Ses amis dénoncent l'oubli dont l'ont entouré les personnalités politiques et nationales. Vendredi 21 août. Cimetière d'El Alia. Il est 11h00. Près du carré où a été enterré feu Kasdi Merbah, un groupe d'une dizaine de femmes voilées venues se recueillir sur la tombe de celui qui fut chef de gouvernement et patron de la sécurité militaire. Aucun hommage officiel, cependant. Vers l'après-midi, quelques vieux compagnons du défunt, entre autres, le doyen des ambassadeurs algériens Saleh Ben Qobi, l'ancien ministre de l'Intérieur Hadj Yala, l'expert en économie, Abdelmalek Serraï. Il y a eu également la présence de certaines figures du Majd (Mouvement algérien pour la justice et le développement), un parti qu'il a fondé avec l'ouverture démocratique en 1990. Cependant, de nombreuses personnalités politiques, diplomatiques et responsables des différentes organisations invitées à participer à cet hommage n'ont pas jugé utile d'y prendre part. «Tous ceux-là ont décliné l'invitation. Tout de même, pour une personnalité ayant incarné l'Etat algérien, un petit déplacement ne pourrait que lui témoigner un peu de son mérite», a déploré un ami de feu Kasdi Merbah. A ce moment-là, un autre ami du défunt intervient pour fustiger les autorités publiques. «Certaines personnalités évitent de participer à l'hommage rendu chaque année à El Alia en la mémoire de feu Si Khalef. Elles craignent pour leurs postes. Depuis seize ans, ils n'ont jamais daigné participer à cette commémoration», a-t-il déploré en ajoutant, une lueur d'espoir dans les yeux: «Nous ne perdons pas l'espoir de voir les générations futures se réapproprier l'histoire et le combat de celui qui fut un symbole de l'intelligence de l'Etat algérien.» Kasdi Merbah, de son vrai nom Khalef Abdellah, est né le 16 avril 1938 à Beni Yenni en Kabylie. Après ses études de droit, il devient membre du FLN et participe à la guerre d'indépendance dès son déclenchement le 1er novembre 1954. Il assiste aux négociations d'Evian en 1962 en qualité d'expert militaire de la délégation du FLN. Après l'indépendance du pays, il dirige, de 1965 à 1979, les services de renseignements connus à l'époque sous le nom de la SM (Sécurité militaire), ce qui lui vaut la réputation d'homme le plus renseigné du régime algérien. Après le décès du président Houari Boumediene et la venue de Chadli Bendjedid, il est élu au Bureau politique du FLN puis désigné secrétaire général du ministère de la Défense. Il occupe divers postes ministériels: vice-ministre de la Défense (1980-1982), ministre de l'Industrie lourde (1982-1984), ministre de l'Agriculture (1984-1988) puis ministre de la Santé. Chadli Benjedid le nomme chef du gouvernement après les émeutes du 5 octobre 1988. Il occupe ce poste du 5 novembre 1988 au 9 septembre 1989. En désaccord avec la politique du président Chadli, il démissionne et crée son propre parti politique le MAJD, (Mouvement algérien pour la justice et le développement). Il approuve la destitution du président de la République et soutient le Haut Conseil d'Etat présidé à l'époque par Mohamed Boudiaf. Kasdi Merbah a été assassiné le 21 août 1993 à Bordj El Bahri, à l'est d'Alger, ainsi que son fils Hakim, son frère Abdelaziz, et leurs compagnons Abdelaziz Nasri et Lhachemi Aït Mkidèche. Ils reposent, désormais, au cimetière d'El Alia.