connaître l'histoire de mon pays et connaître les misères qu'ont subies les gens durant cette époque. Pourquoi avoir choisi le français alors que vous avez fait vos études en arabe? Il y a plusieurs raisons à cela. D'abord, la langue de Molière me passionnait depuis que j'étais au primaire, c'est une langue qui m'a toujours paru comme étant un moyen d'expression très efficace, et puis on a hérité cette langue de nos parents qui sont francophones. En outre, nul ne peut nier que le français est une très belle langue. Est-ce que vous comptez continuer l'aventure de l'écriture? L'appétit vient en mangeant. Quand la plume est collée à la main, cette dernière ne s'en détachera pas. J'aime bien quand vous assimilez l'écriture d'un livre à une aventure, car c'est vraiment une très belle aventure, et dès qu'on franchit son seuil, on éprouve le désir de ne jamais la quitter. L'écriture est pour moi plus qu'un loisir, c'est un besoin que je dois nourrir à chaque fois que je le ressens et surtout à chaque fois que je suis suffoquée devant des événements atroces qui surviennent et qui font éveiller en moi le courroux et le ressentiment, et je crois que c'est beaucoup plus la misère qui pousse à écrire dans le but d'anéantir la colère qui calcine les veines. Je suis en train de préparer mon ingéniorat en informatique et je ne nie pas que cette dernière est aussi très passionnante et le facteur commun entre les deux, c'est la création, l'écriture nous fait voyager dans l'abstrait qu'on ne touchera jamais. L'informatique nous fait entrer dans l'abstraction qu'on ne sent pas mais qu'on concrétise par la suite. Pour le moment, je prépare un livre sur les contes kabyles. Vous avez été obligée d'éditer votre livre à compte d'auteur et vous n'êtes pas passée par un éditeur! Je suis une débutante qui prend conseil des gens qui ont de l'expérience dans ce domaine. Beaucoup d'écrivains ont édité leur premier livre à compte d'auteur. Je citerai Mouloud Feraoun qui a publié son premier roman à son compte d'auteur. Le problème qui se pose, c'est que les maisons d'édition ne cessent de faire traîner les auteurs, et moi je n'ai pas voulu perdre du temps. Puisque que le livre était prêt, pourquoi attendre une année ou plus pour l'éditer? Résumez-nous le parcours de votre grand-père pendant la guerre? Mohammed a vécu une enfance misérable dans une famille très pauvre de la région d'Ath Douala. Dès qu'il atteint la vingtaine, il part en Alsace pour améliorer les conditions de vie de sa famille et voilà qu'il entend que la guerre contre le colonisateur est déclenchée, alors il a pris ses bagages pour défendre sa patrie. Il n'avait que 23 ans et il n'avait pas fait son Service militaire mais son courage et sa détermination étaient sa force. Il rejoint les membres de l'ALN en 1955, avant d'être affecté par la suite aux Ath Irathen où il rallie le groupe du fameux chahid Mhenna Ben Nouar, connu sous le nom de Si Tarik et, ensemble, ils réalisèrent des embuscades et des actions de sabotage mémorables. L'événement le plus dramatique, c'est qu'il fut trahi et qu'il succomba sous les balles de l'ennemi le jour où était prévue sa rencontre, pour la première fois, avec sa fille qui est ma mère d'où le titre du livre Le rendez-vous manqué...