Les responsables algériens n'ont pas les circonstances atténuantes de leurs prédécesseurs des années 1970 qui ne disposaient ni d'un outil statistique fiable ni d'institutions consultatives rodées. Il est temps que le président de la République intervienne pour apporter les clarifications exigées par nos partenaires en ce qui concerne aussi bien la philosophie qui inspire la loi de finances complémentaire pour 2009 (la LFC) que les modalités d'application de cette loi. L'Algérie n'a pas fait le choix de l'autarcie, ni même d'un développement autocentré en faveur duquel, au demeurant, elle ne peut mobiliser ni les moyens techniques suffisants ni les ressources humaines adéquates. Elle a fait le choix de s'insérer dans la mondialisation libérale, comme en témoignent la conclusion d'un accord d'association séparé avec l'UE, l'adhésion à la Zale, la ratification d'une cinquantaine de conventions bilatérales de protection des investissements et d'une trentaine d'accords de non double imposition. En témoigne aussi le contenu de son droit interne. Il en résulte que l'Algérie doit respecter ses engagements et assurer, en sa qualité d'Etat souverain, les contraintes résultant d'une insertion perçue tardivement comme insuffisamment vertueuse dans le marché mondial. Il serait évidemment inexact de prétendre que les responsables politiques algériens n'ont pas été mis en garde contre un excès de précipitation dans le processus de désétatisation de l'économie nationale. Le nombre de travaux publiés dans les revues, de colloques, de séminaires est là pour le prouver, tout comme le rôle de la presse indépendante qui a largement contribué à dessiller les yeux de certains responsables en mettant au jour les privatisations manquées, l'absence d'indépendance des autorités de régulation, l'anarchie de la distribution et des prix, la mauvaise allocation des crédits bancaires, la très insuffisante attractivité du territoire national pour les IDE, l'absence de diversification de l'économie nationale. L'état des lieux de l'économie algérienne a été dressé de façon exhaustive, particulièrement depuis que des institutions multilatérales comme la Banque mondiale, sont devenues parties prenantes à l'élaboration de certains segments, au moins, de la politique économique algérienne. Ceci signifie que les responsables algériens n'ont pas les circonstances atténuantes de leurs prédécesseurs des années 1970 qui ne disposaient ni d'un outil statistique fiable, ni d'institutions consultatives rodées ni de précédents historiques auxquels ils eussent pu se référer utilement. D'où la perplexité dans laquelle a été plongée la communauté des opérateurs économiques à la lecture des dispositions de la LFC pour 2009 relatives au partenariat, alors que de notoriété publique, nos entreprises ne sont pas encore en mesure de s'associer à des entreprises étrangères pour la réalisation de projets structurants. La participation majoritaire des Algériens dans le capital des entreprises investisseuses A aucun moment, le gouvernement n'a fourni d'argument pertinent en faveur de cette mesure, si ce n'est pour dire qu'il fallait encourager le capital national, moyennant quoi, il existait bien d'autres instruments pour stimuler la production nationale et accroître la compétitivité des entreprises algériennes que l'imposition d'une participation majoritaire de l'investisseur algérien dans un joint-venture avec les étrangers. Il faut, en effet, savoir que le droit algérien protège efficacement l'associé ou l'actionnaire minoritaire (ne serait-ce qu'à travers la faculté de blocage dont dispose celui-ci dans les assemblées générales). En second lieu, si l'objectif des pouvoirs publics est de favoriser le transfert de technologie, l'assistance technique et la formation du personnel local, aucun lien ne peut être établi entre la position majoritaire d'un actionnaire et l'assurance que le minoritaire satisfera à des obligations dans ces domaines. En troisième lieu, à quoi servent les pactes d'actionnaires, si ce n'est à préciser les droits et obligations des parties, indépendamment du niveau de leur participation dans le capital social? Il appartient, seulement, à la partie algérienne de rédiger avec minutie et rigueur le projet du pacte d'actionnaires en mettant à la charge de l'investisseur étranger des obligations précises en matière de transfert de technologie, de respect des règles de l'art, de qualité des fournitures et des techniques, d'information des institutions en charge du suivi de l'investissent, etc. et d'en faire juge, au besoin, les juridictions algériennes, de préférence aux juridictions étrangères. Tout ceci suppose évidemment que le partenaire étranger accepte les conditions de l'entreprise algérienne. Et dès lors qu'il les accepte, il devra s'y conformer, sauf à risquer de voir le transfert de ses dividendes à l'étranger remis en cause, ainsi que l'ensemble des autres avantages qui lui ont été accordés. En tout cas, aucune mesure législative ne fera, à elle seule, de l'Algérie une terre d'accueil des IDE. Et bien loin d'encourager les entreprises étrangères à venir investir en Algérie, des dispositions comme celles de la LFC accroissent d'un cran la déjà faible attractivité de notre pays pour les IDE. Il est, à cet égard, regrettable que des entreprises américaines fermement décidées à s'installer en Algérie- hors secteur des hydrocarbures-, aient été amenées à y renoncer, à cause des dispositions de