Le pire a été évité certes, mais ces graves incidents ouvrent grande la voie à des lendemains incertains. Un couteau à la main, un jeune surgit de la foule. Il porte des portraits du président-candidat et scande «Vive Bouteflika». Il menace avec son arme un journaliste de la radio : « Vous êtes des journalistes (...) foutez le camp d'ici ». Le journaliste allait au secours d'un des confrères auquel on a subtilisé ses lunettes. Le pire a été évité de justesse hier à Relizane et le sang a failli couler. Le long de l'itinéraire que devait suivre le cortège du candidat du FLN pour se rendre à la salle de conférences où devait se dérouler le meeting, des adolescents furieux bloquent le passage et sont prêts à en découdre avec la délégation. Passifs, atones et aphones, les policiers présents sur place n'ont n'ont fait que de la figuration parmi une foule chauffée à blanc. Faisant partie du même cortège, le bus transportant les journalistes a été carrément bloqué et ses occupants ont failli être lynchés au moment où il se trouvait au centre d'une foule hystérique. Un véritable guet-apens a été organisé sous les regards des policiers. La panique s'est emparée alors de la quinzaine de journalistes qui n'ont eu d'autre choix que de fermer les vitres du fourgon avant de prendre la fuite à l'intérieur de la salle de conférence. «La veille de ce meeting, un certain Z., que l'on dit proche du wali et qui se comporte en véritable shérif dans la ville, a ordonné aux policiers de retirer les barrières qui longent l'itinéraire menant au centre culturel et a demandé l'allégement du service d'ordre», a déclaré un organisateur sur place. Les militants du FLN chargés de veiller à l'organisation du meeting ont eu tout le mal du monde à empêcher «les supporters de Bouteflika d'entrer dans la salle». «On a dû résister à ces provocations pendant des heures et les services avaient tout le temps de renforcer leur dispositif mais ils ne l'ont pas fait», confie un autre organisateur. L‘atmosphère était électrique et il s'en est fallu de peu que l'on n'assiste à un grave dérapage. Au lieu de s'inspirer du slogan prôné par leur candidat «la concorde nationale», les responsables locaux de la campagne de M. Bouteflika assistaient au spectacle avec délectation : «Bouteflika est le président et il le restera, faites ce que vous voulez et advienne que pourra», menace verbalement et avec hargne un des responsables. Ainsi ils ont préféré faire dans la provocation, ont menacé à l'arme blanche des journalistes de la radio, de la presse écrite et de la télévision qui ont eu le tort de venir informer l'opinion publique sur les activités d'un candidat à la présidentielle. L'agressivité exprimée par des citoyens à Relizane était «innocente», tant elle tenait à l'effet de Panurge. Ou alors, les citoyens de Relizane ont-ils à ce point intériorisé une violence au bout de douze années de terrorisme? Loin s'en faut puisque des citoyens de la même wilaya ont rempli à craquer la salle où Benflis a animé son meeting. D'entrée de jeu, le candidat du FLN rassure ses milliers de sympathisants : «c'est l'effet de panique, ils ont compris que la bataille est perdue pour eux» avant de clamer à son tour par trois fois «n'ayez pas peur d'eux, la victoire est pour vous et elle le sera dans quelques jours, allez de l'avant pour le changement» et un tonnerre d'applaudissements retentit dans la salle avec des cris «Benflis président». Le deuxième meeting animé lors de la sortie d'hier s'est déroulé à Chlef où le même scénario que Relizane allait se reproduire n'était l'intervention de la garde rapprochée du candidat pour déblayer le chemin. A Chlef également la police observait avec la même passivité, à croire qu'ils ont reçu la ferme instruction d'assister passifs à la perturbation. En tout point de vue le scénario a été le même puisque le centre culturel n'a pas pu contenir les milliers de personnes venues écouter leur candidat. Après avoir expliqué les grandes lignes de son programme, il a appelé les gens à aller voter avec la même détermination et sans crainte aucune puisque «la victoire est pour demain pour en finir avec ceux qui veulent instaurer un Etat dictatorial et exclusiviste». Mais c'est à Aïn Defla que le summum a été atteint. Une foule en délire animée par Zidouk, le chef du groupe parlementaire du FLN, ne cessait d'exprimer sa totale adhésion «au projet de renouveau prôné par Ali Beflis». Le candidat du FLN déclare à leur endroit «Votez et surveillez les urnes, ils auront peur de vous car ce sont des fuyards ils n'ont jamais gagné une bataille» avant de terminer avec une réconciliation version Benflis «S'il y a une réconciliation aujourd'hui c'est bien celle du peuple avec son Etat et de l'Etat avec son peuple».