La décision de procéder à la fabrication de véhicules en Algérie pose plus de questions qu'elle n'en résout. Le ministre de l'Industrie, Hamid Temmar, ne cesse de mener en bateau, pardon, en voiture les Algériens. Sa dernière annonce de signer avant la fin de l'année, un contrat pour la production de véhicules laisse perplexe. L'on se rappelle qu'au début des années 60, il a été fait grand bruit autour du prototype d'un véhicule made in Algéria dont la maquette ´´Mina´´ a été présentée en une du journal Alger Ce Soir. D'abord, le contexte mondial ne semble pas du tout favorable à ce genre d'initiatives. Et pour cause. Même les géants du secteur comme Porsche et Général Motors n'arrivent pas à voir le bout du tunnel devant la baisse du chiffre des ventes. Il y a lieu alors de se poser la question de la disponibilité d'un marché pour les futurs véhicules algériens. L'acquisition d'un quart de million d'unités annuellement pour satisfaire le marché national ne peut pas être un débouché suffisant pour un constructeur automobile qui se respecte. Ceci l'obligerait fatalement à rechercher un moyen d'exporter ce produit, mais les marques déjà établies ont du mal à écouler les unités fabriquées et la tâche sera plus ardue pour de nouveaux arrivants. Même si ce projet arrivait à son terme, il restera toujours que la question du prix va se poser. La Chine, la Corée et l'Inde ne cessent de revoir leurs coûts à la baisse de manière à gagner le concours du véhicule le moins cher. En Algérie et en l'absence d'un tissu de sous-traitants, il n'est pas exclu qu'un grand nombre de composants soient importés. Dans ce cas, il y a de fortes chances que le produit assemblé soit cédé à un prix très élevé ne pouvant même pas concurrencer les véhicules importés par des concessionnaires. Pourtant, jusqu'à présent le ministre insiste dans sa déclaration sur le fait qu'il y aura bel et bien la fabrication d'un véhicule et non un simple montage, sans aucune explication sur les modalités pratiques conduisant à traduire dans les faits cette volonté. En tout cas, la voiture algérienne a tout d'une arlésienne. Elle se fait attendre depuis des années. Tiaret devait abriter la première usine de fabrication de véhicules de tourisme grâce à une initiative de Fiat mais l'attente a été longue sans que le projet voie le jour pour autant. Le fait de ressusciter le projet n'est certainement pas dénuée d'arrière-pensées. Est-ce une manière de faire oublier les échecs répétés de la politique de privatisation menée par Temmar depuis 10 années? Est-ce une manière de répondre à la critique du Premier ministre, Ahmed Ouyahia, selon laquelle la stratégie industrielle de Temmar ne dépasse pas une simple opération de communication? Le ministre n'a pas choisi la facilité pour reprendre l'initiative au risque, encore une fois, de décevoir. Il a certes choisi un secteur hautement symbolique pour signifier qu'il est capable de traduire en actes ses idées sur l'industrialisation du pays, mais tout reste à faire dans ce domaine de la construction automobile. Même les groupes les plus expérimentés n'ont pas osé franchir le pas et venir s'installer en Algérie. Mais, avant de se lancer dans cette industrie, il y a au moins une étude technico-économique minutieuse à conclure. Est-ce que cette démarche est déjà effectuée pour le projet annoncé? Rien n'est venu dissiper les doutes sur cette question. Même si ces détails techniques étaient réglés, il restera toujours le problème des ressources humaines qui risque de se poser. La main-d'oeuvre qualifiée pour ce genre d'industrie n'est pas disponible en Algérie, car c'est un domaine nouveau et hautement technologique. Dans un pays où le stockage de la production de la pomme de terre est encore problématique, il sera vraiment ardu de gérer un secteur où même les pionniers n'ont pas pu tirer leur épingle du jeu à l'ombre de la crise mondiale. La mission est également hasardeuse et a tout d'une gageure. Jusqu'à présent, le ministre de l'Industrie et de la Promotion des investissements a non seulement été dans l'incapacité d'attirer des investissements étrangers mais il les a fait fuir. Le projet de fabrication de véhicules ne devrait pas échapper à la règle selon laquelle des annonces tonitruantes sont claironnées régulièrement sans que rien de concret ne suive derrière. Ce ne sont pas les dérapages qui manquent lorsqu'un pays veut se lancer dans une aventure où les concurrents nous prennent de vitesse aisément. Dans cette histoire, même le ministre n'est pas à l'abri d'un dérapage.