L'affaire de la librairie des Beaux-Arts d'Alger se complique. En effet, Boussad Ouadi, qui jusque-là était connu pour être le gérant de cette libraire d'Alger-Centre, a décidé de se battre en annonçant sa décision de ne pas quitter les lieux. «Plusieurs facteurs, dit-il dans une lettre adressée à notre rédaction, m'ont déterminé à refuser cette triste issue». Celle-ci l'a poussé, rappelons-le, à liquider en bradant quasiment son stock de livres suite à l'ordre d'évacuer les lieux comme imposé par le propriétaire des murs de la librairie. «Dorénavant, seuls les tribunaux compétents auront à savoir des aspects commerciaux et juridiques de ce différend». Autrement, Boussad Ouadi est bel et bien décidé à se battre et ne pas lâcher le morceau. L'affaire est donc entre les mains de la justice. Ceci intervient suite aux marques de soutien qui lui viennent de partout et par milliers comme autant de reconnaissance dit-il, «du travail fourni ces dernières années pour redonner à cette libraire sa vocation initiale de lieu de rencontre des arts, de la science et de l'amour des libertés qu'elle avait malheureusement perdu après l'assassinat de Vincent Grau le 21 février 1994». «Nul doute que le capital symbolique que représente la mémoire de ce lieu est menacé par cette tentative brutale de reprise du propriétaire qui avoue maintenant clairement qu'il n'a de cesse que de me voir quitter les lieux». Boussad Ouadi informe qu'il est titulaire d'un bail de gérance libre de 3 ans renouvelable depuis mai 2005 et qu'il est en droit d'y maintenir son activité en toute légalité. «Toute tentative d'éviction se heurtera à la légitimité du droit, au sens de l'intérêt général et au devoir de mémoire que nous sommes très nombreux à revendiquer en ce lieu.» Aussi, partant de cette triste épisode, il en vient à s'interroger sur l'existence d'une forme d'organisation collective comme les associations, fondations ou coopératives qui pourraient s'interposer, et ce partant du constat sidérant de l'immobilisme de la puissance publique et la toute puissance de l'argent-roi. Aussi s'adresse-t-il aux acteurs de la sphère culturelle: écrivains, enseignants, professionnels du livre et de la communication en leur demandant: «En tant que citoyen jaloux de préserver notre précarré culturel, que pouvons-nous faire pour préserver nos espaces d'expression et de ressourcement: librairies, cinémas, galeries d'art, théâtre, maisons de la culture?» Boussad Ouadi ouvre le débat pour que nulle expérience pareille ne vienne à se reproduire en Algérie. Mais sera-t-il entendu? Seul reste le pouvoir de la société, du public et des lecteurs surtout, qui pourrait faire face ou trancher, car les oreilles de l'autre (pouvoir) sont vraisemblablement ailleurs...hermétiquement fermées. Utopie ou réalité? Jusqu'à quand?