Le foot, les cafés, les fêtes familiales et les cybercafés demeurent l'unique destination de détente. Supposés être des lieux de détente et de loisir, les différents parcs d'attraction, salles de cinéma, théâtres...(lorsqu'ils en existent) enregistrent les fréquentations des plus faibles. Motif: plusieurs facteurs relevant de la spécificité de chaque lieu. A commencer par les salles obscures. «Ces dernières ont été transformées en lieux de débauche», estime Narimène, jeune étudiante en médecine, rencontrée au coeur de la rue Didouche Mourad. «Comme la majorité des femmes, j'éprouve énormément de difficulté à m'afficher dans une salle de cinéma. Après plusieurs visites, j'avoue que je n'ai jamais pu terminer le film. Je sors rapidement, à peine un quart d'heure ou une demi-heure de projection», regrette-t-elle. Elle explique avec un long soupir: «Je pense que c'est vraiment lamentable de voir un tel lieu envahi par des délinquants qui ne prêtent aucune considération aux masses de visiteurs en quête de culture et de divertissement!» Non loin, la basse Casbah où l'on retrouve le Théâtre national algérien, baptisé depuis quelques années au nom de l'un des pionniers du théâtre algérien, l'inoubliable Mahieddine Bachtarzi. Ce centre éducatif et culturel a vu se produire sur ses planches des troupes de renommée mondiale telles l'Opéra de Pékin, la troupe artistique du Bolchoï, le Piccolo théâtre de Milan, les théâtres japonais et coréens, des orchestres symphoniques, des troupes nationales de Syrie, d'Egypte...La construction de ce grand édifice remonte au début du XXe siècle. Il fut l'oeuvre de l'architecte français Chasseriau qui l'a conçu dans un style néo-baroque. Selon Madame Kadi, une sexagénaire et habituée du TNA, «il n'est plus question de comparer les années 60 et 70, jusqu'au début des années 80 à notre époque actuelle.» Hadja Kadi se souvient des jours heureux jadis lorsque les familles se disputaient les places dans ce lieu culte. «Ma fille, de nos jours, c'est une génération électronique qui s'impose de plus en plus avec l'arrivée de l'Internet qui a détrôné la parabole», nous a-t-elle confié. Juste à côté, sur les terrasses du mythique «Café Tantonville» qui date de plus d'un siècle, les clients, que des hommes, envahissent le café. Quant aux retardataires, ils n'ont qu'à siroter leurs boissons debout. Visiblement, les cafés ont plus de succès. Pour Ammi Hassan, un fidèle client «la saveur du café et l'ambiance bon enfant ne peuvent être retrouvés que dans cet endroit». Nostalgique, notre interlocuteur se souvient encore: «Dans cet Alger plein de charme des années soixante, soixante-dix, voir s'attabler les légendes de la chanson chaâbie à l'instar de Cheikh El Anka, Boudjemaâ El Ankis, Guerrouabi, Amar Ezzahi, Dahmane El Harrachi...» aujourd'hui une telle époque a bel et bien disparu lorsque Alger se transforme en une véritable ville fantôme dès la nuit tombée. Sur un autre plan, certains lieux sont inaccessibles du seul fait des prix onéreux qu'il faut y débourser, qui font qu'ils sont réservés à une «élite», à savoir les nouveaux riches. On les remarque souvent sur l'unique terrain de golf du pays ainsi que dans certains salons de thé. A El Biar, sur les hauteurs d'Alger, une simple tasse de thé vous coûtera 70 DA et un croissant 30 DA. Pas encore vraiment cher en comparaison de ceux pratiqués à Sidi Yahia, le nouveau quartier «chic haut de gamme» de Hydra. Le prix des consommations décourage les clients les moins nantis. Dès lors, le foot, les cafés, les fêtes familiales et les cybercafés demeurent l'unique destination de détente pour le commun des Algériens. A noter que la culture électronique s'impose de plus en plus à la société. «Tout le monde peut avoir un ordinateur chez soi mais l'Internet à haut débit n'enregistre qu'un faible abonnement. Pour preuve, nos clients se trouvent obligés de faire la queue et attendre leur tour pour occuper un micro et se déchaîner dans ce village virtuel», nous dit Zouhir, jeune gérant d'un cybercafé situé à la Place du 1er-Mai. «Le chat demeure l'activité la plus dominante pratiquée par les internautes. Celle-ci est suivie par les jeux vidéo et viennent enfin les travaux de recherche effectués par les chercheurs et les étudiant en majorité», renchérit son collègue Kamel. Selon des témoignages recueillis de différents intervenants, les fêtes familiales et la télévision constituent la destination principale des loisirs pour les Algériens, surtout les Algériennes. Nul ne pourra nier cet engouement pour les feuilletons turcs depuis la diffusion de l'incontournable série Noor l'année écoulée sur un chaîne satellitaire arabe. Même les sociologues arabes n'ont pas manqué d'analyser le phénomène de société que sont devenus les feuilletons turcs. Pour eux, ce genre de feuilletons reflète une dualité entre modernité et tradition que les Arabes vivent mais assument difficilement. Hommes et femmes en sont des fans! Les millions de téléspectateurs n'hésitent pas à se reconnaître en ces personnages par un processus d'identification. Certains ont même choisi de donner les prénoms des stars à leurs nouveau-nés passant de Noor, Lamis, Ghazel pour les filles à Mohaned, Yahia et Asmar pour les garçons. Ferventes concurrentes des feuilletons turcs (doublés par les Syriens), les séries syriennes restent très présentes parmi les téléspectateurs algériens et dans le monde arabe. Pour preuve, le feuilleton syrien Bab el Hara et la série turque Noor arrivent en tête des dix programmes télévisés les plus regardés à l'échelle mondiale, selon le rapport annuel «Eurodata TV Worldwide» réalisé pour l'année 2008, auprès de 80 pays à travers le monde. Le rapport a également mis en évidence l'augmentation du suivi journalier des émissions télévisées qui a atteint 188 minutes par jour pour un téléspectateur, soit une augmentation d'une minute pour un téléspectateur par rapport à 2007. Passion planétaire, divertissement universel, le football, avec ses stars, ses foules en liesse et ses supporters agressifs, n'est pas un monde à part. L'évoquer, c'est aborder l'emprise de l'argent, le poids des médias, les enchaînements entre sport et politique, le dopage, la corruption, les structures et les conflits sociaux, la violence des hooligans...Adulé par les hommes en majorité, le football en Algérie vit un grand malaise. Pourtant, notre pays avait remporté le trophée de la Coupe d'Afrique des nations en 1990. Depuis, l'équipe nationale, plongée dans une phase d'instabilité totale, collectionne des résultats plus que médiocres et s'est effacée de la scène sportive internationale. Celle qui doit être la vitrine du football algérien n'a plus rien à exposer, et illustre parfaitement l'état de délabrement du sport national. Malgré ce tableau noir du football national, les adeptes se contentent des compétitions locales pour se réjouir des saveurs de la victoire. Selon des observateurs, le pays a pris beaucoup de retard d'une manière générale sur l'évolution du sport et en particulier le football, qui fait appel aujourd'hui au professionnalisme dans bien des domaines. «L'Algérie n'a pas suivi ce changement. Il suffit pour cela de noter avec beaucoup de regret qu'il n'existe pas de centres de formation pour les joueurs et encore moins pour les entraîneurs», déplorent des spécialistes. Le traumatisme dont souffre le foot en Algérie n'a pas empêché cependant les mordus de la balle ronde d'en faire les principaux sujets de conversation, notamment dans les cafés populaires.