Le Maroc accuse le Front Polisario d'avoir violé le cessez-le-feu en vigueur depuis 1991. Que s'est-il réellement passé? Il y a deux jours, le 10 avril, 3000 personnes, dont une majorité de sympathisants étrangers, 2000 selon les chiffres officiels communiqués, ont participé à une marche pacifique pour protester contre «le mur de la honte» érigé par les autorités marocaines et qui scinde les territoires sahraouis en deux parties. «Plus de 7 millions de mines antipersonnel ont été enfouies tout au long de ce mur» a révélé un responsable de l'organisation internationale «Landmine Action», dont la spécialité est le déminage. Vendredi dernier, des jeunes Sahraouis qui participaient à cette manifestation ont essayé de retirer le grillage qui recouvre ce mur. L'explosion d'un de ces engins a gravement blessé deux d'entre eux. Pour rappel, cette forteresse baptisée «mur des sables» joue le rôle de ligne de démarcation entre les territoires libérés par le Front Polisario et ceux toujours occupés par les forces coloniales du Royaume marocain. Il a été surélevé à partir du mois d'août 1980, sur le conseil il faut le souligner, d'experts militaires étrangers, des Américains et des Israéliens en particulier. Sa construction a été achevée en 1987. 100.000 militaires peuvent intervenir à tout moment pour assurer sa défense. Comment dans pareil cas le Maroc se sentirait-il en danger? Il faut une bonne dose de paranoïa pour rendre un tant soit peu la thèse marocaine crédible si comme à son accoutumée, elle n'était pas accompagnée de graves et gratuites accusations visant nommément l'Algérie. Un communiqué du ministère de l'Intérieur marocain indiquait vendredi dans le courant de la journée que «quelque 1400 personnes, dont des étrangers, encadrés par des éléments militaires du Polisario, munis d'armes individuelles et de détecteurs de mines, sont entrés vendredi dans la zone interdite, à l'est de la ligne de défense, près de Mahbès, à bord de 90 jeeps, de 10 camions, et d'autres véhicules et bicyclettes». Taieb Fassi Fihri qui est revenu sur cet «événement» hier, a ajouté que «ce groupe a été acheminé sur le territoire algérien à bord de 90 jeeps, 10 camions et un bus, étalés sur un front de 600 mètres». Le ministre des Affaires étrangères de Mohammed VI, dans la foulée, de cette manoeuvre diabolique, interpelle le secrétaire général des Nations unies sur hautes instructions du souverain marocain. Le trône alaouite appelle «les Nations unies à assumer leurs responsabilités et à prendre les dispositions qui s'imposent pour asseoir leur autorité dans la zone située entre le dispositif de défense et les territoires algérien et mauritanien où, conformément aux accords militaires de 1991, aucun fait accompli ou changement de statu quo n'est permis au demeurant, quel que soit l'artifice». Ce qu'escamote cependant ce message adressé aux Nations unies c'est le véritable fait accompli, le hold-up, réalisé par le Maroc qui a annexé les territoires du Sahara occidental abandonnés par les forces d'occupation espagnoles en 1975. Le président de la République sahraouie vient d'ailleurs d'appeler le gouvernement espagnol à clarifier sa position et à se ranger du côté de la légalité internationale. «L'Espagne devrait se départir de sa position ambiguë, exiger le respect du droit international et faire pression sur le Maroc pour l'amener à mettre fin à sa stratégie continue de violation des droits de l'homme dans les territoires sahraouis occupés», a déclaré Mohamed Abdelaziz à la presse espagnole venue couvrir la manifestation contre «le mur de la honte». La fébrilité des autorités marocaines réside dans le rapport que doit présenter Christopher Ross, le nouvel envoyé spécial de Ban Ki-moon pour le Sahara occidental, devant le Conseil de sécurité mardi prochain. Les violations des droits de l'homme dans les territoires sahraouis de la part des forces d'occupation marocaines sont attestées en même temps que se profile un cinquième round de négociations qui pourrait déboucher sur la tenue d'un référendum d'autodétermination qui permettrait au peuple sahraoui de choisir librement son destin. C'est l'unique cauchemar de Mohammed VI.