La mendicité, qui s'avère une activité lucrative, attire de plus en plus d'individus et souvent plus par opportunisme que par nécessité. Une mendicité bien agressive que celle qui caractérise les voies publiques, notamment dans les grandes villes. Près des mosquées, des commerces ou des cimetières, au niveau des stations de transport urbain ou dans les marchés, les coins qui fourmillent de mendiants, tous âges et sexes confondus, ne manquent pas. Usant de toutes sortes d'astuces et de ruses, tous les moyens sont bons pour ramasser le plus d'argent et «rivaliser» avec les autres mendiants. C'est à qui atteindra le «chiffre d'affaires» le plus important. Plus grave encore, certains de ces individus n'hésitent pas à recourir à la brutalité et au harcèlement pour décourager les plus réticents. La mine patibulaire, l'air menaçant et l'oeil torve, les plus zélés s'arment de couteaux bien dissimulés dans des couffins de fortune. Souvent sous l'emprise de psychotropes et de boissons alcoolisées, ils font la loi au nez et à la barbe des agents de l'ordre public menaçant de ce fait la sécurité et le bien-être des citoyens. «A chaque fois que je me rends au marché, la peur me noue l'estomac. Je suis sidérée par le nombre croissant de mendiants qui s'accrochent à vous pour vous soutirer quelques piécettes», s'indignait une dame rencontrée à proximité du marché des Trois-Horloges, et d'enchaîner: «Si par malheur, vous tenez votre porte-monnaie dans votre main, il sera fait de votre argent en moins de cinq.» Le témoignage de cette dame n'est pas isolé. Une vingtaine de citoyens sollicités sur le phénomène se sont dits très inquiets face à la recrudescence des agressions commises par des mendiants. «Nos cités et nos places publiques deviennent un véritable dépotoir pour des individus marginalisés. C'est à croire qu'ils ont des droits pécuniaires sur le reste des citoyens. C'est du vol purement et simplement», s'était exclamé Samir, jeune vendeur dans une parfumerie de la rue Didouche. Quant à Rafik, étudiant en quatrième année de médecine, il confia que le jour de la fête du Mawlid un véritable drame a été évité de justesse: «Un mendiant bien charpenté s'en est pris violemment à une jeune fille qui ne voulait pas lui donner de l'argent, l'insultant et la battant avec une rare sauvagerie.» Heureusement qu'une patrouille de police était de passage et a pu maîtriser le mendiant déchaîné. Ce fléau devient presque un métier car exercé régulièrement par ces partisans du gain facile. Généralement, ce sont des réseaux spécialisés avec patrons bien à l'aise dans leurs lits douillets, qui exploitent soit des attardés mentaux, soit des aveugles et des handicapés moteur ou à défaut des oisifs mal dans leur peau, pour se remplir les poches. Il suffit de se lever à l'aube et de se poster dans un coin de rue pour remarquer des voitures luxueuses débarquer des hommes en haillons et des femmes repoussantes de saleté avec des ribambelles d'enfants aussi crasseux que des ramoneurs. Un vide juridique flagrant en matière de mendicité en général et de mendicité agressive en particulier. Cependant, le nouveau Code pénal qui vient d'être publié dans le Journal officiel comporte un texte réglementaire stipulant qu'«un délit est considéré comme traite des personnes tout recrutement, transport, transfert, hébergement ou accueil d'une ou plusieurs personnes par la menace ou le recours à la force ou à d'autres formes de contrainte par enlèvement, fraude, tromperie, abus d'autorité ou d'une situation de vulnérabilité ou par l'offre ou l'acceptation de paiement ou d'avantages afin d'obtenir le consentement d'une personne ayant autorité sur une autre aux fins d'exploitation». Le texte précise que l'exploitation comprend entre autres l'exploitation d'autrui dans la mendicité, le travail ou service forcé, l'esclavage et la servitude. Par ailleurs, le texte stipule que ce délit est puni d'un emprisonnement de trois à dix ans et d'une amende pouvant aller de 300.000 à 1.000.000 dinars. Néanmoins, la durée d'emprisonnement est fixée de cinq à quinze ans et à une amende de 500.000 à 1.500.000 dinars «lorsque la traite est exercée sur une personne vulnérable résultant de son âge, sa maladie ou de son incapacité physique ou mentale, apparente ou connue de l'auteur». Alors que les auteurs de ce délit sont passibles d'une peine de réclusion «de dix à vingt ans et d'une amende de 1.000.000 à 2.000.000 dinars, si l'infraction est commise par un proche de la victime».