Comment a-t-on pu programmer des spectacles à partir de 21h dans une ville qui baisse rideau à partir de 18h? La ville de Tizi Ouzou revêt depuis ce dimanche 5 juillet le faisceau multicolore de l'Afrique et du monde arabe. Le festival arabo-africain qui s'étalera jusqu'au 19 du même mois est l'occasion pour plus d'une trentaine de pays d'exposer leurs variantes culturelles dans la ville des Genêts. Mais est-ce pour autant une opportunité pour la population de la wilaya de découvrir cette richesse culturelle des hôtes? La réponse est sans conteste négative. Hélas, les curieux n'ont sous les yeux depuis hier matin que les affichages et les posters collés aux murs de la Maison de la culture Mouloud Mammeri. Quant aux spectacles, les organisateurs ont préféré les programmer à partir de 21h. En fait, quelle sorte de génie a pu souffler aux responsables du festival l'idée de gratifier en spectacles un public qui ne peut sortir qu'avant le coucher du soleil? Pour répondre à ces interrogations, il faudra signaler plusieurs inconvénients, pourtant évidents, qui empêchent le public de se rendre la nuit dans la ville de Tizi Ouzou. Si le problème de l'insécurité ne se pose plus avec la même acuité qu'il y a des années, il demeure qu'il fait encore partie des premiers soucis à prendre en considération. Le citoyen fait aujourd'hui face à deux sources d'insécurité. D'une part, sur sa route menant vers la ville de Tizi Ouzou. Même si le terrorisme ne figure plus parmi les plus importantes craintes des populations, il faut signaler les bandes de malfaiteurs qui profitent encore de ce climat de peur. Les gens sortent moins après le coucher du soleil et encore moins pour se rendre en ville assister à un gala artistique. D'autre part, les habitants de la ville et de sa périphérie n'ignorent pas l'insécurité régnante dans la ville. Les agressions qui font peur le jour se multiplient la nuit. Alors comment programmer des galas et des manifestations à 21h? Sur un autre registre, les organisateurs n'ignorent sans doute pas que les commerçants de la ville ferment au plus tard à 18h. Toutes les rues et les grands boulevards sont déserts dès le coucher du soleil alors que les cités qui organisent ces festivités dans le monde sont nocturnes. C'est une pratique qui n'existe pas encore à Tizi Ouzou. Il n'y a que le mois de Ramadhan qui bouleverse cet ordre établi. Et encore c'était avant la tragédie nationale. Aujourd'hui, même pendant ce mois de jeûne, la ville se faufile dans le noir comme un enfant qui se cache d'un monstre imaginaire dans la jupe de sa mère. Enfin, les organisateurs, des habitants des communes de la wilaya, ne pouvent oublier que les transports publics et privés des voyageurs sont inopérants à partir de 18h. Le public qui doit remplir les salles de spectacle ne peut pas se déplacer vers la ville aux heures de programmation. C'est pourquoi, il ne reste qu'une seule explication à ce planning. Il est en effet à se demander si les organisateurs ne cherchent pas à créer une tradition nouvelle ou briser le mur de la peur pour un retour aux années d'or de la ville de Tizi Ouzou. Ces années où les cinémas étaient tous ouverts. Les salles de spectacle abritaient des galas non-stop jusqu'à l'aube. Les années où la paix se lisait sur tous les visages. En ces temps, les gens ne craignaient pas pour leurs biens en venant en ville. En ces temps, les familles n'étaient pas agressées en venant assister à un gala. Les organisateurs n'ont jamais eu l'idée à cela sinon il y a longtemps qu'ils auraient dû y penser. La cérémonie d'ouverture se déroulait hier au stade Oukil Ramdane, agrémentée par un gala de Safy Boutella, mais à 21h, en l'absence du public.