La flambée vertigineuse des prix des billets suscite d'ores et déjà indignation et courroux. De nombreux citoyens ont investi hier matin les deux quais du chemin de fer à quelque 2 km de Dar El Beïda en allant vers Rouïba. Estimés à une soixantaine selon des témoins, ces individus ont lancé des pierres sur le train tout le long de son passage. Cette manifestation, bruyante, première en son genre selon T.H., technicien des chemins de fer, n'est pas sans raison. En effet, ces personnes, assurément des usagers, exprimaient leur mécontentement et frustration suscitées par la nouvelle tarification des tickets des autorails et des trains électriques. Cette hausse des prix imposée par la Société nationale des transports ferroviaires (Sntf) est pour le moins inattendue, sans que des infirmations et explications préalables n'aient été données, a été jugée «exorbitante et honteuse». Et pour cause, les usagers de ce moyen de transport modernisé doivent payer leurs tickets deux à trois fois plus cher que ceux des trains classiques dits à traction diesel. Soit une augmentation de 100 à 150%. De nombreux voyageurs ont témoigné ainsi de leur désarroi. «Le citoyen algérien n'est pas au bout de ses désillusions. Avec la nouvelle tarification, prendre un train électrique ou un autorail relève du luxe», s'est indigné Karim, jeune étudiant en médecine. «J'habite à Blida et je poursuis mes études à Alger. Je croyais que l'arrivée des autorails était une bénédiction. Plus maintenant», a-t-il ajouté, une grande déception sur le visage. Il a expliqué qu'avant il payait son ticket à 50 DA. «Maintenant, je le paie à 130 DA. Ce qui veut dire que je débourse à peu près 260 DA dans la journée uniquement pour les frais du transport. Le tarif étudiant n'existe même pas». La ligne Blida-Alger, très fréquentée, n'est pas la seule à être concernée par ces augmentations. Ainsi, ceux qui fréquentent la ligne El Affroun-Alger, naguère à 60 DA, voient le prix du ticket atteindre désormais les 175 DA. «Soit plus de 100 DA que d'habitude. Dans ce cas, je préfère prendre un taxi qui me coûtera 100 DA ou alors le bus à 50 DA», s'est indigné Ali, habitué de la ligne El Affroun-Alger. Idem pour la banlieue Est où la ligne Alger-Thénia qui ne coûtait pas plus de 65 DA grimpe à 130 DA. Il en est de même du prix du ticket Oran-Chlef par autorail qui a connu une envolée spectaculaire. Il est passé de 300 DA à 585 DA, et ce, depuis dimanche dernier. Pour un trajet Oran-Sidi Bel Abbès, il faut débourser 220 DA contre 110 DA auparavant et celui d'Oran-Tlemcen de 220 DA à 450 DA. Quant au ticket pour un voyage entre Alger et Béjaïa, il coûte 700 DA. Le portefeuille du pauvre salarié, principal usager du train, connaîtra de ce fait une véritable saignée. En outre, si l'on fait un petit calcul, on s'aperçoit que l'abonnement mensuel pour un aller-retour Alger-El Affroun reviendra à pas moins de 8000 DA. La moitié du salaire national minimum garanti (Snmg)! Conjuguée à la cherté de la vie et aux prix faramineux des fruits et des légumes, l'augmentation des tarifs du train grèvera sérieusement le pouvoir d'achat des Algériens, ces derniers n'arrivant pas pour la plupart à joindre les deux bouts. Il est à signaler que les gares ferroviaires, au niveau d'Alger, ont été désertées et boudées ces derniers jours par les nombreux voyageurs mécontents. Par ailleurs, Toufik Rahmouni, responsable de la direction clientèle à la Sntf, a expliqué que cette hausse de la tarification est due au coût élevé qu'induit l'exploitation des nouvelles lignes ferroviaires électriques. Selon lui, «cette tarification a été mûrement réfléchie. D'importants investissements matériels ont été réalisés par l'Etat pour se doter d'infrastructures modernes», ajoutant que le confort a son prix. Ce responsable a tenu à préciser que l'Etat subventionne déjà 50% des billets des trains électriques. Et d'affirmer que la Sntf propose des réductions de 25% pour ce qui est de l'abonnement hebdomadaire et 45% pour l'abonnement mensuel. D'autre part, M.Rahmouni compte sur une plus grande compréhension de la part des citoyens usagers de ces trains haut de gamme. Cette compréhension sera selon lui récompensée par la qualité des services. Compréhension et adaptation, là n'est pas le problème. La Sntf a l'intention de supprimer définitivement les anciens trains «bon marché» après l'acquisition de 64 automotrices. Le citoyen, déjà fortement éprouvé par la cherté de la vie, devra supporter ces tarifs ahurissants.