C'est le cadeau laissé aux classes moyennes algériennes par le gouvernement avant son départ en vacances. Dès l'annonce de cette nouvelle mesure, les commentaires sont allés bon train pour qu'elle soit qualifiée d'impopulaire. Elle est tombée comme une épée de Damoclès. Elle n'a fait l'objet d'aucun débat. L'incompréhension règne. Les catégories sociales les plus laborieuses se sentent lésées. Cette disposition de la loi de finances complémentaire publiée dans le Journal Officiel le 26 juillet et adoptée le 22 juillet 2009 a mis en émoi les différents opérateurs concernés, en l'occurrence les établissements bancaires et, bien entendu, leurs clients potentiels. L'article 75 de cette décision qui fait, d'ores et déjà, l'objet d'une sévère controverse stipule que «les banques ne sont autorisées à accorder des crédits aux particuliers que dans le cadre des crédits immobiliers.» Une mesure aussi inattendue que surprenante, tant elle intervient dans un climat de morosité économique qui souffre d'absence d'arguments convaincants quant à sa mise en oeuvre. Placée dans une logique de théorie d'économie de marché, elle donne l'impression d'être inadéquate. L'Algérie a-t-elle foncé trop rapidement et tête baissée en optant pour une gestion économique de type libéral? Tout se passe en effet comme s'il fallait réagir au coup par coup et pratiquement tous azimuts pour colmater des brèches qui ont surtout pour fonction de mettre en exergue la difficile transition d'une économie nationale planifiée vers une économie de marché imposée par la mondialisation et à laquelle elle semble y avoir été mal préparée. Les exemples qui renforceraient cette thèse ne manquent pas. Les produits de consommation de première nécessité ont flambé au même titre que ceux des fruits et légumes et des viandes (poulet, poisson...). La spéculation fait rage et pointe de nouveau le bout de son nez à moins de trois semaines du début du mois sacré de Ramadhan. La crise est cyclique et le répit de courte durée. Aucun dispositif de contrôle n'est parvenu à la juguler. Aucun système de régulation des prix n'a répondu de manière efficace à ce phénomène qui a érodé de façon systématique le pouvoir d'achat des foyers les plus vulnérables. Sur un autre registre, la corruption, la bureaucratie et les scandales financiers résistent et retardent de façon redoutable l'instauration tant espérée d'une bonne gouvernance pérenne. Par ailleurs, la modernisation du système bancaire tarde à voir le jour. Le système financier algérien est déconnecté du système financier international. L'absence d'une place boursière digne de ce nom handicape les investissements et les capitaux nécessaires au développement d'une économie encore fortement tributaire des exportations en hydrocarbures. Dans un tel contexte, l'Algérie avait-elle besoin d'instaurer une mesure de ce type qui, en théorie, tendrait à pénaliser la consommation et la création d'emplois. A priori, elle fera la part belle à cette classe émergente de nouveaux riches dont les moyens leur permettent de satisfaire l'acquisition de biens sans avoir recours aux prêts bancaires. Ce que les classes moyennes ne peuvent éviter si elles ambitionnent d'accéder à ce même type de confort. Le crédit à la consommation accordé par les banques sert à financer des biens et services que désirent acquérir les particuliers, en général des biens durables, par exemple l'automobile ou les appareils électroménagers (réfrigérateurs, gazinières...). Dans les sociétés développées, ce concept mis à la disposition des ménages et des classes laborieuses, s'avère très efficace pour le soutien de la croissance de l'économie nationale et de la politique de l'emploi. Il a pour rôle, entre autres, de réduire les écarts entre les catégories sociales en leur permettant ainsi d'accéder à un certain confort. Sa suppression pourrait être vécue comme une consécration d'une société à deux vitesses. Ce qui irait à l'encontre des mises en garde du Président de la République, Abdelaziz Bouteflika qui fait de la justice sociale son principal cheval de bataille.