Est-ce une question qui fâche? La poser ce n'est pas y répondre forcément soi-même. Que voulez-vous au juste savoir? Les livres importés sont les mieux vendus. Et à des prix hors du contenu du porte-monnaie même du citoyen, dit-on, dit plutôt «le petit futé» qui court les marchés à longueur de temps pour acheter, ici ou là ou là-bas, moins cher. Des livres édités chez nous éprouvent une concurrence incompréhensible, déroutante. Qu'est-ce qu'un livre qui coûte X dinars a de plus ou de moins qu'un autre qui coûte X et Un dinars? Ce n'est pas compliqué à expliquer et pas du tout à comprendre. Le livre importé coûte plus cher, - mais on sort le billet de mille dinars, sans regret. Eh oui! il est importé; il vient de loin. Le même livre, même auteur, même titre, même contenu, coûte X dinars. Et on le boude chez nous! Si le manuscrit fait un petit tour sur l'autre rive de la Méditerranée et qu'il soit publié, il nous revient exactement le même: même auteur, même titre, même contenu; il coûte X+1 dinars. Ça se comprend, il est importé. Le futé dont je vous parle a compris la simplicité de l'opération: publier ailleurs et vendre ici. C'est presque exporter...pour importer. Quelle joie de pouvoir exporter nos livres et les faire lire par d'autres que nous! Comme autrefois, et il n'y a pas encore un demi-siècle dans d'autres domaines, maintenant des coopérants chez eux achètent nos livres et lisent pour nous. Ça c'est intelligent ou ça ne l'est pas! Mais comme, de cette rive-ci de la Méditerranée, il y a encore quelques-uns qui lisent et qui prennent le temps de lire... AIT MENGUELLET CHANTE...de Tassadit Yacine (Editions Alpha, Alger, 2008, 517 pages): Le travail de Tassadit Yacine nous propose plutôt un panorama des oeuvres (poésie ou chant?) de celui qui ne cesse d'être obsédé par ce qu'il entend sourdre au plus profond de lui-même: un rêve que sa conscience ressasse comme la seule image vibrante de vérité, une vie première en imagination. Mais c'est plutôt un rêve éveillé où le passé, le présent, l'avenir ne sont plus uniquement le sien: «Jai rêvé que j'étais dans mon pays / Au réveil, je me suis trouvé en exil.» La Voix - sa voix, sa parole, son existence, allumée du feu d'un espoir têtu, pérennise l'enracinement du poète dans son lointain passé - est bouleversante de patience; elle lui commande: «Dors, dors, on a le temps, tu n'as pas la parole!» C'est cette prédisposition à la poésie chantée très particulière de Lounis Aït Menguellet, qui donne une grande présence au poète, interprète et compositeur. Il est de ceux que l'on distingue à la seule syllabe prononcée et qui se développe en musique. [...] J'aimerais ajouter cette petite précision qui occupe une place de choix dans la poésie de Lounis Aït Menguellet, c'est qu'il s'exprime par allusions, par autant de paraboles aussi. Il suffit de lire dans le magnifique florilège d'images poétiques que l'on trouve aisément dans les chansons de Aït Menguellet et que Tassadit Yacine a recueillies admirablement et dans l'original et dans la traduction française. Et j'ai un souhait: vivement que ce patrimoine populaire transcrit en caractères latins, traduit en français, soit également traduit en toutes lettres en langue arabe. Terminons par ce distique aphoristique extrait du poème L'Abeille: Yekcem weårez? taãrast La guêpe est entrée dans la ruche La teþru tzizwit mi tr?uh? Que l'abeille a quittée en pleurant. DE IOL À CÆSAREA À... CHERCHELL de Kamel Bouchama (Volume cartonné, photos en couleurs, Editions Mille-Feuilles, Alger, 2008, 409 pages): Kamel Bouchama n'est certes pas historien et il avise qu'il «n'a pas cette prétention». [...] Pourtant avec ce livre, si près de Cherchell dans les méandres de son Histoire, écrit et réécrit, à sa façon, c'est-à-dire en puisant dans les sources humaines de la cité des Rois berbères, le passé identitaire, chez Kamel Bouchama, est incontestablement présent. Quelle belle chose que de raconter l'histoire de sa ville dans une sorte de vie antérieure, rappelée et construite par une volonté inexorable afin «d'ouvrir les yeux sur la richesse culturelle, sociale et historique de cette contrée»! Quand l'histoire de notre pays est ignorée, et plus grave, oubliée ou dénaturée, et que seuls quelques rares historiens algériens ont courageusement tenté, malgré l'ampleur de la tâche, souvent difficile et souvent contrariée, de remonter aux sources de notre identité, il faut se réjouir de ce que quelques hommes de culture, apportant la caution de leur probité et de leur érudition, s'essaient à la recherche des faits essentiels et des dates indispensables de notre passé national. Un récit simple et concret, un témoignage sur notre vie nationale, une évocation frappante de la vie des Algériens à telle période de notre histoire, peuvent faire ressurgir, comme un enseignement de grande valeur pédagogique, l'aventure humaine de nos ancêtres.