Ces conserveries couvrant les besoins nationaux à hauteur de 90% en concentré de tomate, sont aujourd'hui menacées de disparaître. Sur les 22 unités implantées à travers le territoire national, 3 seulement sont en timide activité. Pour les 7 implantées dans la wilaya d'El Tarf, 6 d'entres elles sont totalement fermées, hormis une toute petite qui a du mal à démarrer en une période où la campagne est censée battre son plein. Cette situation dramatique qui prévaut dans le secteur de la transformation de la tomate industrielle a créé un malaise aussi bien chez les agriculteurs que chez les transformateurs. Pour les agriculteurs, malgré les mesures incitatives introduites par l'Etat en vue de fouetter l'activité de cette filière, avec 15 DA à l'hectare et une prime de 1,50 DA le kg à la production., la filière n'arrive pas à démarrer. Approchés, les producteurs se désolent du fait qu'ils soient abandonnés à eux-mêmes malgré mille et une démarches restées vaines. Aujourd'hui, les opérateurs du secteur de la transformation de la tomate industrielle interpellent le gouvernement, car ils sont condamnés à disparaître, à défaut du recours à l'importation pour éviter la faillite. Lors d'une rencontre avec les conservateurs de Annaba, ces derniers ont étayé les raisons de cette chape de plomb qui pèse sur leur devenir. Ils expliquent: «Si l'Etat n'intervient pas, le secteur de la transformation de la tomate industrielle est appelé à disparaître définitivement.» En effet, sur un total de 22 conserveries, seules 3 sont en activité au moment où les besoins de l'Algérie sont de l'ordre de 100.000 tonnes de double concentré de tomate. Or, la production nationale n'est que de 40.000 t/ an réalisées difficilement, alors qu'elle pourrait être de plus de 160.000 tonnes avec excédent exportable si toutes les conserveries étaient en activité. En somme, dira un conservateur: «Nous sommes capables de couvrir les besoins nationaux et exporter aux pays voisins et même vers l'Europe, car notre produit est de meilleure qualité, ce qui générera une entrée de devises considérable pour l'Algérie.» Ce n'est pas le cas actuellement, puisque les difficultés entravent les ambitions aussi bien des fellahs que des conservateurs quant à entamer d'ores et déjà leur campagne, pour prétendre à une autosuffisance nationale. Cet état de fait est dû aux fameuses pertes de change et les AGO bancaires, qui les empêchent d'accéder à d'autres crédits pour entamer cette campagne. Autre entrave: le taux des intérêts liés aux crédits d'exploitation qui sont à hauteur de 23 et 24%, auquel s'ajoute l'importation de triple concentré de tomate douteux de Chine et d'ailleurs qui s'apparente à une véritable concurrence déloyale, sans pour autant oublier de parler du rôle négatif des banques, qui n'ont pas accordé de crédits de campagne comme ce fut la coutume. Pour leur part, les fellahs ont évoqué la campagne de 2005, où ils ont été contraints de jeter toute leur récolte du côté de l'aéroport Rabah-Bitat de Annaba, faute de preneur. Pour mémoire, de la situation à cette époque (2005), expliquent les fellahs, «c'était le prix au producteur qui était insuffisant. Aujourd'hui, l'Etat soutenant le prix avec une subvention aux producteurs et aux conservateurs, ce sont ces derniers qui se retrouvent défaillants et risquent même de mettre la clé sous le paillasson, faute de ne pouvoir acquérir le produit». Pour cela, estiment les uns et les autres, (fellahs et conservateurs) que l'intervention en urgence des hauts responsables de l'Etat est plus qu'urgente, pour venir en aide à un secteur en péril, en demandant l'effacement de la dette résultant des pertes de change comme cela a été opéré avec les entreprises publiques, sinon sur la base d'un rééchelonnement. L'un des conservateurs, dont l'investissement initial était de 2,6 milliards de centimes en 1991, aurait réglé cette somme au moins dix fois depuis cette date, malheureusement, l'intéressé croule encore sous le poids de cette dette. Dans un autre sillage, les conservateurs, soucieux de l'avenir de cette filière, s'inquiètent aussi pour le secteur agricole, notamment en ce qui concerne la production de la tomate industrielle qui, tournant à pleine vitesse, employait 140.000 personnes, permettant à des milliers de familles de vivre plus ou moins au-dessus du seuil de la pauvreté, Mais, avec la disparition de cette filière, ces 140.000 personnes vont accentuer la courbe du chômage dans les wilayas de Annaba et d'El Tarf, sans pour autant oublier ceux travaillant dans le même secteur au niveau des wilayas de Skikda et Guelma, rencontrant eux aussi les mêmes difficultés. Rappelons que la facture alimentaire se chiffre à 40 milliards de dollars et que sa réduction est impérative, de par un développement de la production nationale pour assurer la sécurité alimentaire. Dans ce sillage, on notera que le sujet a été soulevé lors du G8 tenu en Italie, il y a de cela une semaine. Pour l'heure, le secteur de la tomate industrielle est en péril, et la balle est dans le camp de l'Etat, dont l'intervention est plus que souhaitable. Quant à la compréhension des banques, elle est de mise pour insuffler une dynamique nécessaire à un secteur appelé éventuellement à disparaître.