La controverse sur l'élection présidentielle s'est amplifiée hier en Afghanistan, un mois après le scrutin, les observateurs de l'Union européenne estimant que près d'un quart des votes recensés pour l'heure sont suspects, ce qui pourrait forcer le sortant Hamid Karzaï à un second tour. «Nous refusons d'être les complices d'une quelconque tentative de fraude massive», a asséné devant la presse Dimitra Ioannou, chef adjoint de la mission d'observation électorale de l'Union européenne (UE). Les autorités électorales ont promis dans la soirée (hier) les résultats dans 100% des bureaux de vote, mais ils ne seront pas définitifs et officiels avant deux ou trois semaines au moins, le temps que les enquêtes sur les fraudes aboutissent. L'enjeu principal est de savoir si le chef de l'Etat, installé au pouvoir, il y a huit ans par la communauté internationale dont les troupes venaient de chasser les taliban, sera élu dès le premier tour. C'est ce que laissaient présager les résultats dans la quasi-totalité des bureaux de vote, qui le placent en tête avec plus de 54% des voix, mais une invalidation massive des votes pourrait le faire retomber sous la barre des 50%. Et un second tour-qu'il soit organisé dans la précipitation avant le rude hiver afghan ou repoussé au printemps-pourrait faire le jeu des taliban, qui ont considérablement intensifié leur insurrection ces derniers mois, malgré la présence de plus de 100.000 soldats des pays occidentaux. Or la communauté internationale, qui a organisé et parrainé le scrutin présidentiel, le deuxième de l'histoire du pays, semble partagée entre la nécessité de mettre en place rapidement un vainqueur et celle de lui octroyer une certaine légitimité démocratique, au moment où les opinions publiques occidentales, Etats-Unis en tête, poussent au désengagement de leurs soldats. «Nous avons calculé qu'il y avait 1,5 million de votes suspects», a déclaré Dimitra Ioannou, les observateurs estimant que cela représente environ un quart des bulletins déjà déclarés valides. Sur ces suffrages suspects, 1,1 million ont profité à M.Karzaï, selon Mme Ioannou, et quelque 300.000 à son principal rival, l'ancien ministre des Affaires étrangères Abdullah Abdullah, a-t-elle précisé. Selon des résultats partiels portant sur 95% des bureaux de vote, annoncés il y a une semaine, M.Karzaï était largement en tête avec 54,3%, contre 28,1% à M.Abdullah, qui réclame un second tour en raison de «fraudes massives» de son adversaire. Selon ces résultats, près de 1,5 million de suffrages séparent les deux hommes. Si les votes suspects repérés par l'UE étaient tous invalidés, M.Karzaï pourrait être contraint à un second tour. L'annonce de l'UE intervient alors que les résultats des votes dans la totalité des bureaux pour l'élection présidentielle en Afghanistan devaient être rendus publics dans la soirée d'hier, a indiqué la Commission électorale indépendante (IEC). L'IEC promis d'annoncer mer-credi, un mois après le scrutin, le chiffre très attendu de la participation, que les observateurs étrangers et afghans estiment très faible, de l'ordre de 30 à 35%. Si ce chiffre est confirmé, la future légitimité de M.Karzaï en sortirait encore plus affaiblie.