Cet ouvrage nous propose une interview avec Maurice Monneyer, laquelle tourne autour des moments partagés avec Mouloud Feraoun. L'écrivain Mehenni Akbal continue son chemin sur les traces de Mouloud Feraoun. Après avoir publié deux ouvrages sur le romancier de Tizi Hibel, Akbal est allé à la rencontre d'un ami de ce dernier. Il s'agit du journaliste Maurice Monnoyer. Les deux hommes se sont rencontrés à Montpellier au début de cette année. C'était l'occasion inespérée pour revisiter l'auteur du Fils du pauvre. De ces rencontres est né le livre: Mouloud Feraoun- Maurice Monnoyer: histoire d'une amitié. L'ouvrage vient de sortir aux Editions «El Amel» de Tizi Ouzou. Le livre se présente sous forme de textes et de documents réunis et présentés par Mehenni Akbal. Une sorte de dossier documentaire qui peut être lu par le grand lectorat mais qui peut certainement intéresser les universitaires, les étudiants et les chercheurs. Même les écrivains pourront trouver des éléments qui satisferont leur curiosité sur notamment la manière extrêmement subtile avec laquelle Mouloud Feraoun a pu gérer la médiatisation de ses romans tout en ne faisant pas d'amalgame avec son amitié pour les journalistes. Dans ses rapports avec Maurice Monneyer, Mouloud Feraoun s'est plus adressé à l'ami qu'au journaliste. Les lettres qu'il a envoyées à son ami, après la sortie du Fils du pauvre, sont pleines d'affection. Il s'agit de lettres désintéressées mais empreintes aussi de respect car Feraoun n'a pas cessé de vouvoyer son interlocuteur. On découvre de nouvelles lettres qu'Emmanuel Roblès n'avait pas inclus dans le livre Lettres à ses amis pour certainement n'avoir pas su leur existence. Dans le livre de Mehenna Akbal, on saura des choses inédites sur Feraoun, notamment sur le volet de sa vie privée. Ainsi, à la sortie de son roman La Terre et le sang sa fille a protesté avec toute sa ferme énergie et ne voulait pas que les gens sachent comment elle s'appelle. Sa femme aussi ne voulait pas que les mêmes gens soient exactement renseignés sur le passé de la famille et sur leur existence à l'époque de la publication du roman. Mouloud Feraoun écrit à son ami: «Les miens estiment que j'en ai trop dit dans Le Fils du pauvre». Ce sont des révélations importantes puisqu'elles nous confirment que même dans les romans La terre et le sang et Les Chemins qui montent il y a une grande part autobiographique, alors que les lecteurs en général pensaient jusque-là qu'il n'y a que Le Fils du pauvre qui raconte la vie de Mouloud Feraoun. L'aide précieuse et les encouragements de l'écrivain Emmanuel Roblès sont mis en valeur par Mehenni Akbal dans son nouvel ouvrage. On apprend que le premier roman de Feraoun a été peu médiatisé par les journaux à Alger. Il le dit lui-même dans une lettre adressée à son ami: «Je vous remercie pour vos félicitations et cela d'autant mieux que la presse algéroise semble me négliger un peu (...). Quant à la biographie, Le Fils du pauvre en est bien une dans la mesure où une oeuvre puisse être une autobiographie.» Mouloud Feraoun était un homme intègre et pour le demeurer il fallait absolument qu'il tienne à sa liberté. C'est pourquoi il refusait poliment toutes les propositions professionnelles qui pouvaient hypothéquer son autonomie donc son honnêteté. C'est d'une manière extrêmement diplomatique, qui ne contraste guère avec son statut de montagnard, que Mouloud Feraoun exprime dans une autre lettre son refus de la proposition de travailler dans le journal de Maurice Monnoyer: «Tout en étant flatté de votre offre qui témoigne d'une belle impartialité vis-à-vis du musulman et de l'instituteur que je suis, je ne puis à mon grand regret la retenir. Une proposition analogue m'avait été faite depuis janvier par la revue Algéria. J'ai autorisé cette revue à publier quelques extraits du livre mais je ne tiens ni à le publier en entier dans la presse ni par larges extraits pouvant en donner une idée complète. Pour des raisons personnelles, je préfère m'en tenir à l'indépendance absolue.» Dans cette lettre, Mouloud Feraoun résume on ne peut mieux ses principes. Dans le livre que propose les Editions «El Amel», Mouloud Feraoun se révèle en outre un critique à la hauteur puisque le journaliste Maurice Monnoyer lui fait confiance et lui confie un roman avant publication. Mouloud Feraoun lui adresse par lettres des observations d'une pertinence littéraire indéniable: «Ce n'est pas du tout le livre de débutant. L'écriture en est excellente, la composition aussi. L'intérêt ne faiblit jamais et à mon sens le manque de vraisemblance qu'on vous reproche par endroits n'est pas une critique fondée, à part peut-être que vous êtes vous-même une nature trop particulière et que la singularité de certains traits de caractère de vos personnages reflète tout naturellement le vôtre. Alors, si je peux hasarder un conseil ce serait d'humaniser un peu et Pierre et Claire, je veux dire qu'il faudrait à mon avis que leur amour ne soit pas trop exclusif, qu'ils s'oublient un peu à partir du moment où tout espoir de vie commune cesse d'exister pour eux: par exemple que la scène du square avec la jeune fille soit poussée jusqu'au bout, quitte à la faire suivre de regrets.» Le livre dont nous parlons propose une interview avec Maurice Monneyer et qui tourne autour des moments partagés par ce dernier avec Mouloud Feraoun. Le livre offre les articles du journaliste français parus à la sortie des livres de Mouloud Feraoun et l'article écrit suite à l'annonce de l'assassinat de Mouloud Feraoun.