«Chaque minute environ, dix enfants meurent des suites de carences alimentaires, soit un enfant toutes les six secondes. Ce qui représente 5 millions de décès par an. La malnutrition représente au moins 30% de la mortalité infantile dans le monde.» (FAO) Voilà l'état de désespérance du monde en 2009. Pendant que Sylvio Berlusconi offre des livres rares à 150.000 euros aux chefs d'Etat du G8, pendant les trois jours du G8, un simple calcul montre que plus de 40.000 enfants seraient morts de faim. Il y a un an, écrit Olivier Tales, des «émeutes de la faim» éclataient dans 38 pays d'Afrique, d'Asie, d'Amérique centrale et du Sud. Les pays riches promettaient une aide de 15 milliards d'euros. Un an plus tard, seulement 10% des promesses ont été versés. Les céréales deux fois plus chères qu'il y a quatre ans, c'est une tendance de fond. «La faim avait reculé jusque dans les années 1995-1996, malgré la croissance démographique, avant de repartir à la hausse au début des années 2000» D'après les estimations de la FAO, il faudrait dépenser 30 milliards par an dans le développement de l'agriculture pour éradiquer la malnutrition dans le monde d'ici à...2050.(1) Un enfant meurt toutes les six secondes. En l'an 2000, les Etats membres de l'ONU se sont engagés sur huit Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), à atteindre d'ici à 2015. Dans son rapport d'étape 2009, publié lundi 6 juillet, l'ONU constate que les grands progrès dans la lutte contre la pauvreté et la faim commencent à ralentir, voire à s'inverser à cause des crises économiques et alimentaires mondiales. 1,20 milliard de personnes sont victimes de la faim. Les huit pays les plus industrialisés se sont engagés à mobiliser ´´au moins 15 milliards de dollars sur trois ans´´, voire finalement 20 milliards de dollars. Pour rappel, ces 20 milliards arrachés au forceps représentent 1,5% du marché des armes, 2% de la publicité aux Etats-Unis et 0,5% des 4000 milliards qu'il a fallu trouver en quelques semaines pour sauver le capital. Pour sauver la planète, l'AIE demande 400 milliards de dollars par an pendant vingt ans! Comment perpétuer le système Encore une fois, les puissants de ce monde se sont donné rendez-vous pour discuter de la manière de perpétuer un système profondément injuste maintenu à flot à coups de subventions mirobolantes qui auraient dépassé les 3 000 milliards de dollars. Joseph Stieglitz avait bien raison d'affirmer que les pays industrialisés privatisent les bénéfices au profit exclusif des actionnaires et mutualisent les pertes aux dépens des contribuables. Par ailleurs, les acteurs du G8 ont débattu pendant trois jours des principaux sujets qui agitent le monde à l'heure actuelle: l'Iran, le climat, le pétrole, le système financier et la transparence fiscale auront été abordés avec plus ou moins d'insistance, mais sans réellement parvenir à des objectifs précis à court terme. S'agissant de la crise économique: l'économie chinoise repart. M.Obama a fait part, selon M.Sarkozy, d'un ´´frémissement´´, tandis que M.Berlusconi estime que la crise est ´´derrière nous´´. Le G8 note donc des ´´signes de stabilisation´´, mais précise que ´´la situation reste incertaine´´ et que ´´des risques importants continuent de peser sur la stabilité économique et financière´´. Les stratégies de sortie de crise ´´varieront d'un pays à l'autre en fonction de la situation nationale de l'économie et des finances publiques´´. S'agissant des changements climatiques, rien de nouveau sous le soleil. Tout est renvoyé à 2050. L'accord «historique» du G8 de réduire de moitié les émissions de gaz à effet de serre avant 2050, conclu cette semaine à L'Aquila (Italie), a été immédiatement condamné par les groupes verts et qualifié de «vague» et d'insuffisant pour stopper le réchauffement mondial, en l'absence d'un objectif concluant de mi-terme. Le G8 de L'Aquila laissera le sentiment d'un rendez-vous manqué sur le changement climatique, à cinq mois pourtant de l'accord attendu à Copenhague. Pour sa part, le secrétaire général de l'ONU regrette l'absence d'objectif à moyen terme en 2020, même s'il se félicite de l'objectif du G8 de réduire de 80% les émissions des pays industrialisés d'ici 2050.