Les élèves qui étudient la langue amazighe doivent savoir que cette langue a été arrachée et qu'elle n'est pas du tout tombée du ciel. Maintenant que le combat identitaire pour l'amazighité a été couronné par une grande victoire, il est impératif que les acteurs principaux ayant milité et ayant les facultés pour le faire passent à l'écriture de cette page d'histoire. Car les enfants de l'Algérie qui étudient actuellement la langue amazighe dans les écoles publiques doivent savoir comment l'enseignement de cette langue a été arraché et qu'il n'est pas du tout tombé du ciel. Si le sacrifice suprême a été consenti par des jeunes ayant perdu la vie lors des événements de 2001, ainsi que de Lounès Matoub en 1998, d'autres militants de la question amazighe ont aussi le mérite d'avoir combattu dans les moments difficiles. L'un d'eux est Mokrane Chemim. Celui-ci faisait partie des 24 détenus du Printemps berbère 1980. Vingt neuf ans après, Mokrane Chemim n'a pas oublié les épreuves endurées au temps du parti unique. Il a tenu à marquer, à sa manière, cet anniversaire. De belle manière d'ailleurs, puisque le 20 avril dernier, il a publié un nouveau livre intitulé Berbères d'Afrique du Nord: Etre ou disparaître aux éditions Le Savoir. Sur la couverture de ce livre de près de 200 pages, Mokrane Chemim a choisi une photo où on peut reconnaître d'autres militants comme Djamel Zenati et Matoub Lounès. C'était lors d'une conférence débat en 1985, revendiquant la libération d'un autre militant, aujourd'hui disparu: Mohand Haroun. En plus de l'aspect témoignage, le livre de Mokrane Chemim comprend une somme d'informations relatives à l'histoire de l'Afrique du Nord avec des escales comme la question de l'amazighité, les Berbères, l'arabisation, le Maghreb, le Mouvement culturel berbère, aux origines du Printemps amazigh et le boycott scolaire. L'auteur du livre a été un animateur du Mouvement culturel berbère dans les années 1980. Il fût arrêté le 24 mars de la même année. Il a initié un nombre important de citoyens à militer pour tamazight à l'époque du parti unique. En 1982, il est encore arrêté par la police à Tizi Ouzou, pour diffusion de tracts. En juin 1984, il est convoqué par le tribunal de Sétif pour une histoire de tracts distribués à l'université de la même ville. En juillet 1985, Mokrane Chemim est arrêté en même temps que 11 autres personnes à Tizi Ouzou dans l'affaire de la Ligue algérienne de la défense des droits de l'homme. Le wali de l'époque l'a qualifié de spécialiste de l'agitation et de militant des causes perdues. Il a été à l'origine de la première troupe théâtrale Imsedbriden, dont il produit l'idée du texte joué par la troupe; puis plus tard, l'essentiel du texte Maghres. Il a fondé la revue, Avril, qui était la publication du comité de soutien aux victimes de la pression. Mokrane Chemim a ensuite lancé une campagne de sensibilisation en faveur des militants berbères arrêtés lors de l'affaire dite des «poseurs de bombes» en 1976. Cette campagne de mobilisation a été appuyée par des expositions de photos et de textes, des pétitions et d'un gala animé par Lounès Matoub. Après l'ouverture démocratique de 1988, il a créé l'association Tileli et, deux plus tard, un comité de soutien aux Touareg. Parallèlement à ses activités militantes, Mokrane Chemim a produit plusieurs ouvrages sur la question identitaire. D'abord un recueil de poésie en 1985 suivi de contes illustrés pour enfants, Adar Itedu s azar, Lexique de la nature (français-tamazight), Lexique d'électricité (français-tamazight), Essai de grammaire (tamazight), Non, je ne suis pas arabe, Les graines de la violence, Petit livre de calcul berbère, etc.