Rabat souhaite une normalisation rapide de ses relations avec l'Algérie. C'est par la voix de son ministre des Affaires étrangères qu'est parvenu le message. Sera-t-il entendu par Alger? La diplomatie algérienne n'a pas pris l'habitude d'étaler ses états d'âme ou de régler ses différends en public, à travers des canaux de communication peu ou pas du tout crédibles. Il serait donc très étonnant que la capitale algérienne fasse cas de ce qui est devenu une habitude chez nos voisins marocains qui, s'ils se lèvent du mauvais pied, il vaut mieux fermer ses oreilles, et c'est le traitement qui risque d'être réservé aux déclarations du chef de la diplomatie marocaine, même si elles revêtent un caractère apaisé. «Nous caressons tous l'espoir au Maroc que la possibilité d'une normalisation avec l'Algérie puisse se faire au plus tôt et dans les meilleurs délais», a fait savoir en marge d'une réunion des ministres des Affaires étrangères des cinq pays de l'UMA, l'Union du Maghreb arabe, Taïeb Fassi Fihri. Première nouvelle, nous ignorions que les deux peuples frères étaient en guerre. Il ne faut guère s'étonner. Nous n'en sommes de toute manière pas à la première surprise dont le Royaume marocain a pris l'habitude de nous gratifier. Et puis gageons que cela ne sera pas la dernière, puisqu'à chaque fois qu'Alger s'est montrée sourde aux provocations marocaines sous couvert d'appels du pied, Rabat n'a fait que redoubler de férocité. Il y a à peine une semaine, la marche contre le «mur de la honte» à laquelle ont participé quelque 1400 personnes dont une majorité de représentants d'organisations humanitaires internationales, s'est transformée en violente agression verbale contre l'Etat algérien. «Cette provocation participe de toute manière, des tentatives connues pour contester et combattre notre intégrité territoriale par le gouvernement algérien, devenu, partie prenante», avait accusé le Premier ministre marocain. «Cette opération a été menée directement à partir du territoire algérien. Le Maroc ne se laissera pas intimider par de tels agissements et défendra par tous les moyens qu'il jugera appropriés son intégrité territoriale», a déclaré Abbas El Fassi, qui était l'invité de 2M, une chaîne de télévision marocaine. Un discours va-t-en guerre, proche de la paranoïa! Le ton est monté subitement d'un cran. Un excès de fièvre qui semble vouloir s'estomper depuis dimanche dernier. «Vingt ans déjà depuis la création de l'UMA et nous évoquons encore les perspectives de la création d'une zone de libre-échange, alors que les frontières demeurent fermées entre l'Algérie et le Maroc», a fait remarquer, sur un ton de regret, le chef de la diplomatie marocaine. Taïeb Fassi Fihri semble avoir la mémoire courte. Les frontières entre les deux pays ont été fermées au mois d'août 1994. L'hôtel Asni, situé à Marrakech venait d'être la cible d'un sanglant attentat terroriste. L'accusé était tout indiqué. L'Algérie faisait, à cette époque, face, seule, à un terrorisme aveugle. Un drame qui se jouait à huis clos tant la destination Algérie était désertée par la plupart des capitales mondiales. C'est le moment choisi par le Makhzen pour accentuer la tragédie. Rabat a rendu les services de sécurité algériens responsables de cet attentat et imposé le visa pour les Algériens. La mesure fut levée en 2005. L'Algérie en fit de même en 2006. Depuis, les sollicitations pour l'ouverture des frontières tombent en cascade. «En réitérant son attachement à l'ouverture des frontières entre deux peuples frères, le Maroc est loin d'en banaliser l'objectif et de réduire à quelque avantage étriqué ou à un intérêt exclusif», avait déclaré le roi Mohammed VI dans un message adressé au Sommet arabe qui s'est tenu à Doha le 19 janvier 2009 et auquel n'a pas pris part le président de la République. Il s'était fait représenter. Avec l'adresse que lui reconnaissent les diplomates les plus chevronnés de la scène internationale, Abdelaziz Bouteflika a certainement voulu mettre un point d'orgue à cette salve de déclarations. «Je n'ai pas besoin de réaffirmer nos positions dans le monde arabe, en Afrique et dans le tiers-monde et notre appui à toutes les causes justes, et notamment à celles des peuples en lutte pour leur libération comme le peuple sahraoui et le peuple palestinien», a tenu a préciser le chef de l'Etat dans son discours d'investiture.