la LFC sur le partenariat (V. sur ce point, déclaration de P.Burkhead, envoyé du représentant US au Commerce, le 29 septembre 2009, au siège de l'ambassade des EU à Alger). Le président de la République doit comprendre que les dispositions de la LFC sur le partenariat sont à la fois surréalistes et anachroniques. Elles sont surréalistes, en ce sens que seules des entreprises déjà mises à niveau depuis longtemps sont capables de nouer des partenariats avec des investisseurs étrangers qui soient utiles pour l'économie nationale. Par ailleurs, le chef de l'Etat est fondé à exiger un bilan de l'activité des fonds de participation, des holdings publics et des SGP, 22 ans après l'entrée en vigueur des lois sur l'autonomie de l'EPE (janvier 1988). Deux décennies d'encadrement des EPE par des institutions quasi administratives n'ont nullement empêché la mise sous perfusion d'un grand nombre d'entreprises publiques, ce qui constitue un désastre national. Quant à l'évaluation de la mise à niveau des PME/ PMI privées par le ministre du secteur, elle n'est aucunement convaincante, argument pris de la très faible productivité du travail dans la quasi-totalité de ces entreprises, notamment dans celles du BTP dont la contribution au développement du pays devrait être prépondérante. Stratégie des firmes en matière d'investissement Lorsque le gouvernement légifère sur le partenariat, il ne doit pas oublier que la forte polarisation géographique des IDE (Amérique du Nord, UE, Brésil, Russie, Mexique) a pour conséquence que les autres pays d'accueil sont en situation de forte concurrence pour attirer les IDE restants. C'est un lieu commun de dire que l'Algérie ne peut, d'aucune façon, soutenir la comparaison avec les principaux pays du Sud et de l'Est de la Méditerranée (Maroc, Tunisie, Egypte, Turquie) en matière d'attractivité. Aussi bien, la fixation du pourcentage de participation au capital des entreprises par le législateur reflète-t-elle une méconnaissance profonde des stratégies propres de localisation des firmes, stratégies sous-tendues par une logique de production incluant la recherche/développement, la conception, la fabrication, l'assemblage et la distribution ainsi qu'une forte mobilité du capital. Le Maghreb constitue déjà une zone de délocalisation potentielle de différents segments de production industriels étrangers, mais seuls jusqu'ici le Maroc et la Tunisie s'efforcent de s'adapter à la sous-traitance internationale. Il en résulte que le Maghreb, même élargi à l'Egypte, ne peut se transformer, avant très longtemps, en un ensemble industriel horizontal, capable de nouer des alliances avec des firmes étrangères. Il s'agit même là d'une chimère qu'il serait sage de ne pas poursuivre. Aujourd'hui, les alliances industrielles visent le partage des coûts et des risques de recherche et développement, la production en commun et la réalisation d'économies d'échelle. Il est important que le Président sache que la création et l'acquisition d'entreprises postulent l'évaluation des risques industriels et financiers de toutes sortes, et que, de ce point de vue, la LFC ne répond pas à cette problématique. Il en est a fortiori ainsi des alliances industrielles que la même LFC cherche à promouvoir, alors que celles-ci ne peuvent être conclues qu'en fonction d'objectifs technologiques, manufacturiers ou commerciaux très particuliers. Il est indispensable que les partenaires soient complémentaires car l'avantage spécifique d'une alliance industrielle est tributaire des échanges réciproques de savoir-faire entre partenaires. L'échec des opérations de privatisation menées depuis 15 ans, illustre les avatars d'une transformation purement volontariste d'un outil de production peu compétitif, sinon obsolète. Les véritables priorités La priorité pour les pouvoirs publics est plutôt d'établir des règles claires du droit de propriété de sorte à donner toutes assurances aux investisseurs, de stabiliser le taux de change, de restructurer le système bancaire et de sortir de son coma profond le système financier. En outre, il tombe sous le sens que le poids du secteur public (indépendamment de sa viabilité économique) et la structure de la concurrence constituent des éléments déterminants pour les investisseurs. Enfin, la disparition d'un certain nombre de fleurons de l'industrie algérienne (à l'exemple de Tonic Emballage) ou l'éviction d'un fournisseur d'accès à Internet, dont l'utilité est pourtant reconnue, mais le réexamen des modalités de remboursement de sa dette rejeté, (personne ne comprend qu'un provider performant, ayant des projets de développement à la mesure d'une demande en expansion et s'apprêtant à nouer des partenariats avec des firmes étrangères soit dans l'incapacité d'obtenir de sa banque un prêt de 3, 5 milliards de DA aux fins de rembourser AT), nourrissent les inquiétudes les plus sérieuses de la part des investisseurs étrangers. Dans la majorité des cas, des opérateurs économiques se trouvent menacés de disparition, non par l'effet du jeu du marché mais suite à des stratagèmes obscurs et mystérieux. Sur ce registre, le président de la République doit prendre la mesure de l'impact très négatif produit à l'étranger par ces phénomènes, lesquels ne sauraient perdurer sans transformer l'Algérie en un contre-exemple en matière de stabilité et de prévisibilité. Il reste à espérer que la leçon portera, ne serait-ce que dans la perspective de la loi de finances pour 2010.