Le spectacle a permis au public d'apprécier une écriture scénographique mêlant musique, danse, aux messages de l'histoire du continent. Le 2e Festival culturel panafricain d'Alger a pris fin officiellement lundi soir par un spectacle à la salle Atlas, intitulé Mama Africa en hommage à la regrettée chanteuse sud-africaine Myriam Makeba. Conçu par Farid Aouameur sur des danses chorégraphiques de Sofiane Abou Legraâ (meilleur danseur masculin au Festival international de danse Movimentos 2009), le spectacle décliné en plusieurs tableaux a mis en exergue l'importance de connaître notre histoire tout en exhortant les pays africains à s'unir pour la sauvegarde de notre patrimoine commun, cette culture séculaire de notre terre-mère. Le spectacle composé, techniquement, de plusieurs écrans en haut et en large, a permis au public d'apprécier une écriture scénographique mêlant musique, danse, aux messages hautement philosophiques et stratégiques pour l'histoire du continent. Le spectacle s'ouvre sur des images des défilés de la parade de 1969 puis ce «Mais...que veut dire un festival?». Lire la réponse de Farid Aouameur: «En 1969, les leaders disaient que la révolution est un acte culturel, moi je dis aujourd'hui que la culture en 2009 est un acte révolutionnaire.» Apparaissent des figures humaines noires déclinées façon «morphing» à la Black or White de Michael Jackson. Arrive le grand artiste malien Ckeikh Tidiane Sek. Entrée en scène d'un groupe danseurs contemporains tout de blanc vêtus symbolisant l'eau, l'oxygène. Le bruit de l'eau est omniprésent comme ces gouttelettes projetées en haut et celles qui descendent en filigrane sur les panneaux. La transe raconte le manque, cette carence en eau si chère à la terre africaine. Durant une heure et demie, le spectacle regroupera 17 artistes dont 4 professionnels venus de France qui mettront des synergies folles à produire des mouvements de danses sur différents genres et styles musicaux qui caractérisent le continent africain ainsi que sur des rythmes puisés du jazz. D'ailleurs beau tableau que celui-ci. Plusieurs instruments de musique traditionnels étaient présents, comme le gumbri, karkabo, la kora, l'Imzad mais aussi toutes sortes de percussion, dont les sons ancestraux ont accompagné les corps souples des danseurs. Cheikh Tidiane Sek - à qui Farid Aouameur a voulu rendre hommage - fera aussi une démonstration sur son clavier, lui qui est influencé par le claviériste américain Jimmy Smith auquel il empruntera le phrasé jazz-funk, il réussira à la fin des années 1970 à mettre au point une technique de jeu typiquement mandingue dont il nous restituera un court aperçu ce soir. Autre son typiquement africain auquel nous avons eu droit, est le balafon qui nous entraînera en pleine Afrique occidentale avec grâce, entre soleil et sable. Ciel et terre. Plusieurs thèmes sont abordés par les tableaux chorégraphiques notamment relatifs à la mémoire, l'exil, le combat, l'esclavage, la libération, l'histoire et sa réhabilitation. Ceux-ci sont suggérés par des danses contemporaines dans un décor marqué par des techniques audiovisuelles modernes qui plongeront les spectateurs dans une sorte de planète étoilée, gravée de signes ancestraux. Le passé affronte le présent aussi et invite l'avenir à la réflexion, la médiation et à la marche de l'histoire, celle de l'Afrique, y compris celle de l'Algérie. La musique fuse, Djelloul Melga de Alhane oua Chebab chante Kilimanjaro en duo avec Amine Dahane alors que les choristes remplissent de part et d'autre la scène dans un patchwork intimiste animé, de chant, de musique et de communion artistique et humaine. Le tam-tam de l'Afrique résonne tout comme la kora de Ahmed Fofana ou encore le ney de Mazouni. Les sonorités de la musique africaine dans tous ses états, s'entrechoquent, s'épousent en parfaite cohésion. L'Imzad, cet instrument propre à la femme targuie, trône au fond de la salle puissamment grâcieux et précieux. Arrive un Noir mettant en exergue sa tentative rébellion pour se libérer du joug de l'esclavage. Alors que des choristes en tenues noir et blanc arrivent sur scène, défilent sur nos têtes les noms de Bill Hamani, Malek Immache, (des artistes algériens qui ont connu le 1er Panaf) sur des images de la diva Myriam Makéba. Des hommages sans doute pas très appuyés. Les gens les ont-ils remarqués? Un moment de ravissement est ce morceau Maleika de Myriam Makéba interprété en duo par une inconnue, Iness d'Oran et le Camerounais Blik Bassy à la voix divinement tendre et chaude qui a rehaussé superbement le spectacle par ses nombreuses chansons. Un vrai coup de coeur de Farid Aouameur. On comprend pourquoi. La griotte, l'âme de l'Afrique est invoqué à travers ce vieux qui déambule sur scène, notre ancêtre. puis c'est Myriam Makéba qu'on entend dire: «Je ne chante pas la politique, je chante la vérité.» Des images d'elle à la salle Atlas un 5 juillet 1972 sont aussi rappelées à la mémoire de ceux qui étaient présents à cette époque. D'autres hommages sont rendus à Mustapha Toumi, Lamine Bachichi ex- minstre de la Culture et Boudjemia Merzak. Le spectacle est marqué par un duo virtuel entre Myriam Makeba et la chanteuse en herbe, Meriem Lazali, ancienne élève de la première édition de l'émission Alhane oua Chabab qui interprétera Africa et d'autres titres en compagnie de l'ensemble des choristes, comme la fameuse Ana Hora (Je suis libre) et Pata Pata pour clore le spectacle, avec l'arrivée de tous les musiciens et des artisans de cette fresque chorégraphique. Comme dans un grand défilé de mode! Pas aussi génial certes que celui de Kamel Ouali mais tout de même intéressant. Côté chorégraphies, on notera un sans-faute. Un bémol cependant a enregistrer au niveau des costumes et surtout au manque scandaleux de filles parmi les danseurs. Le toit de l'Atlas ne devait-il pas s'ouvrir comme prévu au début? Le mariage réussi karbaou techno est un beau mélange qui intègre les sonorités de là-bas pour les incorporer de façon détournée dans un esprit de transe nouveau, moderne. Ainsi s'est terminé en fête le 2e Festival culturel panafricain d'Alger, qui a débuté le 5 juillet, et a permis à l'Algérie et au peuple algérien de vibrer, pendant 15 jours, au rythme de la culture africaine dans toute sa diversité. Une manifestation culturelle continentale, placée sous le signe de «L'Afrique du renouveau et de la renaissance» qui a permis donc de vulgariser la culture et le patrimoine africains dans différents domaines et de consolider les liens d'amitié et de fraternité entre les peules africains. Ce genre de spectacles, qualifié de «remarquable création» par la ministre de la Culture Khalida Toumi, a démontré, selon elle, que «la jeunesse algérienne et africaine d'une manière générale est attachée à son patrimoine culturel ainsi qu'à son authenticité tout en étant ouverte à la modernité et aux technologies».