Livrés à eux-mêmes, ils crient, en voix dispersées, «l'injustice et la hogra» qu'ils subissent au quotidien. Des centaines de personnes, tous âges confondus, ont investi hier, l'autoroute qu'ils ont bloquée pendant plusieurs heures. Il s'en est suivi un immense bouchon face aux barricades de fortune et des pneus brûlés. Mécontents de la liste des bénéficiaires des logements sociaux «affichée à 2h dans la nuit de jeudi à vendredi», les citoyens revendiquent «l'annulation officielle de cette liste» et «le changement de représentants de quartier». Les brigades anti-émeutes dépêchées sur place - une centaine d'hommes - n'ont pas usé de bombes lacrymogènes pour dégager l'autoroute, mais ont procédé à l'arrestation de quelques jeunes, quatre selon des témoignages recueillis sur place, dont un a été sérieusement passé à tabac, alors qu'il allait «sauver son frère». Avant de «quitter» l'autoroute, les contestataires ont exigé la présence du wali, puisque, disent-ils, le contact a été définitivement rompu avec le président de l'APC de Mohammadia, qui aurait déclaré, selon ces contestataires, que «la liste ne sera pas refaite même en présence du Président de la République». A 13h 30 alors que la situation était encore tendue, aucun officiel ne s'est rendu sur place et le président de l'APC était injoignable. Livrés à eux-mêmes, les citoyens crient en voix dispersées «l'injustice et la hogra» dont ils sont victimes. «Je me battrai jusqu'à la fin, car de toute façon je suis mort recto-verso», s'écrie un jeune qui ne voulait pas quitter l'autoroute sous les bousculades des policiers. «J'ai passé cinq années au service militaire, je vous promets que je brûlerais tout seul cette autoroute», lance un autre très affecté par le passage à tabac d'un enfant de son quartier. Cette ultime contestation intervient après le rassemblement qu'a connu, il y a deux jours, l'APC de Mohammadia .Toujours à propos de cette liste de discorde, les citoyens de cette commune, qui en compte plus de 3500, affirment que parmi les bénéficiaires existent des commerçants, ou de lots de terrain, des propriétaires de lots de terrain ou de deux ou trois logements et des résidents venus d'ailleurs. «Parmi les bénéficiaires, il existe certes, ceux qui méritent, mais il les ont placés juste pour camoufler leur béni-aamisme et leur favoritisme», déclare un barbu l'air très serein. «Où allons-nous? L'injustice a poussé nos jeunes à la drogue, au suicide et au maquis, où allons-nous?», s'écrie une vieille dame tenant d'une main l'emblème national et essuyant son front de l'autre. La manifestation d'hier n'a enregistré ni blessés ni actes de vandalisme, grâce au calme et à la sagesse de certaines personnes. Cependant, elle demeure un signal rouge qui s'ajoute au tableau de bord d'une gestion locale catastrophique. A quelques jours des élections locales et à quelques encablures de la capitale, le cas de Mohammadia, mérite, au-delà de l'interrogation, un traitement spécial dans l'urgence avant que...