Les trois buts de la victoire ont eu l'effet de secousses sismiques dans tout le pays et à l'étranger. Que nos frères Egyptiens nous pardonnent si on ne parlera pas d'eux ici. Ils ont admirablement joué. Ils ont donné le meilleur d'eux-mêmes. Mais toute compétition sportive débouche toujours sur un vainqueur et un vaincu. Malgré le résultat que nous connaissons, ils n'ont point démérité. Si on ne parlera pas d'eux donc, c'est parce que le match Algérie-Egypte, disputé dimanche soir à Blida, a dépassé les limites d'un simple événement sportif impliquant deux équipes et leurs supporters respectifs. Ce fut surtout un match de l'Algérie avec elle-même. Un match avec 35 millions de supporters. Aucun stade ne pouvait les contenir. Ceux qui ne pouvaient donc être sur les gradins l'ont suivi de chez eux. D'Alger à Tamanrasset, de Maghnia à Tébessa, de tous les coins de la planète où ils se trouvent en exil, tous les Algériens étaient aux rendez-vous. Tous, femmes, hommes, enfants, vieillards étaient rivés devant leur télé. L'unique motivation, qui les rassemblait autour du même événement, était qu'ils espéraient tous voir les couleurs nationales gagner l'une des étapes menant vers la Coupe du monde. Ils étaient là certes, pour le ballon mais surtout et beaucoup plus pour l'Algérie. Le match de foot n'étant que le moyen de réaliser le rêve de voir leur emblème national flotter fièrement au fil des étapes menant vers l'Afrique du Sud. Ils étaient soucieux de prouver, de se prouver aussi à eux-mêmes, qu'ils étaient capables d'exploits quand les circonstances les y obligeaient. A Blida, une étape a été franchie. Les trois buts de la victoire ont eu l'effet de secousses sismiques dans tout le pays et à l'étranger. Le stade Tchaker, les chaumières, les cafés, les rues ont vibré à l'unisson par trois fois. Ce fut l'apothéose à la fin du match. Des scènes de joie, de liesse, de ferveur, d'embrassades, ont éclaté dans toutes les villes et villages du pays et de l'étranger où se trouvent nos compatriotes. Elles ont duré toute la nuit avec leurs ballets de voitures aux klaxons bloqués. Mais pas seulement (et c'est là le plus important), car l'emblème national était dans toutes les mains, fièrement porté. Il était porté par ceux qui marchaient. Il était accroché sur les voitures qui défilaient. Sur les balcons. Sur les devantures des commerces. Il était partout où l'oeil pouvait se porter. Même avant la victoire il «nappait» littéralement les gradins du stade de Blida. Quelle plus belle image d'amour du pays! De cette union autour de l'emblème national. De cette unité nationale où se fondent les diversités qui font notre richesse. Quelle belle image en effet que cette fête qui s'est prolongée le lendemain par des embrassades accompagnées par un «mabrouk alaïna»! 35 millions de personnes ont ainsi démontré au monde entier leur unité, leur fierté d'être Algériens et leur capacité à se surpasser. Il leur faut juste des occasions pour s'exprimer pacifiquement comme celle de ce match et faire taire ainsi tous ceux qui les dénigrent. Des occasions de défis, de souffrances aussi. Des occasions qui n'ont pas, à vrai dire, manqué par le passé. De l'explosion de joie qui a duré plusieurs jours à l'indépendance du pays, au match Algérie-Allemagne en 1982 en passant par l'expression d'une solidarité exemplaire comme lors du séisme de Chlef, de Boumerdès, du rejet du terrorisme ou des inondations de Bab El Oued et on en oublie. On en oublie forcément car il n'y a qu'à voir les relations fraternelles qu'entretiennent les Algériens entre eux, sans même se connaître, dès qu'ils se trouvent en terre étrangère. Des relations fraternelles poussées jusqu'à l'ensemble des ressortissants des pays du Maghreb, qui constituent en fait un même peuple. Ceci dit, la nuit du match Algérie-Egypte est à inscrire en lettres d'or dans nos mémoires. Une nuit où les Algériens ont donné toute l'amplitude de leur réconciliation. Une nuit où il n'y avait ni riches ni pauvres, ni Oranais ni Kabyles, ni Constantinois ni Algérois, ni Sahraouis ni Skikdis. Non, rien de tout cela, il n'y avait que des Algériens rassemblés autour de l'emblème national pour fêter la victoire de leur pays: l'Algérie. Un sentiment d'une ampleur si exceptionnelle qu'il a poussé les joueurs de l'Equipe nationale à jouer «avec leurs tripes». Cela tout le monde l'a constaté surtout lors de la 2e mi-temps où le temps n'était plus à continuer à observer l'adversaire mais à passer à l'offensive pour gagner. Ce qu'ils ont fait, poussés par cette formidable force immatérielle de 35 millions de regards inquiets et pleins d'espoirs à la fois. Cette formidable force les suivra encore le 20 juin prochain lors du match contre la Zambie. D'ici là, nos joueurs doivent persévérer dans leur travail de préparation et ne pas se suffire de la victoire de dimanche dernier. Une formidable force dont les «clés» sont aujourd'hui, plus que jamais, connues. Il suffit de bien utiliser ces «clés» pour venir à bout de tous les autres défis comme celui de la drogue actuellement ou les accidents de la route. Sans compter la défense des intérêts du pays en tous lieux et en toutes circonstances. Le peuple algérien étonnera toujours, par son génie, ceux qui ne connaissent pas ses entrailles. Des entrailles qui sont ceux d'un peuple fier et digne que toutes les vicissitudes de l'histoire n'auront réussi qu'à le renforcer dans son unité. PS: Des Algériens ont acheté à l'entrée du stade l'emblème national. Certains l'ont payé jusqu'à 500 dinars au noir. Preuve de leur patriotisme. Mais pourquoi les autorités ne les mettent pas à l'abri de telles pratiques en prenant la décision de vendre (toute l'année) dans les bureaux de postes, par exemple, l'emblème national dans ses différents formats et supports? Un guichet comme pour les timbres. Est-ce si difficile?