Misère, illettrisme, sous-développement...Qui dit mieux? En ce début de troisième millénaire, être témoin ou spectateur de tant de désolation dans le quotidien d'une population au passé fait de sacrifices, se pose alors la question: quel en sera le futur? Hameau «enclavé» par les chaînes de montagne: de Menaceur, du Zaccar (Dahra), Bouyacoub végète en attendant des jours moins pénibles (ce serait indécent de dire «jours meilleurs»). Distant du chef-lieu de la commune de Menaceur de plus de 12 km ou dirons-nous de plus de 12 années-lumière. Une gestion administrative à distance, voire par correspondance. A chaque répartition de projets de développement c'est l'éternel oublié. Prétexte invoqué: difficulté d'accès, absence de moyens. De ce fait, inexistence de moyens de subsistance (hormis le travail de la terre: et de quelle manière!) Village hanté par un millier d'âmes en peine, les gens ici sont livrés à eux-mêmes. Aucun responsable ne cherche à s'enquérir de leur vie. Le paysan de Bouyacoub n'a que la misère à donner. Même les élus ne jouent plus leur rôle, car, par les temps qui courent, on est élu sans électeurs. Pour y arriver, c'est toute une aventure.Un périple digne des pionniers d'antan.Un semblant de route non bitumée, un tronçon de route très dégradé, alors que le second tronçon est une piste tenant beaucoup plus du sentier à mule. Première vision: l'impression qui nous vient à l'esprit, celle de la désolation, une atmosphère sinistre dont chaque parcelle nous raconte l'épopée dramatique vécue par les habitants de Bouyacoub. Les affres du terrorisme sont encore vivaces dans les lieux autant que dans les esprits. Pour cause, loin de toute forme de protection sociale (misère) ou sécuritaire, chez ces gens-là (comme le disait si bien J. Brel) on ne vit pas, on survit et devant la mort on réagit. Prenant en charge leur destin, s'armant de bravoure, de ténacité et surtout d'esprit de survie et d'existence, le terrorisme a subi ici des revers sanglants. Les patriotes de Bouyacoub ont joué le rôle de poste avancé de la lutte antiterroriste protégeant indirectement les communes avoisinantes et surtout le chef-lieu de l'APC. L'école: l'éducation et l'instruction sont en inadéquation avec la réalité. L'école primaire, récemment restaurée, est dotée de 8 salles de classe supplémentaires et a vu dans les pires moments des tentes utilisées comme salles de cours, ce qui a réellement aggravé la situation. Rares sont les élèves qui arrivent à atteindre des niveaux supérieurs d'étude et à «monter» au CEM de Temloul en contrebas (3 km) ou au lycée à Menaceur (12 km). Pour la plupart des enfants, c'est la rue qui les attend: non, ce n'est même pas un semblant de rue (car, ici, les rues ne sont pas conformes aux normes). L'urbanisation de la ville est purement et simplement ruralisée à outrance dans les structures autant que dans les mentalités (séculaires à souhait). Durant la dernière décennie, cette «bourgade» n'a bénéficié que de l'électrification. Alors que le rêve de tout un chacun est la source de vie: l'eau. Jusqu'à présent, pas de canalisations: ni pour l'eau courante ni pour l'évacuation des eaux usées. Alors, on assiste quotidiennement tout au long de la journée à des processions de personnes plus ou moins âgées déambulant avec des récipients d'eau remplis grâce à des puits de fortune. Avec tous les risques que cela entraîne, surtout les maladies (MTH), à cause de l'évacuation des eaux usées qui s'effectue à ciel ouvert et s'infiltrent dans le sol en polluant les nappes phréatiques. D'ailleurs, plusieurs cas de typhoïde ont été signalés depuis plus de 3 mois, entraînant le décès d'une jeune femme âgée de 30 ans (Mme Z. M.)...ainsi que des désagréments tels que hospitalisation, frais médicaux, etc. Alors, avec l'approche de l'été, synonyme de sécheresse, de maladies...la population attire l'attention sur elle à travers cet article, sur le danger et les risques encourus par de telles situations: dans ces cas, on doit plutôt parler de priorités que de privilèges. Ainsi, pour ces priorités, il y a le chemin de wilaya qui relie Bouyacoub à Menaceur ou à Temloul qui est dans un état de dégradation très avancée. D'après la population, cette route, longue de plus de 12 km (3 km de piste entre Temloul et Bouyacoub) n'a bénéficié d'aucune réfection depuis les premières années de l'indépendance. Cette situation a paralysé (et continue de le faire) toute forme de projet de développement de la zone, ce qui lui donne l'image d'une région désertique. Des élèves fréquentant le cycle moyen à Temloul et le secondaire à Menaceur, nous ont affirmé que pendant la saison des pluies, en automne et en hiver, c'est un passage impraticable, de véritables marécages, complètement vaseux empêchant âme qui vive de se déplacer. Ainsi, l'hiver dernier, les élèves ont été dans l'incapacité de rejoindre leurs établissements scolaires respectifs (à Temloul et à Menaceur) tant les pluies diluviennes qui s'étaient abattues sur la région avaient causé des inondations rendant la route boueuse avec affaissement des bas-côtés. De ce fait, les élèves durent s'absenter pendant 3 jours. Santé: point de centre de soins. Le premier qu'on rencontre est celui de Temloul. Ainsi, les habitants de Bouyacoub doivent se déplacer, à plus de 3 km, vers ledit centre pour être pris en charge par un infirmier qui, lui-même, est démuni de tout. Imaginez cela en pleine nuit, sur une route impraticable, utilisant les moyens du bord, c'est-à-dire, à dos de mulet ou d'âne. Sinon, il faut oser pousser plus loin (et plus bas) vers Menaceur qui est à plus de 12 km. Subissant les fléaux des temps modernes: misère, chômage et illettrisme, Bouyacoub, l'enclavée, continue de subsister à travers tout ce qui lui manque: route, centre de santé, transport, eau courante, évacuation des eaux usées...C'est l'image de la vie d'un autre âge, d'une autre époque. Alors, peut-on parler de culture ou de sport voire de loisirs? Ce serait plasphématoire, nous dira un enseignant. Avis aux âmes sensibles, charitables et responsables, parmi celles qui administrent, gèrent la vie des autres: on leur demande de sortir de leurs bureaux et de quitter leur fauteuil douillet pour rendre visite à leurs concitoyens qui ont besoin de réconfort, de considération et de respect pour qu'ils se sentent seulement des êtres vivants à part entière dans un pays qui est le leur et qu'ils ont défendu corps et âme. A celui qui donnera de son temps, de son bien, de son amour pour son prochain, il y aura toutes les félicités de la vie. Ne dit-on pas: «Qui donne aux pauvres, prête à Dieu»?