Le passé douloureux et passionnel et des intérêts demeurent le moteur des rapports algéro-français. Le président français, Jacques Chirac, sera demain en Algérie pour une visite d'Etat et de travail de trois jours. Ce voyage du chef de l'Etat français, qui intervient plus d'une année après sa venue à Alger pour marquer la solidarité de la France aux victimes des inondations de Bab El-Oued où il a été d'ailleurs accueilli chaleureusement, répond d'abord à la visite d'Etat de son homologue algérien, Abdelaziz Bouteflika, effectuée en France en juin 2000. Ce voyage sera-t-il l'épilogue de cette «refondation des relations» entre les deux parties, dont ne cessent de parler les responsables politiques des deux pays? Certes, depuis l'arrivée au pouvoir en Algérie en 1999 du Président Bouteflika, les rapports entre Paris et Alger ont fondamentalement évolué vers une qualité autrement plus sereine. Des responsables de haut niveau ne manquent pas une occasion de se rencontrer pour améliorer leurs relations et leurs échanges ou concertations sur tous les plans: politique, économique, culturel ou sportif. Mais comme le résume si bien l'historien français, Benjamin Stora, «les rapports franco-algériens se sont noués dans la violence, l'imposition du système colonial, et par une guerre de sept ans qui a permis l'accession de l'Algérie à l'indépendance. Voilà pourquoi, trente ans après, le temps n'a pas apaisé les passions» même si du coté français, l'autodétermination du peuple algérien est largement consacrée et intériorisée, tant au sein de l'opinion publique française que dans les rangs de la classe politique, tous bords politiques confondus. Néanmoins, de 1962 à 2002, et en 40 ans d'indépendance de l'Algérie, c'est-à-dire de détachement physique irréversible d'une ex-colonie de sa puissance tutélaire, les relations entre les deux parties ont toujours évolué en dents de scie, et elles ont souvent connu des hauts et des bas, selon la conjoncture locale, régionale, et internationale, ou les visions politiques ou purement politiciennes du personnel politique au pouvoir dans les deux pays. La France de de Gaulle a accompagné, à la faveur des fameux Accords d'Evian de 1962, l'Algérie dans son indépendance, -accords dont les soi-disant annexes secrètes alimentent de temps à autre la polémique sur la présence et l'influence post-indépendance de la France en Algérie. Vint ensuite dans les années 70, la France de Giscard qui a vu l'Algérie de Boumediene nationaliser sa principale ressource naturelle, le pétrole au détriment des compagnies françaises, mais qui n'a pas dissuadé ce dernier de venir en voyage officiel en Algérie en 1975, sous le règne de celui qui était dénommé dans les milieux politiques et médiatiques parisiens, «le maître d'Alger». Mais de l'avis de tous les historiens des rapports franco-algériens, c'est incontestablement la France socialiste et mitterrandienne des années 1981-1995 qui aurait causé le plus de tort aux rapports entre Alger et Paris avec ses équivoques-formules, à la fois paternalistes empreintes de relents coloniaux tels que «la France historique et l'Algérie nouvelle» ou plus grave encore, le fameux «il faut» du président, François Mitterrand au lendemain de l'arrêt du processus électoral en Algérie en décembre 1991. Enfin, depuis 1995 et la double élection du gaulliste, Jacques Chirac à l'Elysée, la France change sa perception à long terme de l'Algérie et tente de rectifier autant le ton que le contenu politique et économique du discours hexagonal quand il s'agit de ses relations avec son ex-colonie d'Afrique du Nord. Il reste, qu'en dépit de toute la bonne volonté proclamée et affichée par les dirigeants français actuels quant à l'amélioration des relations franco-algériennes, l'engagement français dans notre pays reste en deçà de ce qu'il devrait être particulièrement dans le domaine économique ou en matière d'investissements. Les hésitations et les tergiversations des milieux d'affaires ne sont pas encore dépassées. La virée du chef d'Etat français dans notre pays pourra-t-elle changer la donne?