L'éventuelle saisine de la CPI constitue la principale divergence, notamment pour les Etats-Unis qui ont voté contre la résolution. Le Conseil des droits de l'homme de l'ONU, à Genève, composé de 47 Etats, dont des pays représentant le groupe arabe, de l'Organisation de la conférence islamique (OCI), des non-alignés, de pays africains et de puissances comme la Chine, ont voté en faveur de la résolution pour l'adoption du rapport Goldstone. Au total, 25 voix pour et 6 membres ont voté contre dont les USA, la Hollande et l'Italie, 11 se sont abstenus, parmi lesquels la France et le Royaume-Uni. La portée de cette résolution n'est pas que symbolique, elle comporte trois aspects principaux. Elle soutient le rapport du juge sud-africain Richard Goldstone, qui accuse l'armée israélienne d'avoir commis «des crimes de guerre» et «de possibles crimes contre l'humanité» durant l'offensive israélienne à Ghaza de décembre-janvier. Elle approuve la demande d'enquêtes nationales indépendantes pour punir les responsables. Elle approuve que le Conseil de sécurité de l'ONU puisse saisir le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) en cas de blocage de ces enquêtes. Ainsi, le dossier devrait être renvoyé aux instances onusiennes de New York: l'Assemblée générale de l'ONU et le Conseil de sécurité. L'éventuelle saisine de la CPI constitue la principale divergence, notamment pour les Etats-Unis qui ont voté contre la résolution. Un veto de leur part au Conseil de sécurité risque de bloquer le processus. Le texte pourrait alors être examiné par l'Assemblée générale de l'ONU, et l'image négative de la superpuissance risque brutalement de ressurgir. L'avenir des relations internationales se reflète dans cette affaire. C'est un test grandeur nature pour Barack Obama. L'impunité porte atteinte à la sécurité du monde Le rapport Goldstone, du nom du juge Richard Goldstone, sous l'égide de l'ONU, au sujet des crimes commis par Israél à Ghaza, est donc en train de confirmer l'isolement d'Israël au sujet de l'occupation en Palestine. C'est une vraie occasion historique pour amener Israël et les USA de Barack Obama à prendre acte que l'impunité porte atteinte à la sécurité du monde et à la paix dans la région. L'attitude capitularde et immorale du président palestinien Mahmoud Abbas qui, dans un premier temps, avait accepté le report du vote sur ce rapport montre que les pressions exercées sur lui avaient pour but de mettre au placard la vérité historique. Le retour au débat à l'occasion de la 12e session extraordinaire du Conseil des droits de l'homme de l'ONU sur la situation des droits de l'homme et l'adoption de la résolution démontre que la prise de conscience peut être en faveur de la manifestation de la vérité. Le soutien de pays arabes, musulmans, africains et du Mouvement des non-alignés, comme l'Algérie, au rapport Goldstone et la demande de mettre en oeuvre ses recommandations ne signifient pas qu'ils acceptent que les mêmes accusations soient portées contre les Palestiniens, les agressés, comme l'a affirmé le représentant permanent de l'Algérie auprès des Nations unies et des organisations internationales à Genève. En effet, le débat sur la question palestinienne et les crimes de guerre et contre l'humanité perpétrés par la soldatesque israélienne tendent, sous l'influence de puissances occidentales, à ce que le prix à payer, en termes de neutralisation, est d'accepter que les mêmes accusations soient portées contre l'agressé, cherchant à renvoyer, dos à dos dans le meilleur des cas, l'oppresseur et l'oppressé, la victime et le coupable, ce qui perpétue l'aveuglement au sujet de l'injustice. C'est une approche qui contredit la morale et le droit. Tous ceux qui veulent vivre en paix doivent savoir qu'entre l'Occident et l'Orient, sans la libération du peuple palestinien, et la coexistence entre les Israéliens et les Arabes, l'avenir restera sombre. Le moment est venu de dire le droit et la justice, afin de réinventer une nouvelle Andalousie. Contre l'Etat raciste d'Israël, un mouvement, non négligeable, est en train de prendre forme dans le monde prônant le Boycott, le Désinvestissement, et des Sanctions. La décision de la Norvège de retirer ses fonds des sociétés israéliennes impliquées dans la construction des colonies représente le premier succès de cette campagne de résistance pacifique. Il est important de construire une dynamique unitaire pacifique incluant la Résistance nationale palestinienne, les forces israéliennes hostiles à l'occupation, et le