Ils ont déferlé par milliers pour suivre le dernier meeting du candidat Bouteflika, assoiffés d'une victoire dont ils mesurent peu les enjeux. «Allez Bouteflika! Allez Bouteflika!» Sous les projecteurs puissants de la Coupole, les jeunes innombrables scandent le nom du candidat en agitant des portraits identiques. Beaucoup parmi eux vont voter pour la première fois. Cette jeunesse étudiante, passée en masse des bancs de la faculté aux sièges de la salle ovoïde, laisse jaillir un même entrain. Ainsi en est-il de Khadidja, future bachelière dont les hanches s'animent sans répit sous le mouvement de la danse. «Je suis là pour me défouler mais aussi pour dire que j'aime Bouteflika! crie-t-elle pour se faire entendre au milieu des clameurs de la foule. Et je pense qu'il va nous donner un avenir!» Trop occupée à frapper des mains et à trépigner, la jeune fille qui n'a encore jamais voté ne veut pas s'étendre sur les raisons, peut-être légères, de son soutien à Bouteflika. Tous les jeunes autour d'elle portent la même casquette blanche vissée sur la tête, en signe de ralliement à celui qu'ils désignent parfois comme leur «père». En amont du discours, des images d'archives défilent sur l'écran géant: elles montrent les acclamations des Algériens au coeur de la Révolution, drapeaux flottant aux fenêtres des bus dans les rues de la capitale. Alors la salle répond par cette même frénésie, face à une époque qu'ils n'ont pas connue mais dont leur seul candidat représente le mythe. Pour Bachir, c'est plutôt sa gestion de la tragédie nationale qui importe. «Les années passées, il y a eu beaucoup de choses douloureuses, et c'est grâce au Président que le pays s'est relevé», estime l'étudiant en lettres arabes à l'Université d'Alger, venu avec quelques amis pour dire à Boutef qu'ils sont là pour lui, avec lui. «Ma vie, c'est mon pays, mon peuple, et Bouteflika parle au peuple algérien!» Pour beaucoup aussi, le militantisme des proches fait figure de référence, voire d'alibi. «Mes parents ont toujours été derrière Bouteflika», explique Othman, primovotant de 21 ans qui ira déposer jeudi son bulletin dans l'urne d'un bureau de Aïn Defla, sa ville natale. «Moi, personnellement, je n'aime pas le changement», poursuit le jeune homme qui se destine à l'enseignement. «Depuis que je suis petit, Bouteflika est président et je veux qu'il le reste. Cela assurera une continuité, une certaine stabilité. Et puis le chômage, ce n'est pas à cause de lui», conclut-il en évoquant les difficultés de certains jeunes qui, eux, pourraient rester chez eux le jour de l'élection. Quand, enfin, le Président surgit sur la scène blanche, sur les airs électrisants de Cheb Mami, la salle se lève d'un même élan. Réglée comme du papier à musique, l'arrivée du Président déclenche une ovation des jeunes, qui, dans les premiers rangs, improvisent une «hola», imités par le Président. «Il vaut mieux entendre les youyous que de voir le pays dans un bain de sang et de larmes!», glisse le candidat au coeur de son discours, alors que les youyous incessants redoublent aux quatre coins de l'immense amphithéâtre. Certains jeunes militants tentent alors d'approcher le Président, en vain. Repoussés vivement par les forces de sécurité, il ne leur reste qu'à exprimer leur excitation en frappant leurs longs ballons estampillés «Bouteflika» l'un contre l'autre, et pour certains à déployer sur plusieurs mètres carrés le drapeau national. Atmosphère proche des virages de stade, ferveur d'une jeunesse encore étudiante, loin des affres du chômage et du doute. «Certes, il y a des problèmes en Algérie qui touchent la jeunesse, comme les harraga, concède Bachir. Je veux moi aussi trouver un travail, en tout premier lieu, car le bonheur vient avec le travail. Mais je suis persuadé que notre Président qui a déjà donné beaucoup aux jeunes, me permettra à moi aussi d'y arriver.» A la fin du meeting, la vaste fourmilière qu'était devenue la Coupole se vide peu à peu. Les sifflets se dissipent et les rangs se desserrent. «Bouteflika a parlé aux jeunes et son discours m'a pleinement convaincu», affirme timidement Sarah, étudiante en commerce international, peu avant de quitter la salle encore vibrante. Ira-t-elle voter elle aussi le 9? «Incha Allah», répond-elle en haussant les épaules, l'air de savoir pour qui, mais non pourquoi.