Saâd Hariri qui a renoncé jeudi à former un gouvernement sera sans doute reconduit par le président Sleimane. La décision du chef de la majorité parlementaire, Saâd Hariri de renoncer à former un gouvernement d'union aggrave la tension politique au Liban et fait craindre un regain des troubles ayant marqué les dernières années, selon des analystes. Jeudi, Saad Hariri a annoncé qu'il renonçait à former un gouvernement d'union, accusant la minorité menée par le Hezbollah d'avoir entravé ses efforts en rejetant une liste de ministres qu'il venait de proposer. Mais la presse, les hommes politiques et les analystes sont unanimes pour dire que le chef de la majorité devrait être reconduit à ce poste réservé aux sunnites, à l'issue des consultations que doit entamer rapidement le président de la République Michel Sleimane avec les députés. Saad Hariri veut être renommé Premier ministre, affirme Karim Makdessi, professeur de sciences politiques à l'Université américaine de Beyrouth (AUB). Et «la minorité ne prendra pas le risque de proposer un leader sunnite de son camp», ajoute-t-il. «Les nouvelles consultations vont aboutir à la désignation de M.Hariri», estime le député membre de la majorité, Samir el Jisr, au quotidien Al Moustaqbal, propriété du fils de l'ex-Premier ministre assassiné Rafic Hariri. Pour Al Akhbar, M.Hariri «va être désigné de nouveau mardi». Ce quotidien proche de la minorité ne donne toutefois pas ses sources. Saâd Hariri est, d'ores et déjà, assuré du soutien de son propre camp, mais aussi de celui du président du Parlement, Nabih Berri, selon des proches de cet allié du Hezbollah chiite. Il «reviendra également avec plus de soutien international et, notamment des Etats-Unis, car il y a une peur que la crise ne s'aggrave», en dépit de la confiance affichée jeudi par Washington, poursuit Karim Makdessi. «Personne, ni au Liban, ni à l'étranger, n'a intérêt à ce que les combats reprennent dans la rue», souligne le professeur de l'AUB, en référence aux heurts sanglants qui ont éclaté en mai 2008, notamment entre les partisans de M.Hariri et ceux du Hezbollah. A la suite de la décision de M.Hariri, la crainte pour la sécurité est palpable. Des barrages de l'armée, chargée du maintien de l'ordre, étaient visibles jeudi soir sur la route de l'aéroport international de Beyrouth. Le quotidien proche de la minorité As Safir mettait en garde contre «des discours extrémistes à caractère confessionnel qui auraient un impact négatif dans la rue». «Je suis inquiet, car il y a des signes de tension dans la région qui se répercutent sur la scène libanaise, admet M.Makdessi. Il y aura certainement une escalade car personne ne semble être prêt à faire des compromis.» «Il y a une sorte d'immobilisme régional, et tant qu'il n'y a pas un grand événement qui fait basculer la situation (...), rien ne sera résolu au Liban», juge-t-il. Les concertations au Liban ont jusque-là bloqué sur les noms de certains ministres et la nature des ministères accordés à la minorité, la majorité accusant l'un des alliés du Hezbollah, le chrétien Michel Aoun, de mettre des bâtons dans les roues en voulant, entre autres, maintenir son gendre Gebrane Bassil aux Télécommunications. Cette demande a été rejetée par M.Hariri. Le gouvernement d'union est une revendication de la minorité qui refuse que la majorité s'arroge les décisions importantes, notamment sur la question délicate de l'arsenal du Hezbollah. Fin 2006, une crise sans précédent depuis la guerre civile (1975-1990) avait éclaté entre les deux camps sur fond de partage du pouvoir, atteignant son paroxysme avec les heurts sanglants de mai 2008. La crise a été désamorcée avec la signature de l'accord interlibanais de Doha, au Qatar, qui a proposé jeudi d'accueillir une nouvelle conférence.