Le numéro un de l'ONU en Afghanistan, Kai Eide, accusé par son ex-adjoint d'avoir couvert des fraudes électorales, a reconnu hier pour la première fois qu'elles avaient été «considérables» à la présidentielle afghane, dont le résultat devrait tomber cette semaine. Visiblement furieux, M.Eide avait organisé une conférence de presse pour répondre à son ancien adjoint Peter Galbraith, récemment démis de ses fonctions, qui l'accuse d'avoir tenté de cacher des preuves de fraude à la présidentielle. Preuve que la communauté internationale resserre les rangs sous l'orage, il était entouré des ambassadeurs américain, britannique, français et allemand à Kaboul, ainsi que de représentants de l'UE et de l'Otan, auxquels les journalistes n'ont pas été autorisés à poser des questions. Dans un communiqué, la présidence de l'Union européenne a dit «soutenir totalement la mission d'assistance de l'ONU en Afghanistan (Unama)» et son chef Kai Eide. Samedi, Washington avait déjà cru bon d'affirmer son «plein soutien» à ce dernier. «Dans un certain nombre de bureaux de vote dans le Sud et le Sud-Est, il y a eu des fraudes considérables, mais pas que là (...). L'étendue des fraudes est en train d'être déterminée», a dit M.Eide. Les observateurs afghans et internationaux ont signalé de nombreuses irrégularités lors du scrutin, majoritairement au profit du président sortant Hamid Karzaï. Selon des résultats préliminaires, M.Karzaï mène avec 54,6% des voix, contre 27,8% à l'ancien ministre des Affaires étrangères Abdullah Abdullah. Les résultats définitifs, après examen des bulletins de vote suspectés frauduleux, devraient être annoncés dans la semaine. Tendu, M.Eide a déclaré: «certaines accusations étaient basées sur des conversations privées tenues pendant que Galbraith était invité dans ma maison. Ma position est que les conversations privées (...) doivent rester privées». La publicité entourant le renvoi de M.Galbraith et les accusations portées par ce dernier «ne sont pas seulement des attaques personnelles contre moi et mon intégrité, mais ont affecté l'ensemble du processus électoral», a-t-il déploré. Peter Galbraith, renvoyé le 30 septembre, était immédiatement passé à l'offensive, voyant dans cette décision un «terrible signal» quant à la volonté de l'ONU de lutter contre les fraudes. Les désaccords entre les deux hommes avaient commencé avant même le scrutin. Et lorsque les preuves de fraude devinrent «très graves», M.Galbraith affirme que M.Eide avait refusé que ces informations, contenues dans un document secret de l'ONU, soient diffusées, même aux ambassadeurs occidentaux à Kaboul. Il a également dit que 30% des voix de M.Karzaï étaient frauduleuses, rejoignant en cela les observateurs de l'Union européenne; ceux-ci ont jugé que 1,5 million de bulletins étaient «suspects», dont 1,1 auraient profité à M.Karzaï et 300.000 à M.Abdullah. Pour M.Eide, il est impossible de connaître la proportion de votes frauduleux, les investigations des autorités électorales étant en cours. Il a nié être intervenu pour dissimuler des fraudes, ajoutant que la mission de l'ONU était «de soutenir le processus, pas d'influencer le résultat». M.Abdullah, premier opposant de M. Karzaï qu'il accuse de fraudes à grande échelle, a déclaré hier être «convaincu de la transparence» des enquêtes sur les fraudes. Il a estimé que les enquêtes entraîneraient suffisamment d'annulations de bulletins frauduleux pour nécessiter un second tour entre lui et M.Karzaï. Si un second tour était nécessaire, il devra être organisé très rapidement, car de nombreuses régions d'Afghanistan seront bientôt inaccessibles à cause des dures conditions hivernales.