L'une des principales nouveautés du traité de Lisbonne, si l'obstacle tchèque est surmonté, consiste en la création d'un poste d'un vrai service diplomatique européen. Un bras de fer est engagé sur les contours de la future diplomatie de l'Union européenne qui doit s'affirmer davantage sur la scène mondiale grâce au traité de Lisbonne, avec une question: réussira-t-elle à s'émanciper des grands Etats pour servir l'intérêt général? L'une des principales nouveautés de ce traité, si l'obstacle tchèque à sa ratification est surmonté, consiste en la création d'un poste de Haut représentant aux affaires étrangères aux pouvoirs renforcés et doté d'un vrai service diplomatique européen. «C'est probablement l'innovation la plus importante du traité de Lisbonne», davantage encore que le président de l'Union européenne aux prérogatives encore floues, déclarait récemment à Bruxelles le secrétaire d'Etat français aux Affaires européennes, Pierre Lellouche. Les négociations de coulisses entre gouvernements ont déjà commencé pour désigner le futur «ministre» des Affaires étrangères de l'UE, poste pour lesquels les noms du Britannique David Miliband, du Suédois Carl Bildt, du Finlandais Olli Rehn ou de l'Autrichienne Ursula Plassnik sont les plus souvent évoqués. Mais les tractations sont plus âpres encore autour du service diplomatique, baptisé «service européen d'action extérieure» et appelé à terme à employer plusieurs milliers de fonctionnaires et diplomates venant de trois horizons: la Commission européenne, les différents Etats européens et le Conseil de l'UE. Ils seront basés à Bruxelles et dans des représentations de l'UE à l'étranger. Objectif affiché d'une UE souvent comparée à un nain politique: incarner une politique étrangère à la fois plus cohérente et ambitieuse. Le Parlement européen a engagé l'épreuve de force. Craignant de voir le service contrôlé par les Etats, il veut le voir chapeauté par la Commission européenne, afin d'avoir un droit de regard (via le contrôle budgétaire) et d'en faire un organe véritablement européen échappant aux influences nationales. Une résolution en ce sens des élus devait être débattue hier à Strasbourg. Le sujet sera ensuite discuté lundi à Luxembourg par les ministres européens des Affaires étrangères. Certains députés menacent même, pour obtenir gain de cause, de bloquer la nomination du futur Haut représentant, qui sera aussi vice-président de la Commission européenne et donc soumis à un vote d'approbation des élus. «Nous avons déjà versé le sang et nous le referons à nouveau» si nécessaire, prévient le Libéral Andrew Duff, en référence au blocage de nominations dans le passé par le Parlement. Le Parlement peut compter sur le soutien du président de la Commission européenne. Le service «devra inévitablement travailler en étroite collaboration avec toutes les institutions, à commencer en tout premier par la Commission», a dit hier José Manuel Barroso. «Son succès en dépendra, pour s'assurer qu'il soit plus que la somme de ses différentes composantes», a-t-il ajouté. Les Etats sont opposés à l'idée d'un service dépendant de la Commission. Mais leur position n'est pas homogène, car les plus petits veulent aussi éviter que la politique extérieure européenne soit dictée par les diplomaties nationales les plus en vue, britannique et française particulièrement. «Chacun voit midi à sa porte et essaie d'infléchir sa conception dans le sens qui l'intéresse le plus», résume un diplomate. «Les Etats vont-ils être frileux et refuser une diplomatie trop indépendante qui leur échapperait? Ou vont-ils jouer le jeu européen? C'est la grande question», ajoute-t-il. Une chose est sûre. «Le service d'action extérieure ne fonctionnera qu'à condition que les grands Etats l'acceptent. Sinon, ils saperont le projet», estime Antonio Missiroli, analyste du European Policy Center à Bruxelles.