Finalement, la Palme est allée au film le plus laborieux. En principe, un palmarès c'est comme une décision de tribunal, il ne peut être formellement contesté. Sauf que la justice, elle, a mis en place des mécanismes de recours, des procédures d'appel...Et pour le film donc? Hormis la sanction du public, il n'y a rien d'autre de possible... Alors attendons la sortie du film de Michael Haneke, Le Ruban Blanc, pour voir si la présidente du jury, Isabelle Huppert, a eu raison de forcer (dit-on ici) la main du jury, au point de remettre, elle-même (ce qui est contraire aux usages en cours à Cannes) la Palme d'Or à l'heureux récipiendaire autrichien, Haneke. Il paraît qu'Isabelle Huppert aurait menacé de démissionner en apprenant qu'Isabelle Adjani avait été pressentie pour remettre la Palme d'Or! Mais cette rumeur n'a pas pour autant «détourné» Adjani qui est venue remettre au cinéaste aborigène Warwick Thornton, la Caméra d'Or, prix destiné à couronner une première oeuvre (jury présidé par Roshdy Zem) pour son film, australien, Samson et Delilah. Il faut dire aussi que ce buzz autour d'un Michael Haneke «palmable», était presque officiel, plus de deux heures avant la cérémonie de clôture! De mémoire de festivalier, trente années quand même (!) de rendez-vous cannois, c'était la première fois qu'une info de ce genre n'avait plus du tout l'aspect d'une rumeur (même insistante). Qui avait donc envie de verrouiller de cette manière les choses, afin de les rendre irréversibles? Comme disait Maurice Blanchot, «dans la question il y a déjà le poison de la réponse». On raconte qu'une bonne partie du jury ne voulait pas trop qu'on lui force la main, refusant ainsi d'abonder dans le sens de la radicalité dans laquelle Mademoiselle Huppert aurait voulu, selon (toujours) la rumeur, entraîner son (beau) monde. Le Philippin, Brillante Mendoza (Prix de la mise en scène, pour Kinatay) aurait alors partagé une bonne partie du pactole avec Haneke, ce dernier a permis à Isabelle Huppert d'avoir, pour la deuxième fois, le Prix d'Interprétation féminine, pour La Pianiste (2000), après l'avoir eu avec Violette Nozières (1978) de Claude Chabrol. Dans un récent envoi cannois, nous avions misé sur le «dilemme cornélien» (sic), outre le pléonasme commis, mais au final, nous avions fait preuve d'une grande naïveté en la matière. A l'inverse de Michael Haneke qui, lui, était plutôt dans le vrai lorsqu'il remercia nommément Huppert, en recevant la Palme qui serait allée, sinon, à Audiard pour Un Prophète. C'est facile certes, mais la tentation est grande de rappeler, pour la circonstance, que...«nul n'est prophète en son pays!». Palme d'Or: Le Ruban blanc de Michael Haneke (Autriche) Grand prix: Un Prophète de Jacques Audiard (France) Prix exceptionnel du jury à Alain Resnais (France) Prix d'interprétation masculine: Christoph Waltz (Auutriche) pour Inglourious basterds de Quentin Tarantino Prix d'interprétation féminine: Charlotte Gainsbourg (France) pour AntiChrist, de Lars Von Trier Prix de la mise en scène: Brillante Mendoza pour Kinatay (Philippines) Prix du scénario: Nuits d'ivresse printanière de Lou Ye (Chinois) Prix du jury: ex aequo: Fish Tank d'Andrea Arnold - Thirst, ceci est mon sang...de Park Chan-wook Caméra d'Or: Samson et Delilah de Warwick Thornton (Australie)