´´ Damien Demailly, chargé du programme énergie et climat au World Wild Fund (Fonds mondial de la nature), considère que les engagements des pays du G8 sont trop timides. Il craint que ce manque de volonté n'entraîne un échec des négociations lors du prochain sommet sur l'environnement à Copenhague, en décembre. La communauté scientifique s'accorde à dire qu'une augmentation de la température moyenne de la planète, de 2 °C, serait catastrophique. Le rapport de 2007 du Giec (le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat créé par l'ONU) parle du ´´point de rupture´´. Si le climat se réchauffe trop, les pergélisols (sols gelés en permanence) pourraient fondre et libérer un stock important de méthane, l'un des principaux gaz responsables de l'effet de serre. Les pays du G8 se sont engagés à ce que le réchauffement climatique ne dépasse pas 2°C et à réduire leur émission de gaz à effet de serre de 80% d'ici à 2050. Ces engagements auront-ils un réel impact sur la lutte contre le réchauffement climatique? Surtout, l'absence d'engagements à court terme bloque les négociations avec les pays émergents. «Les grand pays émergents refusent-ils de réduire leurs émissions? Pour eux, le ´´deal´´ est clair: les pays industrialisés ont une part importante de responsabilité dans le réchauffement climatique et doivent montrer l'exemple. Ils ont émis des gaz à effet de serre pendant un siècle, pour se développer. Ils doivent maintenant réparer leur ´´dette climatique´´ et accompagner les pays émergents dans leurs efforts pour réduire leurs émissions. Pour résumer, les pays émergents posent deux conditions aux pays industrialisés: s'engager à réduire de 40% leurs émissions d'ici à 2020 et leur apporter un soutien financier. A ces conditions, ils sont près à s'engager sur l'habitat, le transport ou encore les énergies renouvelables. Cependant, les pays industrialisés n'ont pas chiffré le montant de l'aide qu'ils étaient prêts à apporter. Des études de l'ONU, et d'autres instances, estiment cette aide à 160 milliards de dollars par an. Les pays émergents réclament de leur côté 200 à 300 milliards de dollars.»(2) On comprend ainsi pourquoi l'Inde refuse de se fixer des limites concernant l'émission de gaz à effet de serre tant que les pays développés, les Etats-Unis notamment, n'en auront pas fait autant. ´´Nous voyons aujourd'hui les conséquences de plus de deux siècles d'activité industrielle et de modes de vie liés à une consommation importante, qui se sont déroulés dans les pays développés, a déclaré le chef du gouvernement indien. Ils doivent en assumer la responsabilité historique.´´ Face à cette impasse, Barack Obama déclare: ´´Nous sommes d'accord pour dire que les pays développés comme le mien ont la responsabilité historique d'être à la tête de cet effort´´, a néanmoins reconnu le président américain, promettant que ´´par le passé les Etats-Unis ont parfois failli à leurs responsabilités´´. ´´Que les choses soient claires, cette époque est révolue´´. occasion unique qui risque de ne plus se représenter´´, a-t-il déploré, selon un porte-parole. L'Agence internationale de l'énergie (AIE) juge que ´´beaucoup reste à faire´´ pour atteindre les objectifs du G8 sur le climat. ´´Les investissements dans l'efficacité énergétique et dans les technologies propres doivent être multipliés par quatre pour maintenir l'augmentation moyenne de la température mondiale sous les 2°C´´, a indiqué l'AIE, chiffrant l'investissement nécessaire à ´´400 milliards de dollars supplémentaires par an pendant les vingt prochaines années...(3) ´´ Le problème des prix du pétrole Le président français Nicolas Sarkozy et le Premier ministre britannique Gordon Brown ont réclamé la définition d'une ´´fourchette de prix´´ du brut. Les dirigeants du G8 sont tombés d'accord pour estimer qu'un juste prix du pétrole devait se situer entre 70 et 80 dollars le baril. Le président russe Dmitri Medvedev a condamné toute cartellisation du marché du pétrole. Le président Sarkozy s'est exprimé à ce propos dans le Wall Street Journal mercredi 8 juillet 2009: «Comme chacun sait, les prix internationaux du pétrole sont fixés par les banquiers d'affaires de Wall Street. Ces prix définissent à leur tour la demande de dollars à l'echelle internationale, c'est-à-dire, la quantité de crédit que nous donnons à l'économie américaine en faillite. Lorsque le pétrole monte, le dollar monte. Problème: depuis deux ans, lorsque le pétrole monte, c'est l'euro qui monte. Les banquiers d'affaires de Wall Street décident alors de faire baisser brutalement les prix du pétrole qui est passé de 147,50 dollars en juillet à 32,40 dollars en décembre 2008. Du même coup l'euro est redescendu à 1.25 dollar à la fin de l'année 2008 Mais un nouveau problème est apparu au printemps 2009: le pétrole remonte contre l'avis des banquiers d'affaire de Wall Street, et l'euro redécolle à 1,40 dollar. Le prétexte donné pour la fixation des prix du pétrole est irrecevable: la ´´volatilité des prix´´! Alors que lorsque le pétrole est passé l'an dernier de 147$ à 32$, personne n'y trouvait rien à redire.» Voilà que l'on veut réglementer un prix d'une matière première sans tenir compte des forces du marché, tordant ainsi le coup à l'essence même du capitalisme quand des «intérêts supérieurs» sont en jeu. Les présidents Sarkozy et Lula proposent d'accueillir la Chine, l'Inde, le Brésil, le Mexique, l'Afrique du Sud et l'Egypte pour étendre le G8 à un G14 au plus tard en 2011. En réunissant, est-il écrit dans une contribution de «Attac», le sommet du G8 sur