Au moins 90 blessés ont été dénombrés lors d'affrontements violents entre manifestants et armée alors que le ministère de l'Education était incendié. De violents affrontements faisaient rage hier à Bangkok où des manifestants antigouvernementaux se battaient à coups de cocktails molotov et de pavés contre des soldats qui ripostaient en tirant en l'air et en recourant au gaz lacrymogène, faisant au moins 90 blessés selon un dernier bilan. Un bâtiment du ministère de l'Education et sept autobus ont été incendiés à proximité du siège du gouvernement thaïlandais, lieu du principal rassemblement d'opposants jusqu'ici épargné par les violences, selon un témoin. Des centaines de militaires arrivés à bord de camions ont pris position en fin d'après-midi sur une place des environs des bureaux du Premier ministre, où 4000 manifestants étaient rassemblés. L'armée essayait de repousser tous les protestataires éparpillés dans Bangkok «vers un seul lieu afin d'empêcher l'arrivée d'autres manifestants». Les affrontements, dont le bilan est provisoire, ont éclaté à l'aube près du carrefour Din Daeng occupé par des manifestants que des militaires ont tenté de dégager. Les heurts s'y poursuivaient hier à 18h30 locales (11h30 GMT). Dans la matinée, les protestataires ont, notamment foncé à bord d'un autobus sur des soldats qui ont riposté en tirant de puissantes rafales d'armes automatiques au dessus de la foule. Au moins 74 personnes, manifestants pour la plupart, ont été blessées, dont au moins deux sérieusement, selon les services d'urgence. Plusieurs autobus ont été incendiés et des barricades érigées à proximité du carrefour, où des tirs sporadiques étaient encore entendus dans l'après-midi. D'épaisses colonnes de fumée noire étaient visibles au dessus de la ville. L'armée thaïlandaise utilisera «tous les moyens possibles pour rétablir l'ordre», a averti son commandant suprême, Songkitti Jaggabatara, dans une rare allocution télévisée en direct. Le Premier ministre Abhisit Vejjajiva a décrété dimanche l'état d'urgence à Bangkok face aux manifestations des «Chemises rouges» - surnom des partisans de l'ex-Premier ministre en exil Thaksin Shinawatra - qui depuis des semaines réclament sa démission et des élections anticipées. Contrairement à ce qu'elle avait fait lors des manifestations d'opposants royalistes qui avaient ciblé fin 2008 un gouvernement pro-Thaksin et précipité sa chute, l'armée thaïlandaise, cette fois, n'est pas restée passive contre les protestataires. Elle n'a pas hésité à recourir à des tirs de sommation à balles réelles pour essayer de faire fuir les «Chemises rouges». Les autorités ont renforcé la sécurité dans les ports, aéroports et autres infrastructures majeures, a annoncé le porte-parole du gouvernement. De nombreux pays étrangers ont conseillé à leurs ressortissants de ne pas se rendre à Bangkok ou de rester dans leurs hôtels. Samedi, un sommet asiatique avait été annulé à Pattaya, les «Chemises rouges» ayant pris d'assaut l'hôtel où il se déroulait. L'arrestation, dimanche, du leader des protestataires de Pattaya, l'ancien chanteur de pop Arisman Pongreungrong, a aggravé la situation. Thaksin Shinawatra, 59 ans, ancien homme fort de la Thaïlande renversé par des généraux royalistes en 2006, s'est enfui à l'étranger pour échapper à une condamnation pour corruption. Homme d'affaires controversé, il reste toutefois populaire, en particulier dans les régions rurales du nord. Abhisit Vejjajiva, 44 ans, est devenu Premier ministre le 15 décembre à la faveur d'un renversement d'alliance parlementaire, après des manifestations royalistes qui avaient précipité la chute d'un gouvernement pro-Thaksin.