Les médias, toutes tendances confondues, assimilent la plainte de Nezzar à celle de l'armée algérienne. Comme il fallait s'y attendre, le procès Nezzar-Souaïdia se déroule à deux niveaux différents. Le niveau médiatique, comme de juste, se taille la part du lion, puisque côté juridique les enjeux ne sont guère à la mesure des peines encourues par l'accusé, officier transfuge de l'armée algérienne, condamné à 20 ans de réclusion criminelle par la justice algérienne et radié des rangs de l'ANP. C'est sur le plan médiatique, donc, que la bataille s'annonce la plus rude, qu'elle risque même d'être décisive. Il est vrai, ce disant, que les choses ne sont plus ce qu'elles étaient. Le recul très net des socialistes, connus pour être très proches des thèses islamistes et du «Qui tue qui?», a sensiblement réduit les marges de manoeuvres des partisans du retour au processus électoral de 92. Si la droite a d'autres chats à fouetter et n'est pas particulièrement intéressée par le contrôle de ce qui se passe en Algérie, la gauche, elle, connaît une véritable débandade qui la place à mille lieues de ses anciennes préoccupations et de ses anciennes amours comme n'a pas manqué de le souligner, non sans amertume, le leader du FFS, Hocine Aït Ahmed. Sans ces facteurs, particulièrement favorables au plaignant, le traitement médiatique aurait été autrement plus mis en valeur. Aucun journal, en effet, n'a accordé hier son ouverture au procès, préférant le faire sur la «démission» de Messier, et la collision aérienne qui a eu lieu entre deux avions au-dessus du sol allemand. Des articles particulièrement «orientés» n'en ont pas moins été faits. L'information brute, objective, n'occupe que très peu de place dans la plupart de ces articles. Un cachet politique très clair est collé au procès alors que Nezzar ne mène bataille que pour une simple histoire de diffamation. Ces orientations sonnent tellement faux que cette même justice et ces mêmes médias avaient trouvé le moyen de juger et de condamner le tortionnaire Aussaresses de «délit de presse» alors qu'il reconnaissait avoir torturé et assassiné durant la guerre de Libération nationale sous la bénédiction et la protection de l'armée française et du pouvoir politique de l'époque. Des journaux tels que Libération, Le Monde ou même Le Figaro, particulièrement acquis aux thèses de la droite, ont sous-entendu que Khaled Nezzar défend l'honneur de toute l'armée algérienne à travers ce procès. Les médias, il faut le craindre, ont donné une orientation de mauvais aloi aux débats. Après un Nezzar qui a affirmé être là «au nom de l'armée, du peuple et du pays» alors que seul le Président de la République a les prérogatives constitutionnelles pour agir et s'exprimer de la sorte, le témoignage, hier, de Sidi-Ahmed Ghozali a contribué à enfoncer les débats plus encore dans ces sentiers particulièrement dangereux et glissants. Il s'est, en effet, aventuré sur le terrain politique, tentant d'expliquer les raisons de l'interruption du processus électoral en 92 alors que le propos n'a rien à voir avec cette question. Une aubaine pour les médias proches des thèses des socialistes et des ONG particulièrement hostiles à l'Etat algérien. Diplomate de carrière et ancien Premier ministre, Ghozali ne doit forcément pas ignorer que ses propos constituent la perche tant attendues par certaines puissances étrangères afin de s'ingérer dans les affaires internes de l'Algérie. Son témoignage, concernant des faits précis, devait se borner à affirmer que tant qu'il était Chef du gouvernement, entre 92 et 93, l'ancien ministre de la Défense et membre du HCE n'a jamais torturé, assassiné ou déporté des gens. Ces médias, qui doivent déjà se lécher les babines, ne manqueront pas d'en faire les gorges chaudes dans leurs prochaines éditions en attendant, comme de juste, les témoignages pathétiques, politiques et instigateurs des partisans de la défense. Ces derniers, en effet, alimenteront jusqu'à l'overdose leurs «amis» et feront même oublier à l'opinion ce pourquoi le procès a été convoqué. C'est ce genre de dérives verbales qui font dire à des observateurs avertis que «le procès n'avait pas lieu de se faire dans un pays étranger, qui plus est en France, et à une date aussi symbolique que le 5 juillet».