Les prix des viandes rouges ont augmenté de près de 40%, ce qui a amené les Jordaniens à lancer une campagne de boycott de ce produit. «El wakhda fi wast er'djal fardja». Ce dicton tiré du génie populaire veut dire à peu près ceci dans la langue de Molière: on se délecte bien de notre malheur collectif. La flambée des prix des fruits, des légumes, des viandes et autres produits de consommation n'est pas spécifique à l'Algérie durant le Ramadhan, c'est un phénomène social qui caractérise les pays arabes en ce mois de piété et de consommation par excellence. Un tour d'horizon dans certains de ces pays montre bien que si les Arabes, fidèles à eux-mêmes, ne se sont jamais entendus sur le début et la fin du Ramadhan, en revanche, il s'entendent par la flambée des prix. En Tunisie, en Egypte, au Maroc, en Jordanie et en Algérie, c'est le même scénario: il y a le feu aux prix et la saignée est d'autant plus grave que les occasions de grandes dépenses coïncident toutes avec la même période: le Ramadhan, les vacances et la rentrée scolaire. En Jordanie, où 14% de la population est pauvre, les prix des produits de large consommation ont doublé en l'espace de quelques jours. Ceux des viandes rouges ont augmenté de près de 40% ce qui a amené les associations de défense du consommateur à lancer une campagne de boycott de ce produit, laquelle a commencé samedi dernier. Dans une étude publiée par les autorités jordaniennes cette semaine, il y est dit que les prix allaient baisser de 30% et que le gouvernement veillera au contrôle du marché et à la disponibilité des produits. Rien n'y fit puisque la loi du marché s'est imposée, n'en déplaise au roi. Pour rester dans les royaumes, le voisin marocain n'échappe pas à cet étrange unanimisme arabe des prix. A quelques jours du Ramadhan, la flambée des prix de certains produits a atteint des proportions jamais égalées atteignant les 150%. La pomme de terre est passée de 2 à 5 dirhams et la tomate caracole à 6 dirhams alors que son prix il y a quelques mois ne dépassait pas 1,5 dirham. Cette flambée n'est pas due à la rareté des produits mais à la dérégulation du marché. Le Maroc a injecté 131.000 tonnes de pomme de terre sur le marché, 31.000 tonnes de viandes rouges et 40.000 tonnes de viandes blanches sans pour autant arriver à faire fléchir les prix. Il faut noter également que le Maroc est exportateur de tomate mais quand la spéculation s'en mêle, le marché chavire. A son tour, le gouvernement marocain a assuré la disponibilité des produits, appelé au contrôle rigoureux et promis de sévères sanctions contre les spéculateurs. En Tunisie, c'est carrément un état d'alerte des autorités qui se sont mobilisées pour garantir l'approvisionnement des marchés en produits de base et surtout stabiliser les prix. Les intervenants dans les préparatifs du mois de Ramadhan sont nombreux incluant notamment l'Organisation de défense du consommateur, qui a fait paraître un dépliant de sensibilisation dans lequel elle propose un certain nombre de conseils et de recommandations au consommateur dans le but de l'aider à mieux se comporter au cours du mois saint. En matière de légumes verts, 3400 hectares de légumes verts ont été semés. Les stocks de réserves de pomme de terre ont atteint 45.000 tonnes, outre l'importation de 10.000 autres tonnes. La consommation moyenne de ce produit atteint durant le mois de Ramadhan 23.000 tonnes. De même que 2000 tonnes de dattes ont été stockées depuis l'année dernière. Pour les viandes blanches, outre les stocks habituels, une production d'environ 14.200 tonnes de poulet de chair, a été programmée outre une production prévue de 3300 tonnes de dindes et 141 millions d'oeufs par mois. Avec une pareille mobilisation, la fièvre des prix qui gagne du terrain fait trembler le simple citoyen tunisien. Avec moins d'organisation, c'est l'anarchie totale des prix en Egypte où les prix des produits de base ont doublé et parfois triplé en une semaine sous le regard des autorités complètement dépassées. Que dire alors de l'Algérie où la responsabilité du contrôle du marché est complètement diluée. Que vient faire le ministère de l'Agriculture dans le contrôle des prix? Pourquoi c'est lui qui stocke et qui déstocke? Son rôle ne se limite-t-il pas à assurer la disponibilité des produits? Mais comme nous ne sommes pas le seul pays à vivre cette situation, alors rions plutôt de notre malheur collectif.