Tel un couperet, la nouvelle est tombée sur Béjaïa, en ce début du mois de juillet. Ammi Idir, directeur de Soummam Tour, le doyen du tourisme dans la région, a été retrouvé pendu dans son bureau. Comme une traînée de poudre, la nouvelle fera le tour de la ville. Sidérés, les Béjaouis ne savaient que croire...ni qui croire! Chemin faisant, la rumeur coiffait toutes les hypothèses. Ammi Idir était connu et estimé de tous. Ses nombreuses activités artistiques et touristiques ne laissaient personne indifférent. Ses voyages organisés et ses traditionnels déplacements au Sud pour les festivals de Tafsit et de l'Assihar, auguraient d'une nouvelle ère touristique Nord-Sud, d'autant plus qu'une khaïma typique et originale était dressée, chaque année, et en pleine saison estivale, dans la grande cour de Soummam Tour. «Vous ne pouvez pas aller vers le Sud, c'est le Sud qui vient à vous», clamait Ammi Idir à ses invités et visiteurs. En effet, quelque part, sous cette khaïma, où le thé est offert par de véritables Targuis, le Sud séculaire et majestueux, se fait découvrir... Au camp de Saket, lancé, il y a quelques années, Ammi Idir avait pour slogan «El-rahma oua el-horma», une anagramme qui en dit long sur la volonté et le sérieux d'un homme qui voulait faire de Béjaïa, une région touristique par excellence. Il y a quelques mois, Ammi Idir, dans un sourire, nous avouait son intention de vouloir aller plus loin. «Il est temps de faire les choses sérieusement. Nos familles ne savent plus sortir, ni s'amuser, ni passer d'agréables moments auprès des leurs...Je pense qu'on devrait penser au lancement d'autres camps familiaux à travers le littoral, où l'esprit de proximité devrait régner...» Notons qu'au camp de Saket, Ammi Idir n'offrait ses services qu'aux familles dignes de ce nom. Les solitaires et les célibataires ne sont pas de mise. «C'est pas que j'interdise aux célibataires de s'amuser...non...loin de là...mais je veux voir des familles entières dans mon camp, c'est plus sain...et pour le corps et pour l'esprit...» Ammi Idir voulait en vérité, renouer avec nos bonnes habitudes ancestrales. Des familles, qui se sont connues dans son camp, revenaient, chaque année, à la même période pour se retrouver...Plusieurs d'entre elles s'invitaient mutuellement, et cela faisait réellement plaisir... Hors du camp de Saket, de ses voyages et de ses agences à Béjaïa et à Djanet, Ammi Idir est un fervent des activités culturelles. «C'est dur ma fille de vivre en ignorant l'art et la culture...et la réussite est un gage qui n'est pas à la portée de tous...le succès aussi est une bataille qu'il faut savoir gagner,» ne cessait-il de nous répéter tout au début des années 90, alors que nous étions encore inexpérimentés et faisions nos premiers pas dans les dédales de la presse indépendante...Nous nous rappellerons toujours ce premier journal régional, que nous avons lancé à l'époque à Béjaïa, et dans lequel Ammi Idir a contribué par ses propositions de jeux et de concours...Ses encouragements n'étaient pas vains. Ailleurs, sur les planches du TRB pour Massa el-kheir takafa, et sur les planches de la maison de la culture, lors de son inauguration en août 1995, Ammi Idir a tenu formellement à se présenter en burnous, symbole d'honneur et de nif, et ce, sous une chaleur caniculaire qui avoisinait les 40° à l'ombre. Nous le revoyons suffocant et suant, mais heureux d'avoir supporter l'épreuve, lors d'un discours officiel d'ouverture. Défilés de mode, gala artistique, passage à Radio Soummam...puis à la télé où il sera invité, lors de plusieurs émissions ayant pour thème le tourisme... Ammi Idir était tout simplement cette figure emblématique dont se targuait Béjaïa, qui perd en lui, et encore une fois, un de ses meilleurs enfants. Adieu Ammi Idir, le tourisme et Béjaïa se souviendront de toi...