Après deux mois de manifestations d'abord pacifiques puis émaillées d'incidents violents et plusieurs séances de négociations sans résultat, les militaires ont neutralisé la zone en quelques heures. Les chefs des «chemises rouges» antigouvernementales se sont rendus hier et appelé leurs partisans à cesser le mouvement après un assaut de l'armée sur leur camp retranché qui a fait au moins cinq morts, mais les violences se poursuivaient à Bangkok et dans le Nord. La Bourse de Bangkok, plusieurs centres commerciaux, des banques et les locaux d'une chaîne de télévision, avec 100 personnes à l'intérieur, étaient en feu, incendiés par des manifestants, selon les pompiers. Une épaisse fumée noire, provenant de nombreux pneus incendiés, se dégageait au-dessus de la capitale thaïlandaise, où l'armée a annoncé l'imposition d'un couvre feu à partir de 20h00 hier soir (13h00 GMT) à 06h00. Le gouvernement a d'ailleurs reconnu que des parties de la ville n'étaient pas sous contrôle, alors que l'armée annonçait qu'elle allait «s'occuper de ceux qui provoquent des troubles». La police a elle été autorisée à tirer à vue sur les pillards ou émeutiers. Les violences ont également gagné le nord-est du pays, dont sont originaires nombre des contestataires, et des milliers de manifestants «rouges» ont incendié hier le siège du gouvernement de la province d'Udon Thani, selon le gouverneur, Amnat Pagarat, qui a assuré que l'armée avait repris le contrôle. C'est tôt le matin que les opérations avaient commencé à Bangkok, l'armée envoyant des blindés et des centaines de soldats pour mettre un terme à l'occupation par les «rouges» d'un quartier touristique et commercial huppé de la capitale. Après deux mois de manifestations d'abord pacifiques puis émaillées d'incidents violents et plusieurs séances de négociations sans résultat, les militaires ont neutralisé la zone en quelques heures, au milieu d'échanges de tirs d'armes automatiques et de grenades, forçant les cadres du mouvement antigouvernemental à renoncer. Quatre civils ont été tués lors des opérations, ainsi qu'un journaliste italien touché par une balle dans l'abdomen, selon la police. Au moins deux autres reporters, un Néerlandais et un Canadien ont été blessés. Des combats ont aussi eu lieu pendant une partie de la matinée dans le grand parc Lumpini, un lieu de promenade des Thaïlandais et des touristes étrangers. Les leaders des manifestants ont annoncé peu après 13h00 (06h00 GMT) qu'ils allaient se rendre aux autorités, dans une intervention chargée d'émotion sur la scène située au milieu de la zone rouge. «Moi et mes compagnons allons nous rendre au Bureau de la police nationale. Je sais que vous souffrez. Certains d'entre vous sont sans voix. Mais nous ne voulons pas plus de morts», a déclaré Jatuporn Prompan, en larmes. «Nous cessons la manifestation maintenant. Je sais que c'est inacceptable pour certains d'entre vous», a renchéri Nattawut Saikuar. «Nous allons échanger notre liberté contre votre sécurité. Nous avons fait tout ce que nous pouvions (...). Je demande à tout le monde de rentrer chez soi». Au moins un des leaders s'est enfui. D'autres se sont rendus à la police, alors que les manifestants se dirigeaient vers les sorties du camp retranché. L'émotion avait été très vive toute la matinée au milieu du camp retranché, où au moment de l'assaut, des chanteurs avaient entonné des chants de lutte. Une banderole «Arrêtez de tuer le peuple» avait été accrochée à proximité de la scène. Les autorités avaient mis fin dans la nuit aux perspectives de reprise des négociations, que des sénateurs avaient tenté de relancer jusqu'à la dernière minute avec l'accord des «rouges». Des affrontements violents avaient déjà fait 39 morts et 300 blessés entre jeudi soir et lundi. Depuis le début de la crise à la mi-mars, 68 personnes ont été tuées et environ 1700 blessées, sans compter les victimes de l'opération finale.