Colère, révolte, exacerbation, exaspération, il est vraiment difficile de résumer et de décrire tous les sentiments qui bouillonnaient hier dans le cœur et l'esprit des usagers du train. Naguère, moyen de transport du pauvre, le train fait saigner à présent son maigre portefeuille. En effet, la mise en œuvre, survenue hier, des deux lignes ferroviaires automotrices électriques de la banlieue d'Alger n'a pas fait que des heureux. Et pour cause, pour emprunter ces rames, dont la SNTF n'a cessé de vanter le confort et la vitesse, nos concitoyens ont dû payer des billets 2 à 3 fois plus cher que ceux des anciens trains à traction diesel ! A l'origine de cette augmentation inattendue, une nouvelle tarification imposée par la SNTF sur les lignes d'Alger-El Affroun et Alger-Thénia. Ainsi, auparavant les usagers des trains de banlieue déboursaient 60 DA pour voyager de Blida à Alger, aujourd'hui, ce tarif a été revu à la hausse pour atteindre les 130 DA ! Il en est de même pour la banlieue Est où le billet d'Alger-Thénia est fixé également à 130 DA alors qu'il ne dépassait guère les 65 DA ! Soit une augmentation de 100% ! L'abonnement mensuel connaît, quant à lui, une envolée spectaculaire. Pis, il représente carrément 50 à 70% du SNMG. Pour un aller-retour Alger-El Affroun, l'abonnement mensuel est cédé aux usagers à pas moins de 8 000 DA ! Du jamais-vu pour nos concitoyens, d'autant que ces augmentations surviennent au moment où leur pouvoir d'achat est déjà sérieusement laminé par la cherté de la vie et la flambée des prix des fruits et légumes ! «Je suis choqué. Je n'aurais jamais imaginé qu'un jour on augmenterait les tarifs des trains. C'est vraiment injuste. Hier, j'ai été très heureux de voir à la télévision notre Président inaugurer ces nouveaux trains. Mais, aujourd'hui, je suis brisé. J'ai payé 175 DA pour venir d'El Affroun à Alger ! C'est encore plus cher que le taxi», témoigne à cet effet un usager de train, salarié de son état et père de famille, dont le regard en berne indique à lui seul toute la tristesse qui envahit son âme. Par ailleurs, cette nouvelle tarification n'a pas manqué de susciter un véritable climat tendu dans les gares ferroviaires. Des citoyens, offusqués par les prix des billets, n'ont pas caché leur colère. A El Harrach, Boufarik, Birtouta et un peu partout, des agents de la SNTF ont eu à subir le courroux des usagers. De son côté, M. Rahmouni, premier responsable de la direction de la clientèle à la direction générale de la SNTF, a justifié hier cette nouvelle tarification par les «coûts d'exploitation de ces nouvelles lignes ferroviaires électrifiées» hier. «Croyez-moi, nous avons fait un effort énorme. Cette tarification a été mûrement réfléchie. D'importants investissements matériels ont été réalisés par l'Etat pour se doter d'infrastructures modernes. Il faut que nos citoyens comprennent que le confort, le service et la maintenance du matériel neuf ont un prix à payer», explique notre interlocuteur selon lequel l'Etat subventionne déjà 50% des prix des billets de l'automotrice. «Il faut savoir que chaque kilomètre au bord d'une rame automotrice revient au voyageur à 5,5 DA. Or, nous, nous le comptons à 2,2 DA. Ce qui donne pour une ligne d'Alger-Thénia, soit un trajet de 54 km, un billet à 130 DA. Pour les abonnements hebdomadaires, nous proposons une réduction de 25%. Quant aux abonnements mensuels, la réduction est de 45%. A ce niveau, les prix sont déjà soutenus à 50% par l'Etat. Mais, malgré cela, il était nécessaire de réajuster les tarifs par rapport aux coûts d'exploitation de ces rames. Je comprends que les citoyens soient choqués, mais je suis sûr qu'ils comprendront la situation et s'adapteront à ces tarifs car nous allons leur proposer un service de qualité», souligne M. Rahmouni. Pour le moment, seuls 12 automotrices assurent des navettes. 10 autres attendent leur dédouanement. Les anciens trains à traction diesel seront toujours opérationnels et avec les mêmes tarifs qu'avant. Ce qui permettra aux citoyens de les emprunter pour ne pas subir la nouvelle tarification. Seulement, leurs horaires ont été changés et modifiés, créant ainsi une grande confusion dans les gares. D'autre part, la SNTF prévient d'ores et déjà : l'objectif est de supprimer tous les anciens trains à traction diesel avec l'acquisition de 64 automotrices. Ce qui veut dire qu'un jour ou l'autre, les citoyens devront se soumettre à ces tarifs mirobolants. Toutefois, certains promettent de ne pas céder à ce qu'ils qualifient de «décision arbitraire» d'autant plus qu'aucune augmentation de prix des billets n'a été portée à leur connaissance jusqu'à ce jour. D'autres encore s'interrogent sur le rôle de l'Etat qui a donné son feu vert à cette nouvelle tarification. N'a-t-il pas mis en place un fonds national de promotion des transports collectifs des voyageurs pour «contribuer à une meilleure régulation de la circulation en milieu urbain» ? La taxe sur les véhicules neufs et plusieurs mesures ont été instituées pour renflouer les caisses de ce fonds. Mais où est donc tout cet argent au moment même où les citoyens les plus modestes subissent de plein fouet les coûts de ces investissements publics censés améliorer ses conditions de vie et non rendre encore plus difficile son quotidien ?! A. S.