La présence du président de la République sahraouie, Mohamed Abdelaziz, aux festivités qui ont marqué l'arrivée au pouvoir du Guide de la Jamahiriya, a soulevé le courroux de Rabat. L'anecdote prend des allures d'affaire d'Etat. Elle a occupé l'essentiel de la réunion hebdomadaire du Conseil du gouvernement qui s'est tenue le 3 septembre sous la présidence du Premier ministre marocain. Dans un communiqué, ce dernier a exigé «à ce que des explications officielles lui soient fournies par les autorités libyennes sur ce qui s'est réellement passé». Pour rappel, la délégation marocaine, qui devait représenter le souverain alaouite aux festivités devant commémorer le 1er Septembre, le 40e anniversaire de la Révolution libyenne, et qui fut emmenée par son Premier ministre Abbas El Fassi, avait quitté précipitamment la capitale libyenne lorsqu'elle s'est rendue compte de la présence de la délégation sahraouie sur les lieux de la manifestation. Le contingent des FAR, les Forces armées royales, qui devait prendre part à la parade militaire prévue à cette occasion a dû, lui aussi, dans la précipitation, plier bagage. Cette invitation de leur ennemi juré a été qualifiée de «geste inamical» par les Marocains. «Le Royaume du Maroc demande aux autorités libyennes les explications nécessaires et appropriées face à ce geste inamical à l'égard des sentiments du peuple marocain», rapporte MAP, l'agence officielle de presse du royaume. Mouamar El Gueddafi aurait-il commis un crime de lèse-majesté? Il serait toutefois étonnant et surprenant de voir le Guide de la Révolution libyenne se soumettre à des excuses publiques, pour avoir choisi d'inviter des dirigeants qui ne sont guère du goût des autorités marocaines. La présence de Mohamed Abdelaziz n'a pas été digérée, elle est restée comme une arête en travers de la gorge des convives marocains. «Les représentants du Maroc ont décidé de se retirer des festivités du 1er Septembre à partir du moment où ils ont remarqué la présence du président de la pseudo "Rasd" parmi les invités», a déclaré à la presse le ministre de la Communication et porte-parole officiel du gouvernement à sa sortie du conseil de jeudi. Selon ce dernier, les choses devaient se passer autrement car la délégation marocaine était au courant, dès le départ, que des représentants de la République sahraouie étaient présents à Tripoli. Où pouvait donc résider le problème? «Nous savions que la pseudo "Rasd" prendrait part aux travaux du sommet africain prévu à Tripoli. Nous avons demandé clairement aux autorités libyennes à ce qu'il n'y ait pas d'amalgame entre ce sommet et les festivités du 1er Septembre. Et nous avons reçu les garanties nécessaires au plus haut niveau de l'Etat. Mais ces garanties n'ont pas été respectées», a expliqué Khalid Naciri. Le ressentiment des autorités marocaines à l'encontre des dirigeants de la Rasd pose dans toute sa complexité la question de la tenue d'un référendum au Sahara occidental qui puisse permettre au peuple sahraoui de se prononcer librement sur son autodétermination. C'est à se demander dans quelle ambiance a pu avoir lieu la rencontre informelle qui a eu lieu au mois d'août, à Vienne en Autriche, entre les représentants du Front Polisario et les représentants du Royaume alaouite. Le gouvernement marocain a vécu la présence de la délégation de la République sahraouie à Tripoli comme un soutien implicite du colonel El Gueddafi au Front Polisario. Il se sent offensé. Il tient mordicus à des explications. On est à la lisière d'une crise diplomatique. L'événement est qualifié d'incident déplorable: «Nous attendons toujours la réponse pour comprendre ce qui s'est réellement passé. Il y a eu des bribes d'explications en off, mais nous attendons des explications officielles...», a tenu à souligner le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement marocain. Le dernier mot reviendra très probablement au Guide de la Révolution libyenne.