«La violence a coutume d'engendrer la violence», selon Eschyle, poète tragique grec. Les spécialistes expliquent la violence sociale par des facteurs socio-économiques et sécuritaires. Selon leur point de vue, ces actes sont étroitement liés à la tragédie nationale des années 90. De ce fait, les Algériens revivent cette période comme un post-traumatisme. D'après Mme F. Karima, sociologue et enseignante au département de sociologie de l'université de Blida, les actes violents sont favorisés par la situation chaotique qu'a vécue le pays durant cette période et qu'il continue de vivre. La situation chaotique qui s'en est suivie a apporté sa part de malheur. Misère, chômage et mal-vie sont le lot des jeunes Algériens qui sombrent, jour après jour, dans le cycle infernal de la délinquance et de la dépravation. Plus que cela, les impacts de la tragédie nationale, où la violence meurtrière a atteint son paroxysme, se font ressentir maintenant. «Je ne suis pas en train de trouver des excuses à des actes que je juge condamnables. J'essaie seulement d'attirer l'attention sur les facteurs à prendre en charge si on veut vraiment mettre fin aux violences que subissent nos enfants dans leur chair et dans leur âme», a souligné la sociologue en enchaînant que tout le monde est responsable devant cet état de fait. «Des autorités qui se plaisent dans un mutisme flagrant, aux parents qui négligent leurs enfants, souvent malgré eux, contraintes de la vie obligent en passant par les effets néfastes de la parabole et de l'Internet», a-t-elle accusé. Elle a estimé qu'il est grand temps pour que les pouvoirs publics tirent la sonnette d'alarme et se penchent sérieusement sur la question. «Les sociologues, les psychologues, les magistrats et les parents d'élèves doivent prêter main forte à la police et à la Gendarmerie nationale pour sortir nos enfants de cet engrenage de violences qui les aspire un peu plus chaque jour», a-t-elle conclu. Triste réalité que celle qui entache notre vécu. En effet, la violence au quotidien dans le milieu scolaire et son environnement est devenue un véritable fléau qui interpelle, aujourd'hui plus que jamais, les autorités concernées et l'opinion publique. De la simple agression verbale, morale ou physique, au harcèlement sexuel sous toutes ses formes, la violence scolaire, qualifiée auparavant par le ministre de l'Education, nationale, Boubekeur Benbouzid, de phénomène sociétal, prend une ampleur sans précédent. Allant plus loin, le constat des observateurs est inquiétant et sans appel: l'école algérienne sombre, jour après jour, dans les abysses noires de la violence. Cette dernière, prenant les formes dangereuses d'une délinquance difficile à réprimer, est le fait d'élèves entre eux, d'enseignants ou d'agents de l'administration scolaire vis-à- vis des élèves ou vice versa. Ces violences deviennent plus graves encore quand elles ont lieu en dehors des établissements scolaires où rôdent des délinquants, tels des vautours à l'affût d'une proie faible. A ce sujet, rappelons certains crimes perpétrés devant des établissements scolaires et qui ont suscité émoi, consternation et colère chez les citoyens. Pas plus-tard que dimanche dernier, A.F., une collégienne de 15 ans, a été poignardée par un voyou récidiviste à la sortie de son école jusqu'à ce que mort s'ensuive. Il y a un peu plus d'un mois, un enseignant agresse son élève à l'arme blanche. Quelques jours après, deux adolescents se bagarrent en sortant de l'école, l'un d'entre eux assène à l'autre des coups mortels à l'aide d'un couteau de boucherie. Le 3 mars, un garçon de 10 ans, a été enlevé à la sortie de son école à Soumaâ, Blida. Ses parents et les éléments de la Gendarmerie nationale chargée de l'affaire demeurent, à ce jour, sans nouvelles de lui. Et la liste est encore longue... Paradoxalement, et alors qu'un observatoire national composé de magistrats, de médecins légistes et d'officiers de police a été mis en place fin 2005, alors qu'un décret concernant les mesures à prendre pour faire face au phénomène a été élaboré il y a deux mois, la violence et ses adeptes continuent de plonger des dizaines de familles dans le deuil, le désespoir et la haine. A croire que toutes ces mesures n'arrivent pas à venir à bout du fléau. Normal, quand toute communication, par ailleurs base d'une vie sociale stable, est absente dans nos écoles, nos administrations et même au sein des familles. Dans ce cas, la source du mal est ailleurs, et une communication entre adultes et adolescents ne pourra être que bénéfique, surtout si ces derniers bénéficient d'une liberté d'expression sous toutes ses formes.