De notre correspondant à Tizi Ouzou Malik Boumati Les festivités du Panaf 2009 à Tizi Ouzou se sont achevées, il y a une dizaine de jours et le retour de la morosité en ville est devenu comme prévu une réalité amère qui fait des soirées dans la ville des Genêts un grand vide dans l'obscurité. Il est vrai que les familles de Tizi Ouzou et des localités limitrophes commençaient à prendre goût à des sorties nocturnes bien animées, avec cette nostalgie avouée et bien visible de l'époque où le stade du Premier Novembre accueillait régulièrement le Festival international des chants et danses populaires. Mais le festival de cette année était particulièrement africain et multicolore et cela constituait indéniablement quelque chose de nouveau pour cette population qui était plutôt habituée à voir évoluer des troupes d'Europe centrale et de l'Est et de deux ou trois pays d'Europe occidentale. Quelque chose de nouveau qui devait susciter quelque curiosité pour les cultures du continent noir qu'ils viennent justement de découvrir. Mais comme disent beaucoup de gens, Tizi Ouzou n'est pas Alger et le programme proposé, même s'il était très intéressant, était loin de susciter une curiosité prolongée pour ces nouvelles cultures pour des raisons que beaucoup de personnes interrogées ont remarquées déjà pendant le festival. Les prestations des troupes et des artistes africains étaient noyées dans des activités arabes et algériennes. Une situation qui ne mettait pas en évidence la culture africaine en particulier à cause vraisemblablement de l'intégration dans les activités du Panaf 2009 de celles du Festival arabo-africain de danses folkloriques de Tizi Ouzou. «C'est vrai qu'il y avait beaucoup de troupes africaines de danse mais les artistes du continent n'ont pas pu émerger devant la multitude d'artistes algériens programmés», déclare un enseignant à l'université de Tizi Ouzou qui dit avoir été émerveillé par le spectacle du groupe sud-africain Vivid Africa. Un groupe de jazz exceptionnel qui n'a malheureusement pas l'aura mondiale d'Ismaël Lo et de Salif Keita et que les disquaires algériens ont exclu naturellement de leur commerce. Notre interlocuteur n'a pas caché son envie de se payer un CD de ce groupe mais il a vite déchanté quand il s'est rendu compte que les disquaires à Tizi Ouzou ne connaissaient même pas le groupe. «Pour des raisons commerciales évidentes, les artistes qui n'ont pas bénéficié de la médiatisation en Occident n'ont pas droit de cité chez nos disquaires», ajoute-t-il non sans promettre de se débrouiller leur album par le biais d'un cousin établi en France. Même son épouse qui n'a raté aucune soirée de ce festival n'a rien trouvé de la chanteuse éthiopienne Minyeshu qui a émerveillé le public au stade Oukil Ramdane de Tizi Ouzou. «Pourtant, c'est une chanteuse établie en Hollande et elle est supposée être près du monde du showbiz européen», dit-elle encore avant de se joindre à son mari dans la question d'approvisionnement à partir de l'Hexagone. Il est clair que cette curiosité pour les cultures africaines ne peut être alimentée en un seul festival surtout s'il a connu des lacunes dans l'organisation et particulièrement la programmation. Et la réussite de cette manifestation dans la ville des Genêts n'a pu empêcher les manques enregistrés, notamment en ce qui concerne les spectacles de danses folkloriques produits par les troupes africaines. Parce que le public qui assiste à un spectacle de danse africaine avec toutes ses couleurs et ses aspects particuliers ne pouvait s'empêcher de s'interroger sur l'histoire que raconte le spectacle et le message qu'il veut transmettre. Des interrogations restées sans réponse malheureusement pour les milliers de personnes qui faisaient le déplacement vers le stade Oukil Ramdane de Tizi Ouzou puisque ni les organisateurs ni les troupes participantes n'ont pensé à produire des dépliants pour expliquer un peu ou donner un résumé de ce que véhicule la prestation des troupes à travers leurs différents mouvements et gestes. Les prochaines éditions de ces festivals seront une occasion pour le public en général et pour les observateurs en particulier de voir si les organisateurs ont décidé de tirer les leçons de cette édition 2009 et de faire en sorte que la manifestation connaisse des améliorations notables dans l'organisation et la programmation. Et il faut dire qu'il y aura toujours un vide si l'on ne trouve pas le moyen de varier les disciplines et les activités. Un autre facteur qui explique cette sentence populaire disant que «le Panaf est fini, tout est fini» ainsi que le caractère éphémère de cette curiosité populaire pour les cultures africaines. En effet, à l'exception du chant et de la danse, le stade Oukil Ramdane et la maison de la culture Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou n'ont accueilli aucune autre activité alors que, dans la capitale, le public algérois a eu droit à différentes disciplines culturelles comme la littérature et le théâtre. Ce n'est qu'à travers la presse que la population de Tizi Ouzou était informée des rencontres littéraires qui regroupaient des écrivains africains avec le public. Comment alors s'attendre à ce que les citoyens se ruent vers les libraires pour acheter les œuvres de tel ou tel auteur africain ? A Tizi Ouzou, rares sont les auteurs africains présents dans les librairies ; donc, même si le Panaf alimente la demande en littérature africaine, l'offre ne sera pas à la hauteur surtout que les deux éditeurs interrogés à Tizi Ouzou ne semblent pas emballés par cette question d'édition des auteurs du continent noir. «Juste parce qu'il y a eu le Panaf auquel nous n'avons même pas été associés.»