Un opus, composé de dix titres, à l'instrumentation novatrice, fidèle aux style et sonorités qui ont fait la réputation et le renom du paternel Dahmane. En digne héritier de l'un des maîtres du chaâbi, Kamel El Harrachi, 36 ans, vient de sortir son premier album chez TAM (Turn Again Music). Un véritable coup de maître pour un coup d'essai. C'est un opus d'une grande maîtrise artistique, composé de dix titres, à l'instrumentation novatrice, fidèle aux style et sonorités qui ont fait la réputation et le renom du paternel Dahmane et revivifiant le blues oublié de la Casbah d'Alger. C'est à 18 ans que le jeune Kamel El Harrachi enregistre ses premiers titres au studio Afric Audio, à Douéra, avant d'émigrer en France où il chantera comme son père dans les cafés du Paris de l'émigré. Il persévère pour ensuite monter sur scène pour la première fois lors du Printemps de Bourges, en 2002, puis à l'Institut du Monde arabe, l'année suivante. L'artiste Kamel El Harrachi a néanmoins introduit dans la conception de son album une instrumentation moderne et novatrice. «C'est vrai que le raï et le rap ont un peu éclipsé ce style. En ce qui me concerne, je tente de rester fidèle à l'oeuvre de mon père, pour ne pas laisser ces belles choses finir aux oubliettes, mais j'essaie aussi d'apporter quelques notes de modernité et d'ouverture, avec la contrebasse, le piano ou les congas», avait-il déclaré à un magazine. Le premier titre de l'album Ghana fenou (il a chanté son art/ créé son style) de Kamel El Harrachi, est un hommage au père rendu avec maestria dans le pur timbre chaud et rocailleux typique de la chanson mélancolique chaâbie. La résonance mélodique du grand créateur que fut Dahmane El Harrachi trouve en ce fils un digne héritier du genre musical qui a envoûté tant de mélomanes nostalgiques. A travers une palette de thèmes embrassant la problématique de la destinée d'une jeunesse incomprise, développée dans la chanson Walahi madrit où se superposent et se cristallisent les peurs et angoisses d'une franges sociale oubliée et vouée aux gémonies par les gouvernants. Assez souvent, le thème de la souffrance est pris comme catalyseur par les artistes pour exprimer le malaise, les privations qui frustrent cette même jeunesse. C'est le titre de la troisième chanson Ma yest'has beldjamra, dans laquelle il s'épanche sur les péripéties douloureuses que renferme un secret, uneconfidence lourde à porter seul, un réceptacle à regrets. Ou celle qu'il intitule Khoudi rahtek, par laquelle il interpelle laconfidente traîtresse, à l'origine d'une déception amoureuse. Le chanteur diabolise cette matérialisation des rapports humains enrobés dans les dorures du mensonge et de la trahison, comme ceux aussi des sentiments amoureux. Dans El Barani (l'étranger), il est question de vilipender la question de la mise à l'écart de l'individu, la mise en quarantaine de cet autre qui ne rentre pas dans le moule préfabriqué par un milieu dont on ne partage pas les mêmes convictions et principes. En revanche, dans Hyati maak, l'artiste célèbre l'amour et chante une idylle platonique. Il rend hommage aux vrais sentiments à travers des messages sibyllins adressés à l'âme aimée, en magnifiant l'amour dans son acception première. «Chal aayit maesbar», est une chanson dédiée à l'absence de l'être aimé. Elle renvoie à cette désunion malgré soi, nonobstant les efforts consentis pour les retrouvailles tant souhaitées par l'âme frustrée. Kamel El Harrachi clôt son premier opus par la reprise du titre phare de son père Ya Rayah qui a fait un tabac dans les milieux de la scène musicale chaâbie. «J'ai choisi de reprendre certains des vieux morceaux de mon père des années 50 et 60...On m'a poussé à conserver Ya Rayah», explique l'artiste. Kamel El Harrachi, Ghana fenou», (Turn Again Music/Mosaic) 25 mai 2009, Grenoble (France), 15 E