Co-écrit avec un de ses fils Braian-Brahim Boulillon-Baker, le documentaire L'autre Joséphine sera présenté en avant-première dimanche à partir de 19h à la salle Cosmos-Alpha. Derrière la nudité de cette sculpturale «Vénus d'ébène», Freda Joséphine McDonald fut une artiste engagée, une militante convaincue et la mère d'une famille multiculturelle. Au fil des années, elle s'est battue pour de nombreuses causes: la gloire tout d'abord, les Noirs et les opprimés ensuite. Ce nouveau film se veut le portrait intimiste d'une femme métissé afro-américaine, un pan peu connu de Joséphine Baker. «Une femme née aux Etats-Unis, l'une des précurseurs d'un changement politique et démocratique», nous affirme-t-on. L'Expression: Tout d'abord, pourquoi Joséphine Baker? Philip Judith-Gozlin: Tout simplement parce que j'en ai toujours entendu parler. Depuis ma tendre enfance. Et puis par mes parents. Je suis originaire de la Guadelupe. J'en ai longuement entendu parler depuis fort longtemps. Mon père emmenait ma mère voir les spectacles de Joséphine Baker à Paris. Il s'est avéré que par le hasard de la vie, quelque temps après j'ai rencontré Brahim-Brayan, un de ses enfants adoptifs. Et puis j'ai appris à mieux connaître la femme. Je m'y suis intéressé et j'ai appris à travers ses frères et soeurs à pouvoir regarder de par notre intimité et amitié, à découvrir un autre pan de sa vie qui était jusque-là peu connu ou alors parfois perçu tout à fait différemment. J'ai voulu un peu plus creuser dans le sens même de la femme, à travers également le regard de ses enfants qui ont grandi et pris de la maturité, compte-tenu que le temps est passé et que Joséphine est une personne universelle qui a oeuvré durant toute sa vie pour que les choses avancent mieux pour le monde entier. C ‘était la première femme noire à être reconnue -ce n'était pas rien- Elle a connu bien des difficultés dans son enfance. Elle est venue en France en 1926, elle était très jeune. C'est une femme qui a eu des étapes dans sa vie très importante, qui ont servi dans la société. Il y a aussi ce côté où elle était un peu en avance sur sa société: c'est pourquoi elle dérangeait. C'est une femme qui a su déranger la société et en même temps faire évoluer le monde. Justement, pourriez-vous nous expliquer votre démarche qui me semble différente de ce qu'on a vu jusque-là, notamment à la télé, sur Joséphine Baker? La femme-objet avec la banane est rarement montrée. Vous préconisez apparemment une autre image de Joséphine Baker, moins stéréotypée... C'était voulu, compte tenu qu'on la voyait dans de nombreux films et il y en aura encore des films et livres qui véhiculeront ce genre d'images. La thématique de la femme-banane, c'est vrai que je n'avais pas trop envie de la traiter. Son parcours artistique on le connaît, de résistante on le sait aussi. J'avais envie de mettre en exergue une autre thématique et d'oublier le côté fastidieux, paillettes, etc, bien que cela fasse partie de sa vie. Mais cela a été mis ô combien en images. Le côté politique est juste effleuré... Le côté politique est une bonne question. Ce côté de femme résistante et engagée; il a été traité au préalable par une autre personne. Aux USA, on le connaît très peu. Cela se découvre maintenant. Il y a des documents du FBI auxquels on n'a pu avoir accès que depuis le centenaire de la naissance de Joséphine qui a lieu en 2006. j'avais envie de dévoiler les documents du FBI mais on ne peut pas le faire en une heure.C'est tout un périple pour qu'on puisse savoir que Joséphine Baker faisait aussi partie des artistes qui militaient et combattaient pour l'universel et qu'elle était également interdit de séjour, donc de voix aux Etats Unis. Elle dérangeait à l'époque avec Aimé Césaire, René Depestre, comme de nombreux intellectuels, écrivains et artistes de toute l'Afrique noire et blanche. Lors du 56e Congrès des intellectuels