«Un réalisateur de cinéma se doit de voir ce qui se passe à la télé surtout que c'est devenu son producteur. Je n'ai pas envie de participer dans un film en coproduction pour tirer sur mon pays», confie le jeune acteur. Fennec d'or de la meilleure interprétation masculine, l'an dernier dans la coproduction algéro-syrienne Indama Tatamaradh El Akhlak, et campant cette année le rôle d'un drogué dans le feuilleton Le Médaillon de Baya Hachemi (diffusé sur la chaîne A3), le comédien évoque ici sa passion pour son métier et relève ses difficultés... L'Expression: Un mot sur votre expérience dans le feuilleton Le Médaillon de Baya Hachemi: Réda Laghouati: Je joue le rôle d'un drogué, Badis, le fils du hadj. Grosso modo, je suis issu d'une famille aisée. Alors que je suis à l'étranger, je découvre que ma mère et ma soeur sont décédées. J'en veux à mon père, ce qui crée, la cassure entre nous. Du moment que j'ai fait des bêtises, que je suis marié à une femme plus âgée que moi et j'ai eu un enfant avec elle, j'ai été victime d'un sorte de complot orchestré par mon cousin, j'ai été poussé sur le chemin de la drogue et des malfaiteurs. Quelle a été votre réaction à la lecture du scénario? Un temps d'appréhension d'abord et d'assimilation ensuite. Il y a une période de recherche puis une autre de transformation. C'est par ce processus que je suis amené à travailler. Ce qui a été dur, ce n'est pas le fait de jouer le rôle de cette personne qui ingurgite un tas de drogues, mais c'est l'étalement dans le temps. Le fait de replonger, ressortir de ce fléau et puis de retomber de nouveau. Comment s'est passée la transition entre votre rôle dans le feuilleton algéro-syrien et celui-ci? En fait, j'étais déjà en tournage sur le premier feuilleton. Baya Hachemi a eu la gentillesse de me laisser finir le tournage avec les autres. On a dû bloquer mon calendrier pour que je puisse finir avec les Syriens. Quand un comédien est dans la peau de son personnage, le reste suit. Il ne s'agit pas de passer d'un plateau à un autre. On ne tourne pas la même journée. C'est comme des tiroirs, quand le comédien a le personnage dans le coeur et dans la tête, il peut à chaque fois en tirer quelque chose. Il faut aussi beaucoup de persévérance et d'endurance pour jouer durant de longue journées. Comment voyez-vous ce métier de comédien en Algérie et avez-vous fait une formation en ce sens? A la base déjà, je ne suis pas comédien. J'ai fait des études supérieures en marketing avec une spécialité en management de projet. A priori, je n'ai rien à voir avec la comédie. Toujours est-il, j'ai commencé assez jeune. La première fois que j'ai rencontré Baya Hachemi, j'avais 19 ans. Mon premier rôle je l'ai obtenu à l'age de 20 ans. J'étais étudiant et en même temps je faisais de la comédie. J'avais joué dans le feuilleton El Mektoub. Le métier de comédien actuellement est ingrat. Non seulement il n'y a pas de continuité, mais on forme des gens à l'Inadc sans penser à les préparer au terrain. On leur donne des diplômes de comédien sans qu'ils soient confrontés aux vrais comédiens et se retrouvent ainsi sans grande production pour pouvoir mettre à l'oeuvre tous les éléments appris. C'est vrai que le métier de comédien est le plus beau du monde après celui de maman. Mais ce métier ne représente pas grand-chose en Algérie. C'est un tableau assez noir que vous dressez de votre métier et pourtant vous continuez à l'exercer. Pourquoi? Heureusement que je l'aime sinon je me serais tourné vers autre chose. J'ai un autre bagage qui me permettrait d'aller voguer sur d'autres horizons, mais je ne m'imagine pas faire autre chose que comédien. Ce métier, je l'ai aimé depuis mon enfance. J'ai fait beaucoup de théâtre scolaire. J'ai toujours été cinéphile. Je regarde au minimum trois films par jour. Je suis un boulimique de cinéma. Je regarde tout ce qui sort jusqu' à en perdre les noms des réalisateurs...A un moment donné, il faudrait arrêter, de se dire: doit-on continuer? Je ne parle pas de moi, si on ne croit pas au cinéma algérien il faut arrêter d'en faire. Si on ne croit pas en notre culture, on pense qu'on n'est pas capable de faire quelque chose de bon, il faut arrêter. On se vante toujours d'avoir de très bons réalisateurs de comédies et des techniciens, alors faisons des films... Je ne pense pas qu'on en a assez... Pourquoi? On en a au moins une vingtaine qui peuvent faire un feuilleton... Le problème, vous venez de le soulever, ce sont toujours les mêmes, au regard du nombre assez réduit de véritables bons comédiens. Ceci est un autre problème. Effectivement, pour moi ce fut une grande chance d'avoir eu à endosser le premier rôle car en général, toutes les histoires ne se basent pas sur la vie des jeunes personnages. Cela s‘adresse souvent à la ménagère de plus de 50 ans. A un certain moment, il faut arriver à comprendre que cette population est constituée de plus de 70% de jeunes. Elle est branchée via le câble. Cette génération est celle de Prison Break, de Melrose Place, etc. Cette génération est composée de mangeurs d'images qui ont une grande capacité d'analyse, plus rapide même qu'un gars de 50 ans. Il faudrait peut -être penser à changer de registre et faire autre chose qui s'adresserait à la nouvelle génération et faire avec ce qu'on a. Maintenant, si on pense ne pas avoir la capacité de faire tout cela, il faut arrêter d'en faire. Des projets? J'ai eu un prix donc, en moyenne je dois chômer environ un an et demi avant de prétendre à jouer de nouveau dans un film..Cela ne dépend pas de moi. Enfin, j'ai eu 2 ou 3 propositions mais cela ne s'est pas concrétisé en raison du manque de budget. La télé n'a pas encore signé. Il s'agit d'un feuilleton et un téléfilm, entre autres. Le cinéma ne vous tente pas? Pour l'instant les réalisateurs de cinéma ne me connaissent pas. Je n'en voudrais jamais à un spectateur de ne pas me connaître, mais j'en voudrais à un réalisateur car je trouve aberrant qu'un réalisateur algérien ne connaisse pas les comédiens algériens. Si j'en étais à mes débuts peut-être...Si on ne me connaît pas, ce n'est pas de ma faute. Je ne vois pas pourquoi il y a une telle cassure entre le cinéma et la télévision. Partout dans le monde et particulièrement ces dernières années, la plupart des comédiens qui jouent au cinéma sont tirés de la télévision. Un réalisateur de cinéma se doit de voir ce qui se passe à la télé surtout que c'est devenu son producteur, actuellement. La télé algérienne a produit au moins 50% des films qui ont été réalisés depuis la tragédie nationale. Et puis, je n'ai pas envie de participer dans un film en coproduction pour tirer sur mon pays. Là je ne peux pas..