Abdelmadjid Menasra annonce, dans cette interview, la tenue cet été, d'un congrès pour l'installation des différentes instances du Mouvement pour la prédication et le changement. Comme il confirme être soutenu par des formations islamistes arabes et étrangères. Après avoir expliqué les grandes lignes de son nouveau mouvement, l'ancien vice-président du MSP n'écarte pas la chute du MSP qu'il compare à un navire «en plein naufrage». L'Expression: Confirmez-vous, d'abord, la création du Mouvement pour la prédication et le changement? Abdelmadjid Menasra: Effectivement, nous avons créé le Mouvement pour la prédication et le changement qui se veut une entité politique. Nous préparons un cadre juridique nécessaire qui nous permettra d'activer sur le terrain. Cela pourrait être un parti politique ou une association. Tout dépend de la décision des instances du mouvement et aussi du cadre juridique des partis politiques. Si nous n'arrivons pas à obtenir l'agrément, nous continuerons à activer dans le cadre d'une association. Le plus important pour nous est de continuer l'activisme, dans le cadre de la loi, pour imposer notre existence d'une part et préserver et sauver l'héritage du mouvement de Cheikh Nahnah, d'autre part. Nous représentons une continuité dans le parcours du militantisme du défunt Cheikh Nahnah, et nous ne sommes pas des sécessionnistes. Avez-vous déposé votre dossier auprès des autorités concernées pour agrément? Notre priorité est de rassembler les militants et les cadres qui sont convaincus par notre projet. Par la suite, nous veillerons à ce que le MPC active dans le cadre de la loi. Ce n'est pas le dossier qui constitue une force, mais ce sont les hommes. Une fois toutes les structures du mouvement installées et le caractère du mouvement arrêté par les instances du parti, nous déposerons un dossier auprès des autorités concernées. Pour l'instant nous n'avons rien déposé. Nous nous consacrons à la structuration et l'encadrement des militants. Justement le président du MSP, Bouguerra Soltani, a affirmé maintes fois que vous êtes une minorité et que vous ne dépasserez pas les 2,7%. Qu'en pensez-vous? Si nous savions que le président du MSP était crédible et d'une telle exactitude, nous n'aurions jamais quitté le mouvement. Je me demande comment il a pu compter avec une telle exactitude le pourcentage de ce que nous représentons! Ce que dit le président du mouvement, n'a rien de vrai. C'est de la parole en l'air. Tout le monde est conscient de la vérité et de la force que nous représentons. Nous enregistrons, quotidiennement, des démissions collectives de députés, de dirigeants et cadres du MSP qui rejoignent le MPC. Cette semaine, il y avait 564 femmes-cadres qui ont annoncé leur démission pour adhérer à notre mouvement. Les élus locaux d'Alger ont claqué la porte et ils nous ont apporté leur soutien. Nous avons entre 600 à 700 élus. Le mouvement compte plus de 10.000 militants. Cela sans compter les sympathisants. Le chiffre est en augmentation. Comment représentons-nous, ainsi, une minorité? Les dirigeants du MSP font dans la propagande. Le temps pourra affirmer ou démentir les déclarations du président du MSP. Le MPC le prouvera sur le terrain et non pas dans les colonnes de la presse. M.Soltani vient de démissionner du gouvernement tel que vous l'aviez exigé, il y a quelques mois. Y a-t-il une éventualité de vous revoir de nouveau au MSP contre quelques autres conditions? C'est une affaire interne au MSP qui ne nous concerne pas. Nous sommes arrivés à un point de désespoir total et il ne reste aucune tentative de réformer le mouvement ni de réconciliation. Que reprochez-vous, plus précisément, aux dirigeants du MSP? Nous ne sommes pas là pour tirer sur le MSP et ses cadres. Le différend est d'ordre politique. Il est aussi relatif à la manière avec laquelle est géré le parti. Nous avons constaté des dépassements dans cette formation. Etant conscients de l'impossibilité de changement et après une large consultation, nous avons préféré nous retirer. Nous avons vu que le MSP se dirige inéluctabelement vers la chute, nous avons préféré ne pas y contribuer. Nous ne sommes pas bêtes pour rester à l'intérieur d'un navire en plein naufrage. Notre démarche n'est pas celle