mouvement de solidarité internationale. La paix est souvent le résultat d'un rapport de forces dans lequel une partie ne peut imposer à une autre ce qu'elle considère comme ses privilèges. Le but est de défendre sans exclusive le droit fondamental entre tous: celui de la liberté des peuples; sans quoi, il ne peut y avoir ni liberté individuelle, ni dignité. En Palestine et dans le monde entier, un seul mot d'ordre: mettre fin à la domination, à l'oppression, à la décolonisation. Certes, il faut tenter de convaincre la majorité de l'opinion israélienne et internationale, mais les mouvements de libération n'ont pas à demander l'aumône, ils n'attendent pas la permission des puissants pour combattre l'occupant. A l'intérieur d'une société coloniale comme Israël, ou dans une société dominante comme les USA, les changements sont toujours le processus du débat et du combat pour la libération, et non l'inverse. Quand le prix de l'occupation ou de la domination devient trop élevé, les dominateurs et les agresseurs comprennent que c'est un échec. Dialoguer, négocier, préférer la paix est un impératif, mais pour y parvenir, l'opprimé a besoin non pas de tendre l'autre joue, mais de montrer sa détermination à résister et se battre pour ses droits et sa liberté. Comme le soulignent nombre d'analystes, la faillite du processus d'Oslo confirme une leçon de l'Histoire: toute tentative de paix et de réconciliation avant la réalisation des droits renforce le maintien de la relation de domination coloniale. La leçon de la lutte de libération algérienne démontre que le langage de la dignité et de la lutte, contraint et forcé, est un chemin logique. Sans un prix à payer, les Israéliens ne voudront pas mettre fin à la colonisation. Le prix à payer peut naître d'actes pacifiques, comme le boycott, le désinvestissement et les sanctions. Il s'agit de ne pas alimenter les extrêmes et de viser le vivre-ensemble dans la vérité. C'est pourquoi la campagne Boycott, Désinvestissement et Sanctions est stratégique. Elle met l'accent sur le cadre pacifique et international qui responsabilise tous les Etats et tous les peuples en vue d'aider le peuple palestinien à obtenir ses droits légitimes. Il n'est pas vain de boycotter et de sanctionner Israël qui a peur de ce mouvement, car comme pour l'Afrique du Sud il y a trente ans, il s'adresse à la communauté internationale pour le sanctionner en tant qu'Etat qui viole la loi internationale, les conventions de Genève, et les valeurs universelles. Tout le monde est concerné par ce mouvement de résistance, les masses et les élites. Il s'agit de dénoncer et boycotter les personnalités officielles, les institutions, les biens, qui représentent l'Etat colonial israélien. Sous l'impulsion du rapport Goldstone, c'est une nouvelle étape pour les Palestiniens, la conscience universelle et les mouvements attachés au droit et à l'amitié entre les peuples. Agir sera un message et une pression légitime sur les peuples israélien et américain, les poussant à comprendre que l'occupation et la colonisation ont un prix, que la violation des règles du droit international mène à un suicide collectif. Mettre fin à l'occupation La fin d'Israël par isolement et implosion, ou la fin de l'occupation? Il faut choisir. L'Etat d'Israël, pays actuellement infréquentable, pris en otage par son extrême droite fascisante, demain au bord de la guerre civile, non admis dans la communauté des nations civilisées, sera obligé de choisir et mettre fin à l'occupation. Les pays arabes ont déjà proposé la normalisation complète et de bons rapports de voisinage avec Israël, en cas de retrait des territoires occupés depuis 1967. C'est une position sage. La résistance pacifique, sous forme de Boycott, Désinvestissement et de Sanctions est dans l'intérêt de tous, et s'adresse aux Israéliens et aux Américains qui gouvernent le monde. Il s'agit de provoquer une rupture dans la vision qu'ont les dominants vis-à-vis des dominés et comprendre qu'il n'y a pas d'alternative au vivre-ensemble, dans le respect de la justice. La campagne Boycott, Désinvestissement et Sanctions a été lancée par des réseaux de mouvements palestiniens et occidentaux attachés aux droits de l'homme. Aucun citoyen dans le monde, qui affirme soutenir la démocratie, la liberté et le droit ne peut ignorer cette démarche, surtout pour ceux qui critiquent le chemin de la lutte armée. L'avenir du monde se joue sous les yeux de tous, nul ne peut dire qu'il ne savait pas. (*) Professeur des Universités www.mustapha-cherif.com