africains, elle était inscrite sur les listes pour l'ouverture et la démocratie. A partir de ce moment-là, il s'est avéré qu'elle a aussi dérangé car elle était américaine.. Elle est née sur le sol américain. Les USA ont commencé à la regarder de plus près. Il aurait fallu lui consacrer plus d'une heure et demie sur tout ce dossier du FBI qui compte plus de 350 pages, mais ça aurait été un autre projet. Que symbolise pour vous le fait de projeter ce film dans le cadre du Festival panafricain à Alger et l'africanité de Joséphine Baker dans tout cela? Il est abordé dans le film puisque il y a un retour aux sources en Afrique. A ce moment-là, du fait qu'elle a connu les massacres du Ku Klux Klan aux Etats-Unis et arrivant à paris, c'est l'époque des années folles où tous les intellectuels français se penchent sur elle car quelque part, c'est insolite de voir une femme jeune et belle qui révolutionne la société. Et puis, il y a eu ses mariages, sa vie qui se développe en prenant de l'âge en passant par la résistance, même si sa vie artistique continue universellement, là encore plus elle se tourne vers l'Afrique et plus elle porte sur elle un nouveau regard. On peut dire que c'était la Coluche de maintenant. Très jeune, elle était dans les arrondissements du XIXe ou XXe, en tout cas dynamique: elle parcourait toute la France. Quand il fallait intervenir pour donner à manger aux pauvres, elle était là aussi. Elle était aussi la première femme à prendre la parole lors des discours du pasteur Martin Luther King, lors de son fameux «I have a dream», lors de la marche de Washington en 1963...comme il est dit dans votre documentaire. C'est vrai, elle a milité pour la cause noire. Ella a milité aussi pour les pauvres, les opprimés et les Noirs et lorsque j'ai tourné au USA- il me reste quelques rushes, c'était en pleine élection de Barack Obama, le thème était abordé. J'ai encore de nombreux rushes sur Joséphine Baker et la cause noire et son engagement mais à partir de là tout mettre dans un film d'une heure c'est trop. Cela peut faire l'objet d'un autre film sur Joséphine Baker Aussi, j'ai pu retrouver de nombreux documents inédits puisque la direction de l'Unesco m'avait demandé de monter une grande exposition à l'effigie de Joséphine Baker pour le début de son centenaire, suite à cela j'ai d'abord monté une pièce de théâtre, puis l'exposition a fait le tour du monde. Ça se passe toujours très bien. Et là, les enfants Braian et les autres ont aussi découvert des photos de leur maman d'une autre vie. C'était une recherche photographique fastidieuse, très longue qui relate sa vie et son engagement y compris sur l'africanité. C'est un film tout récent. Il a été réalisé en décembre 2008, il y a à peine 5 ou 6 mois. Je me suis dit qu'il fallait le présenter sur une terre africaine. Il sera donc présenté le 19 juillet en avant-première; c'est la raison pour laquelle il a été sectionné pour la clôture du Festival international du cinéma d'Alger et du Panafricain. Dernière chose, on ne peut parler de Joséphine Baker sans faire l'association avec un autre artiste à l'immense talent, récemment décédé, une autre légende celle-là, Michael Jackson qui, aimant tellement les enfants, ira jusqu'à leur construire un ranch, Neverland, tout comme Joséphine qui a pris soin d'adopter 12 enfants à l'époque et de les couver d'amour. Qu'en pensez-vous? C'est vrai que j'ai pensé au décès de Michael Jackson. J'en ai parlé à un enfant. Il me disait qu'il est mort. Je lui ai dit que Joséphine Baker aussi était à l'époque une référence internationale, d'où la raison pour laquelle c'est devenu un mythe. C'est vrai qu'on peut faire le parallèle entre deux personnes internationalement reconnues, qui ont eu une enfance pas toujours évidente, mais en tout cas ils ont laissé leur empreinte dans l'univers. Le point commun c'est ça: tous deux adoraient les enfants.