Les terrasses des cafés mixtes renseignent sur les ambitions de ce pays où l'on n'a pas perdu le goût et le plaisir du frisson, celui de la fièvre du samedi soir. Dans les rues de la capitale tunisienne, Tunis, les manifestations du rendez-vous de l'élection présidentielle du 25 octobre prochain se font discrètes et ne se déclinent pas par un tapage médiatique, un affichage sauvage ou une overdose de meetings politiques. A l'exception de quelques rares posters du président sortant Zine El Abidine Ben Ali, les affiches se font rares dans les grandes artères de la ville. Ce sont plutôt des galas improvisés en plein air, attirant des milliers de personnes dont des touristes en mal d'exotisme, qui mettent le grand boulevard Habib-Bourguiba, au coeur de Tunis, dans une ambiance plutôt festive qu'électorale. Autant dire que les Tunisiens festoient avant même l'annonce des résultats de cette élection. Pour restituer ce climat, il faut se rappeler les moments de joie impulsée par le Festival panafricain l'été dernier à Alger quand des familles, des couples, des jeunes et des vieux ont renoué avez les sorties nocturnes, la paix sociale et le bonheur de vivre sans stress. Et en Tunisie, on vit sans stress même à l'approche d'une élection, fût-elle présidentielle. Les terrasses mixtes qui tranchent avec le paysage des cafés où la composante est exclusivement au masculin pluriel, les rues animées par des vagues de touristes insouciants, et les magasins qui pullulent de monde, renseignent sur les ambitions de ce pays jeune, incroyablement jeune où l'on n'a pas perdu le goût du frisson, celui de la fièvre du samedi soir. Quand on circule dans les rues de Tunis, on ne rencontre que des jeunes, à croire qu'il n'y a pas de vieux. Peut-être parce que la Tunisie de Ben Ali n'a que 22 ans. Cette Tunisie-là, suscite des passions. Elle est à la fois citée en exemple de réussite et critiquée, vilipendée. Mais elle refuse de se cloîtrer dans la camisole que ses détracteurs tentent de lui imposer. Que fera alors le futur président de la République pour consolider ces acquis et ne pas s'en contenter? Quelles seront ses préoccupations majeures pour répondre aux aspirations des Tunisiens qui ont pris goût à un certain mode de vie, des Tunisiens peu enclins à renoncer à leur mode de vie moderne et ouvert? Le slogan de campagne électorale du président sortant Ben Ali est: «Ensemble relevons les défis». Les défis sont nombreux. Ce sont les acquis de la femme à consolider. Les femmes en Tunisie ont en effet, beaucoup d'acquis à défendre et à garder, notamment depuis le Code du statut personnel. C'était le défunt président «Lahbib» (Habib) Bourguiba qui l'avait imposé et il a été actualisé depuis par le président Ben Ali. La Tunisie est le seul des 22 pays arabes à disposer de ce code interdisant la polygamie et accordant des droits en matière de divorce et d'émancipation, garantissant le principe d'égalité entre les deux sexes. Grâce à ces avantages, la Tunisie s'est prémunie de la contamination islamiste, une alternative qui fait peur aux Tunisiens. Il y a aussi les acquis économiques à préserver. Habitat, équipements publics, zones d'activité, réseaux de communication, de distribution d'énergie, d'eau...Le pays est en pleine mutation économique, et de plus en plus rapidement. Cependant, cet élan est désormais tributaire de l'évolution de la crise financière mondiale même si pour le moment elle n'a pas ébranlé l'économie du pays dont les fondamentaux sont solides. Si bien que même si la réalisation de certains projets est exposée aux effets de la conjoncture mondiale, la Tunisie ne renonce pas à ses projets et reste ainsi un chantier permanent. Taparura, un projet d'aménagement dans la ville de Sfax, vole la palme de popularité. Près de 76 millions d'euros ont été alloués à ce projet pour en finir avec les problèmes environnementaux sur la façade maritime de la ville. La première partie des travaux tire à sa fin, elle est pratiquement achevée. Ils ont permis de dépolluer le bord de mer et de récupérer quelque 6 kilomètres de plages pour ensuite les aménager. Sur le plan industriel, le parc aéronautique de la banlieue sud de Tunis jaillit du sol. Aerolia, filiale d'Airbus, est en train de s'y installer ainsi que plusieurs de ses sous-traitants. Dans les télécoms, un secteur auquel le président Ben Ali tient énormément, les projets ne manquent pas. En plus de Tunis Telecom City, dont les travaux du chantier démarreront incessamment, deux autres technopoles dans le domaine des TIC sont en voie de réalisation dans la banlieue tunisienne, près de Tunis. C'est dire la fièvre des investissements en Tunisie en dépit de la crise financière mondiale. Ce sont autant de défis qui attendent le futur président de la Tunisie qui a opté pour une politique d'ouverture sur l'économie de marché. En cela, elle voit grand, cette petite Tunisie qui festoie avant le rendez-vous électoral.