L'indépendance de l'Algérie est restée en travers de la gorge de l'égocentrisme français. Quarante ans après, une grande partie des milieux médiatiques français et parfois officiellement politiques, n'a pas encore digéré l'indépendance algérienne. A déchiffrer une multitude d'écrits journalistiques et de déclarations de personnalités politiques faite en catimini ou dans l'anonymat, à l'occasion de ce quarantième anniversaire de l'indépendance de l'Algérie, il y a comme une terrible volonté de travestir des faits historiques ou du moins de leur donner une interprétation équivoque et souvent égocentrique. D'abord, en évoquant la conquête coloniale française de l'Algérie, ces milieux omettent volontairement de dire que la France a cherché tous les prétextes pour s'emparer du territoire algérien, afin d'arriver à une sorte de parité dans les conquêtes coloniales avec les autres puissances coloniales de l'époque. Ensuite, le processus de colonisation lui- même, de surcroît, de peuplement, est souvent présenté comme une action positive pour notre pays, car procédant d'une action de civilisation menée au nom de la christianisation d'«un peuple à l'état sauvage». Enfin, l'indépendance du pays, est souvent suggérée comme ayant été octroyée par la généreuse France dans le cadre évidemment de ce que certains appellent la décolonisation des possessions de l'empire colonial français. C'est là, le seul cadre dans lequel se sont inscrites, durant ces quatre dernières décennies, toutes les évocations des relations franco-algériennes. Et si cela n'est pas admis officiellement ou publiquement, réserves de fonction ou de diplomatie obligent, il n'en demeure pas moins que, à chaque fois que l'occasion se présente, il se trouve des personnalités françaises qui le susurrent, le sous-entendent ou le laissent deviner. Occultant délibérément la pacification sanglante de la conquête de l'Algérie, les multiples actions de résistance du peuple algérien après 1830, ses sacrifices et ses privations tout au long du règne de la présence française en Algérie, et surtout, l'héroïsme et l'exemplarité de sa guerre de libération nationale, les écrits historiques, culturels, sociologiques et politiques relatifs à l'évolution de l'Algérie, s'orientent le plus souvent, vers une sorte de culpabilisation de notre pays pour avoir osé réclamer son indépendance et sa souveraineté. Ainsi, que ce soit sur les différentes étapes de la lutte armée de libération du pays ou sur celles des pertes humaines des deux côtés ou encore sur celle très controversée du sort, soi-disant subi ici et là-bas par les supplétifs de l'armée française en Algérie, les harkis et leurs familles, les points de vue français entretiennent l'ambiguïté et ne prennent en compte que leur propre conception des choses. Faut-il rappeler à ce propos que pendant longtemps la guerre d'Algérie est restée sans non. Qualifiée simplement d'«événements», la confrontation armée algéro-française, qui a duré pourtant pas moins de sept années et qui a fait des millions de morts et de mutilés de guerre de part et d'autre, n'a été reconnue comme une véritable guerre entreprise par la France, qu'en octobre 1999 par décision du Parlement français? En tout cas, pour d'aucuns cette falsification permanente de l'Histoire par l'ancienne puissance coloniale, notamment les nostalgiques de «l'Algérie de papa et de l'Algérie française» conjuguée au refus de l'Etat français d'exorciser son passé colonial obéirait à un sentiment de honte collective à reconnaître les méfaits du colonialisme français pas seulement en Algérie, mais un peu partout dans le monde. Tout le reste n'est que pure diversion de bas étage.