La rareté des matériaux de construction entrave les plans de construction lancés aussi bien par les privés que par l'Etat. La convergence de deux phénomènes importants risque de provoquer un impact fâcheux sur les grands chantiers lancés de l'Etat, notamment ceux du bâtiment et des travaux publics. Le premier élément est la grève en cours au complexe d'Arcelor Mittal d'El Hadjar qui fournit la quasi-totalité du rond à béton utilisé dans les constructions. La crise du ciment n'est, quant à elle, toujours pas maîtrisée par l'Etat. Elle dure depuis deux ans. Actuellement, on privilégie les solutions faciles en allongeant davantage la facture des importations. Le préjudice sera d'autant plus important que l'été est une période généralement mise à profit dans le secteur du bâtiment pour accélérer la cadence du travail. L'objectif étant celui de rattraper les retards accumulés pendant les périodes où les conditions climatiques ne se prêtaient pas particulièrement à l'activité en dehors des espaces clos. Pourtant, cet élan traditionnel des professionnels du bâtiment risque d'être freiné sérieusement cette année. Les matériaux de construction se font en effet désirer et tout le monde craint un ralentissement préjudiciable à la bonne marche des chantiers. Pour le ciment, le déficit se situe au-delà d'un million de tonnes. L'Association générale des entrepreneurs algériens (Agea) parle d'un déficit de trois millions de tonnes. La Société de gestion des participations de l'Etat gérant les cimenteries a lancé, depuis plusieurs semaines, un appel d'offres international pour importer un million de tonnes. Dans l'intervalle, les prix flambent et les intermédiaires n'arrivent pas à se procurer des livraisons auprès des différentes usines. Hormis l'importation, l'extension des capacités de production des unités existantes aurait pu constituer une solution pour absorber une partie du déficit. Mais ce choix est difficile à mettre en pratique tant les techniques de gestion et la vétusté de l'outil de production ne sont pas des éléments militant en faveur de cette issue. Les raisons qui font craindre une pénurie de rond à béton sont liées aux difficultés connues par le complexe Arcelor Mittal d'El Hadjar. C'est un conflit social entre les travailleurs et la direction du complexe. Les travailleurs ont déjà entamé une grève il y a trois jours. Ils menacent même de recourir à une grève illimitée dans le cas où la direction n'arrive pas à satisfaire leurs revendications dans les trois prochains jours. C'est dire que le conflit a des chances de se durcir, entraînant derrière lui un arrêt de toute production destinée au marché national ou à l'exportation. Les chantiers devront alors évoluer à des pas de tortue. Les conséquences seront graves car il y a toujours des surcoûts à supporter par les parties qui initient ces projets. Il faut alors se demander si les prix à la livraison seront revus à la hausse pour compenser les pertes. Cela n'est pas toujours du goût des clients qui rechignent à supporter des coûts supplémentaires. En plus de ces retombées, les utilisateurs finaux ne vont prendre possession de leurs biens que des années après les délais initiaux. Il est fort probable, voire quasi certain que le projet du million de logements sera le premier à pâtir de cette situation. Il est curieux de constater qu'au moment où des signaux de crise sont apparus, les autorités affichent un optimisme et déclarent même que de nouvelles facilités seront accordées pour l'acquisition de logements. Or, il ne s'agit pas d'entrer en possession d'un logement mais des matériaux pour le construire. D'autres projets sont, eux aussi, de gros consommateurs de matériaux de construction. C'est le cas des grands ouvrages nécessaires à l'achèvement de l'autoroute Est-Ouest. Les ponts et les trémies ainsi que les stations d'essence et les stations de péage sont des ouvrages qui font appel à ce genre d'intrants. Le logement et les routes ne sont pas les seuls projets qui seront pénalisés par cette crise. Les écoles, les hôpitaux, les gares, les unités économiques sont tous des édifices qui ne sortiront pas de terre si les entrepreneurs sont pris à la gorge par ce genre de pénuries. Elles sont d'ailleurs cycliques puisque ce n'est pas la première fois que les bâtisseurs sont confrontés à ce genre de problèmes. A titre d'exemple, les logements dont la construction a été lancée par l'Aadl ont mis des années pour être achevés et livrés alors que le délai initial n'était que de 18 mois. Il est à craindre que dès que la disponibilité des matériaux de construction soit à nouveau rétablie, d'autres écueils soient dressés sur le chemin des chantiers. Les entreprises affichent quelquefois des difficultés à maintenir un rythme de travail régulier. Les conflits entre les initiateurs des projets et les entreprises de réalisation sont aussi monnaie courante.