un champ de ruines. (...) D'ores et déjà on sait que ce sommet n'aura servi à rien: la sortie de la crise économique et financière sera plus que jamais soumise aux aléas de la météorologie boursière; quant à la crise écologique, l'objectif pourtant insuffisant de réduction de 50% des émissions mondiales de gaz à effet de serre d'ici 2050 (80% pour les pays industrialisés), qui fait apparemment consensus au sein du G8, ne s'accompagne d'aucun objectif précis pour 2020. Ce qui explique en partie la réaction du Forum des économies majeures (MEF), tenu simultanément, qui refuse de s'engager sur le moindre objectif chiffré pour 2050 tant que rien n'est prévu à l'horizon 2020. Il est clair en tout cas que ce G8 inutile et incongru ne possède aucune légitimité. (...) C'est aussi l'avis du président brésilien Lula, selon qui «le G8 n'a plus de raison d'être», et qu'il lui préfère le G20, «plus représentatif et plus proche des réalités de la crise». Telle n'est pas l'opinion d'«Attac»: le G20 n'a pas plus de légitimité que le G8, et le président Lula n'est pas habilité à s'exprimer seul au nom de l'ensemble des pays d'Amérique du Sud. Face à une crise dont les habitants des pays les plus pauvres sont les principales victimes, c'est à l'ensemble de la communauté internationale de prendre des décisions, autrement dit à l'Organisation des Nations unies. Ni G8, ni G20, mais G192! Nous sommes d'accord Attac France.(4) L'économiste Oscar Ugarteche qui observe depuis plus de trente ans les flux et reflux des richesses du monde s'inquiète des effets d'une crise née au Nord mais qui se propage au Sud et à l'Est (...) La hausse de taux d'intérêt et la chute des prix des matières premières vont avoir des effets catastrophiques sur les Etats du Sud déficitaires. La question d'un effacement des créances des pays les plus pauvres va revenir sur le tapis! Cette dette est absurde, elle est le produit d'une accumulation d'intérêts et n'a plus rien à avoir avec les prêts d'origine. De plus, son montant est ridiculement bas si on le compare aux sommes injectées, par exemple, pour réactiver l'économie étasunienne. (...) Je constate qu'au sommet des Nations unies sur la réforme du système de Bretton Woods, les grands Etats en développement, membres du G20 -ainsi que l'Allemagne et les Pays-Bas -n'ont pas voté avec la Grande-Bretagne et les Etats-Unis. Aux côtés du G77, ils ont clairement dit que l'ONU était la seule instance légitime à dessiner les institutions financières mondiales. Alors, je me demande: qu'est-ce que ce G20? Ne serait-ce pas plutôt un G2 à la recherche de légitimation?(5) «Et si on arrêtait tout, écrit Pierre Haski, reprenant le même argumentaire? Si on remettait à plat la manière dont sont prises les décisions sur cette planète? Si on profitait de la crise, de l'arrivée d'Obama, de l'absence de superpuissance absolue, pour recréer, comme après la Seconde Guerre mondiale, une architecture internationale plus adaptée au monde actuel? (...) Depuis, le G8 se cherche. A quoi sert-il, au-delà de son objectif affiché de coordonner les politiques économiques mondiales? Faut-il le remplacer? Oui, assurément. Comment faire émerger une architecture adaptée à une autre époque? Le cadre de G20 est évidemment plus représentatif. Mais il n'est pas nécessairement plus légitime.(...) Alors pourquoi ne pas remettre tout ça à plat? Une sorte de remake de ce qui s'est produit au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, lorsque les représentants de 50 Etats se sont retrouvés du 25 avril au 26 juin 1945 à San Francisco, pour élaborer la Charte des Nations unies, et la naissance de cette organisation mondiale bâtie sur les ruines de la Société des nations (SDN) d'avant-guerre. Aujourd'hui, l'ONU est dépassée et rendue d'autant plus obsolète que sa réforme est bloquée par les égoïsmes des détenteurs du droit de véto, et son inefficacité accrue par un secrétaire général inexistant, le pâle Ban Ki-moon. Trouver un système qui allie l'objectif démocratique initial des Nations unies, et la coordination économique du G8, tout en tenant compte impérativement de l'émergence de la Société civile internationale: voilà un enjeu mondial de taille, qui dépasse de loin le pathétique sommet de L'Aquila.»(6) (*) Ecole nationale polytechnique 1.Olivier Talles. Face à l'insécurité alimentaire les fonds manquent - La Croix 10 juillet 2009 2.Damien Demailly: Les pays du G8 devraient montrer l'exemple - Le Monde 09.07.09 3.Climat: les résultats du G8 sont insuffisants estime Ban Ki-moon Nouvel Obs.com 10 07 2009 4.Ni G8, ni G20,: http://www.france.attac.org/spip.php?article10177 5.Oscar Ugarteche:''Un ordre où les Etats pauvres financent les déficits des riches ne peut être que précaire'' Propos recueillis par Benito Perez. Le Courrier (Suisse) Le 23-06-2009 6.Pierre Haski: Le G8 patine, il est temps de réinventer le monde - Rue89 | 05/07/2009