Plus de sept cent millions d'électeurs indiens sont appelés à partir du 16 avril à choisir leur représentant pour des législatives sous haute surveillance. Le parti au pouvoir en Inde et l'opposition, qui s'affrontent aux législatives du 16 avril au 13 mai, agitent le spectre du terrorisme quatre mois après les attentats islamistes de Bombay, mais des experts doutent que cela fasse mouche auprès des électeurs. En publiant fin mars son programme électoral, le Parti du Congrès du Premier ministre Manmohan Singh s'est présenté comme le seul capable de lutter «avec force et détermination contre le fléau du terrorisme». En fait, le gouvernement est sur la défensive depuis les attaques de Bombay du 26 au 29 novembre 2008, accusé de n'avoir pas su empêcher -ou tout au moins limiter- le carnage de ce «11 septembre indien» (174 tués, dont neuf des dix assaillants). L'Inde impute ces attentats contre sa capitale économique au Lashkar-e-Taïba, un groupe islamiste armé clandestin pakistanais, actif au Cachemire, avec la complicité des services de renseignements militaires pakistanais (inter-services intelligence, ISI). Inlassablement, New Delhi accuse son voisin et «frère ennemi» pakistanais d'être «l'épicentre du terrorisme mondial» et se dit convaincue qu'elle sera de nouveau frappée. Ainsi, le Parlement a adopté fin 2008 une législation antiterroriste plus dure, dans l'espoir d'apaiser la colère de l'opinion publique. Car le géant asiatique est la cible d'une vague sans précédent d'attentats, au rythme moyen d'un tous les trois mois depuis 2005. Un aubaine pour le parti nationaliste hindou de l'opposition (Bharatiya Janata Party, BJP) -au pouvoir de 1998 à 2004- qui a qualifié de «cauchemar» la politique du contre-terrorisme conduite par le Parti du Congrès. «L'Inde n'a jamais été aussi désarmée face au terrorisme», a déploré le BJP dans sa profession de foi. «La sécurité nationale est la question la plus préoccupante», a insisté le candidat de la droite hindoue au poste de chef du gouvernement, Lal Krishna Advani, voyant en M.Singh «le Premier ministre le plus faible» de l'histoire de l'Inde indépendante. Pour autant, «la sécurité nationale ne sera jamais un thème central» des élections fédérales, explique Ajay Sahni, directeur de l'Institut de gestion des conflits à New Delhi. Surtout dans une société indienne si diverse, complexe et fragmentée en multiples castes et religions, où les votes se déterminent sur «des enjeux économiques et politiques locaux et régionaux», souligne Wilson John, de la Fondation pour la recherche et l'observation. De surcroît, bien qu'il ait fait campagne sur «la sécurité et le terrorisme islamiste» lors d'élections locales en décembre, le BJP a perdu au profit du Parti du Congrès le gouvernement régional de l'Etat du Rajasthan (nord-ouest) et a échoué à lui ravir celui de Delhi, rappelle Christophe Jaffrelot, directeur de recherche Cnrs du Centre d'études et de recherches internationales (Ceri-Sciences Po). Enfin, soulignent ces experts, les nationalistes hindous ont peu de leçons à donner en matière d'antiterrorisme: M.Advani était ministre de l'Intérieur lors de l'attaque meurtrière du 13 décembre 2001 (14 morts) contre le Parlement à New Delhi, imputée à des islamistes du Cachemire. En termes de sécurité nationale, entre le BJP et le Parti du Congrès, «c'est bonnet blanc et blanc bonnet», résume le politologue Kumar Ketkar à Bombay.