des cadres, mais elle est venue de la base. C'est le même constat établi dans les rangs des militants. Les nombreuses démissions collectives de cette formation témoignent de belle manière que le différend n'est ni simple, ni partiel. Vous étiez invité, la semaine passée, par le Parti de la justice et le développement (une formation islamiste marocaine). Avez-vous eu le soutien des autres formations internationales avec lesquelles vous partagez les mêmes idées politiques? En ma qualité de président du Forum mondial des parlementaires islamistes, j'ai des relations très larges aussi bien au niveau des pays islamistes qu'au niveau des pays arabes. Nous sommes, également, membres du Congrès panarabe et du Congrès islamique. Nous préservons les relations du défunt Cheikh Nahnah et nous les utiliserons au profit de notre mouvement. Certes, notre espace de militantisme est l'Algérie, mais nous ne sommes pas isolés. Nous allons axer sur les relations internationales qu'elles soient arabes ou islamiques. Je ne peux pas citer de noms, mais je confirme que nous avons le soutien des partis et organisations politiques arabes et islamistes. Vous avez mené plusieurs réunions à travers le pays pour convaincre «la base» de vous rejoindre. Envisagez-vous un congrès pour annoncer la création officielle du MPC? Nous organisons des réunions avec les militants et les militantes au niveau national pour débattre des grandes lignes du MPC. On passera, dans quelques jours, à la création des instances et des structures du MPC. Nous achèverons la structuration et l'encadrement des militants dans un mois. Nous envisageons de tenir cet été une réunion nationale ou un congrès pour installer officiellement les différentes structures de notre mouvement. Cela pour nous permettre de débattre, notamment, du volet juridique du MPC. Autrement dit, pour préparer les documents et élaborer les programmes et l'élection du président, du bureau national ainsi que le conseil consultatif. Peut-on connaître les grandes lignes du programme du MPC? La première priorité est la construction interne. Une fois celle-ci acquise, on travaillera pour assurer une meilleure formation et structuration des militants. Nous veillerons à donner la priorité à la société et non pas au pouvoir. C'est cet aspect que le MSP a perdu en se consacrant beaucoup plus au pouvoir au détriment de la société. Cette dernière demande un encadrement sur le plan de la prédication et les autres affaires sociales et politiques. Comme aucune échéance électorale ne se profile à l'horizon dans les deux années à venir, nous avons le temps pour mieux nous préparer en prévision des élections législatives et locales qui auront lieu dans les trois à quatre prochaines années. Car, nous comptons participer à ces deux épreuves électorales. Allez-vous, donc, rentrer au gouvernement? Pour l'instant, nous n'envisageons pas de participer au gouvernement. Cette question est écartée. Mais nous allons veiller à ce que le MPC participe dans la gestion des communes et des wilayas, et ait une place au Parlement. Nous avons besoin de créer un équilibre entre la société et le pouvoir. Il y a un déséquilibre à ce niveau. La société est très faible, tandis que le pouvoir est plus fort. Nous voulons donner plus de force à la société. Ne pensez-vous pas que votre initiative de créer un nouveau parti contribue à l'émiettement de la mouvance islamiste? La société algérienne est de tendance islamiste. Ce qui explique l'existence de plusieurs formations de ce courant. Je trouve que cette situation est bénéfique. Seulement, il ne faut pas avoir une image négative de la mouvance islamiste. Il ne faut pas, bien entendu, mettre tout le monde dans le même sac. Les partis islamistes qui activent sur le terrain sont défaillants dans la mesure où ils n'arrivent pas à convaincre la société qui est, je le répète, très proche de cette mouvance. Ces partis traversent une crise de représentativité. Justement, nous proposons une politique du juste milieu pour pouvoir convaincre cette catégorie de la société qui n'arrive pas à trouver un espace politique qui réponde à ses aspirations et ses ambitions. Au MPC, nous visons à redonner de l'espoir à toutes les voix islamistes qui aspirent au changement.