La Mauritanie, qui n'avait jamais connu d'attentat suicide jusqu'à ce jour, est la cible depuis deux ans d'attaques terroristes. La capitale mauritanienne, Nouakchott, a été le théâtre, samedi soir, d'un attentat kamikaze. Un attentat spectaculaire, et dont le temps et le lieu, ouvrent une énorme grille de lecture aux spécialistes de la question sécuritaire au Grand Maghreb. Le kamikaze mauritanien, selon les premiers témoignages, a fait exploser sa ceinture bourrée de dynamite à proximité de l'ambassade de France à Nouakchott. Deux Français, deux gendarmes affectés à la sécurité de l'enceinte diplomatique et qui revenaient d'une séance de sport, ont été légèrement blessés par des éclats et par le souffle de l'explosion. Une Mauritanienne a également été traitée brièvement aux urgences. Mme Salka Mint Cheikh a affirmé que le kamikaze, de teint noir, s'est approché des ressortissant français avant de crier «Allahou Akbar» et d'actionner son engin. Selon des sources, la police a découvert sur les traces de l'explosion du kamikaze, en face de l'Ecole nationale d'administration (ENA), non loin de l'ambassade de France, une carte d'identité établie au nom de Hamdi Ould Vih El barka, âgé de 22 ans, natif de Arafat (Nouakchott), originaire de la province du Brakna située à plus de 300 km de Nouakchott, sur la Route de l'espoir, avec une somme d'argent en Ouguiya (monnaie nationale mauritanienne). Le kamikaze serait déjà recherché et répertorié comme étant un élément dangereux par les services de lutte antiterroriste de la Sûreté mauritanienne. Il faut noter que l'attentat kamikaze de samedi soir marque un tournant décisif dans le mode opératoire des groupuscules terroristes qui sévissent dans le pays depuis 2005. Selon des sources hospitalières, les deux fonctionnaires de la chancellerie s'en sont sortis avec des blessures légères. Mais dans la logique terroriste, ce ne sont que des dégâts collatéraux. Le message adressé à l'Elysée par les commanditaires de cette première attaque kamikaze en Mauritanie n'a pas besoin d'être décodé. Il signifie tout simplement qu'Al Qaîda au Maghreb islamique a déjà choisi son camp. C'est celui de certains hauts gradés déchus ou en voie de l'être qui accusent Paris de soutenir clandestinement l'ex-général putschiste, élu le 16 juillet. Cet attentat kamikaze, condamné par Paris et qui a déjà ouvert une enquête, intervient trois jours seulement après la cérémonie d'investiture du général Mohamed Ould Abdelaziz, même si le secrétaire d'Etat français à la Coopération, Alain Joyandet, a déclaré qu'«on ne peut pas ne pas faire le rapprochement entre cet acte et l'actualité à l'occasion de l'investiture du président». Et de souligner, «je crois que l'attentat est surtout en relation avec l'élection du président Mohamed Ould Abdelaziz qui a indiqué qu'il était déterminé à s'attaquer à Al Qaîda». «Evidemment la France s'est réjouie de cette position, donc, dire que la France est visée, on ne peut pas dire le contraire.» Certes, cet attentat porte la griffe du mouvement djihadiste, mais il ne doit pas occulter la féroce lutte de clans qui fait actuellement rage en Mauritanie, maillon faible de la chaîne maghrébine. Au quai d'Orsay, on est déjà à pied d'oeuvre pour démêler l'écheveau de ce sentiment antifrançais qu'Al Qaîda veut récupérer. Il ne faut pas oublier qu'en Mauritanie, les véritables enjeux s'appellent pétrole, phosphate et autres richesses naturelles en plus de la situation stratégique, à la limite du Sahara, de l'Algérie et du Maroc! Dans ce scénario déstabilisateur, Al Qaîda apparaît comme la branche armée d'une grande «querelle» de chefs de guerre, observée de très près par les services de renseignements occidentaux. L'attentat kamikaze qui intervient environ six semaines après l'assassinat d'un humaniste américain fait aujourd'hui craindre le pire pour un pays et surtout à un pouvoir qui n'a pas hésité à servir de dépotoir aux déchets nucléaires israéliens en contrepartie de quelques dividendes sonnants et trébuchants... En perpétrant un attentat kamikaze en Mauritanie, le premier du genre, Al Qaîda veut transférer ses activités vers d'autres pays du Maghreb, plus proche du Sahel là où les enjeux de la circulation d'armes et de l'argent sale se côtoient.